Les violentes attaques terroristes, avec leur corollaire de populations déplacées, perdurent au Sahel. Au Burkina Faso, plus de 850 000 Burkinabè ont été obligés de fuir leurs localités d’origine. Dans cette situation d’insécurité, quand dit-on qu’un territoire échappe au contrôle de l’Etat central ? Pour trouver réponse à cette question, Radars Info Burkina a contacté tour à tour Yehia Ag Mohamed Ali, chercheur à l’Institut de veille et d’études des relations internationales et stratégiques (IVERIS), et Abdoul Karim Saïdou, politologue et enseignant-chercheur à l'université Ouaga 2.
«Je dirai que l’Etat n'y est plus présent par l’intermédiaire de ses démembrements comme l’administration territoriale, la justice, les forces de sécurité, etc. Ce vide est généralement comblé par une autre organisation qui assure la justice, le maintien de l'ordre, prélèvement des taxes et/ou impôts. Cette situation peut concerner une zone pendant un certain temps. Chez nous (Ndlr, au Mali), en dehors des centres urbains, le centre et le nord du pays sont gérés par des groupes islamistes, des milices, des mouvements armés dits signataires de l’accord d’Alger. En conclusion, l'Etat, par définition, est le détenteur exclusif de la violence légitime sur son territoire.
Si des groupes ou organisations lui disputent ce monopole de la violence, alors il est attaqué dans ses fondements. La pire des choses, c'est quand l’Etat sous-traite ce monopole avec des organisations non étatiques ; dans ce cas, il s'autodétruit », a soutenu le chercheur Yehia Ag Mohamed Ali. Selon le politologue Abdoul Karim Saïdou, on dit qu’un territoire échappe au contrôle de l’Etat central lorsque des groupes armés occupent ce territoire ou empêchent l'État d'exercer sa souveraineté. « Dans ce dernier cas, par exemple, l'Etat est incapable de faire fonctionner son administration, ses services sociaux et de protéger les biens et les personnes. C’est le cas des villages qui se sont vidés de leurs habitants à cause de l'insécurité. Bien que ces villages ne soient pas territorialement occupés, ils échappent, dans les faits, au contrôle de l'État, d’autant plus que ce dernier est incapable d'y exercer sa souveraineté », a expliqué le juriste.
Pour ce qui concerne le Burkina Faso, une source sécuritaire a affirmé qu’il n’y a pas de zone qui échappe au contrôle de l’Etat central. Selon ladite source, l’armée met les pieds partout. Néanmoins, fait-elle remarquer, elle ne peut pas être présente 24h/24 sur chaque centimètre carré du territoire national.
Aly Tinto