Expulsion des correspondantes des journaux français « Libération » et « Le Monde » : Des journalistes entièrement d’accord
Après la suspension de la diffusion des programmes de Radio France Internationale (RFI) le 3 décembre 2022 et de la télévision d'information française France 24 le 27 mars 2023, c’est au tour de deux correspondantes de journaux français, respectivement Agnès Faivre de « Libération » et Sophie Douce du journal « Le Monde », d’être sommées de quitter le territoire burkinabè le 1er avril 2023. Il leur est reproché par le gouvernement leur manière de traiter l’information « avec légèreté ». Suite à cette décision du gouvernement burkinabè d’expulser ces journalistes, Radars Info Burkina a tendu son micro à quelques journalistes burkinabè pour recueillir leurs avis.
Selon un journaliste qui a préféré garder l’anonymat, l’expulsion de ces journalistes est une chose, et l'interprétation que l'on fait de cette expulsion en est une autre. Celui-ci estime que si ce qui leur est reproché est exact, leur expulsion est alors justifiée. Dans le cas contraire, ce serait juste des victimes de la relation tendue entre Ouagadougou et Paris.
« Tout compte fait, ce sont les autorités qui impriment la marche à suivre et si elles désirent couper tout contact avec un pays qui manque de franchise dans sa coopération, c'est leur droit. Elles n'ont de comptes à rendre qu'aux Burkinabè en cas de trouble et pas à un pays tiers. Et c'est aux Burkinabè seuls de juger si leurs autorités méritent leur confiance ou non », a-t-il déclaré.
Abraham Bazié, journaliste à « Libre Infos », lui, dit ne pas être contre cette expulsion, la trouvant tout à fait légitime. Le gouvernement a le droit de suspendre un média si ce média ne traite pas les informations avec le sérieux qu’il faut, surtout les informations sécuritaires du Burkina.
Sur la question de la publication du quotidien « Libération » où il est question de torture d’enfants dans un camp militaire burkinabè, il estime que le gouvernement devrait plutôt chercher à authentifier la vidéo pour voir si elle est avérée et dans quel camp militaire cela a eu lieu. Sa réaction telle que faite, c’est comme si c’était vrai et qu’il ne voulait pas qu’on en parle.
Pour la suspension de France 24 pour avoir donné la parole à un chef terroriste, ce journaliste pense que le gouvernement fait du deux poids deux mesures parce qu’une radio du Burkina (Femina Fm) avait également donné l’occasion à l’auditeur Moumouni Dicko d’inciter à l’intolérance religieuse et à la haine envers les FDS et les VDP. Pourtant, ladite radio n’a pas été suspendue, elle a juste été avertie. Néanmoins, il soutient que le gouvernement a le droit de suspendre un média ou d’expulser une personne, si ce qui est fait n’est pas en droite ligne avec la trajectoire que le pays s’est tracée. Selon lui, un cas similaire s’est produit en Europe. Il a cité à titre illustratif l’exemple de la télévision russe RT qui a été suspendue par l’Union européenne. Pire, ses avoirs ont été gelés. Cela fait suite au conflit russo-ukrainien. C’est dire que chaque Etat est dans son plein droit de prendre certaines mesures lorsque des faits portent atteinte à son intégrité territoriale.
Quant à Sié Sidoine Kambou de la radio Ouaga Fm, il a d’abord rappelé que le Burkina Faso est confronté à des défis sécuritaire et humanitaire suite aux attaques terroristes qui ont occasionné des déplacements massifs des populations. Selon lui, le gouvernement burkinabè a fait de gros efforts pour assurer la sécurité des personnes et de leurs biens et pendant que ces résultats sont en train d’être consolidés et appréciés par plusieurs Burkinabè, il est inconcevable que des journaux internationaux comme « Libération » et « Le Monde » s’adonnent à « de la manipulation déguisée ». Toujours selon lui, la nation burkinabè est dans une situation très délicate et ces médias français sont en mission au Burkina pour ternir l’image, la volonté engagée des autorités burkinabè à faire sortir le pays de cette crise. Notre confrère dit être tout à fait d’accord avec cette décision du gouvernement. Et d’ajouter que selon le général Charles de Gaulle, la France n’a pas d’amis ; elle n’a que des intérêts.
Pour lui, si un média, qu’il soit étranger ou burkinabè, se hasarde à vouloir remettre en cause tous les efforts qui sont faits pour ramener la quiétude au Burkina, c’est la population elle-même (et non les autorités) qui sortira pour s’occuper de son cas. Selon lui, les journalistes doivent mettre en exergue leur mission sociale. Et dans un contexte de guerre, il y a des habitudes qu’il faut travailler à assainir.
Lorsque la guerre Ukraine/Russie a éclaté, les médias français se sont mobilisés ; ils ne parlent pas de défaite de l’Ukraine. Même si ça ne va pas, ils tentent de montrer le côté positif des choses. Pourquoi nous n’en ferions pas de même ? » a-t-il conclu.
Flora Sanou