Me Apollinaire Kyélem, après sa nomination comme chef du gouvernement de la transition le vendredi 21 octobre 2022, a effectué sa première sortie médiatique sur les antennes d’Oméga Média le dimanche 23 octobre 2022. Lors de cet entretien, le Premier ministre Kyélem a donné la ligne directrice des actions de la transition. Ce lundi 24 octobre 2022, Radars Info Burkina a tendu son micro à Bernard Bougouma, chef du desk politique de la radio Wat Fm et de la télévision 3tv, chroniqueur et analyste politique. Pour lui, certaines intentions affichées par le PM ne sont pas surprenantes mais sur la question de la diminution du prix du carburant, c’est un risque pour ce dernier de l’avoir dit.
Après la première sortie du Premier ministre Me Apollinaire Kyélem de Tambèla, les questions qu’on pourrait se poser sont les suivantes : Est-ce du populisme ? Etait-ce vraiment opportun ?
Selon le journaliste Bernard Bougouma, le tout nouveau PM est allé trop vite en besogne car certains se posent la question de l’opportunité de son interview accordée à chaud. « Pour quelqu’un qui vient dans ces conditions pour commencer un boulot où ce qui est plus attendu ce sont les résultats, les actions, plutôt que des paroles ou des promesses, nous l’avons écouté avec intérêt mais nous nous posons la question de savoir si c’était nécessaire », ajoute-t-il.
« Concernant la question de la réduction des salaires des membres du gouvernement, je ne suis pas étonné que Me Apollinaire Kyélem de Tambèla veuille le faire. D’abord, c’est quelqu’un qui a un style de vie austère, à la limite ascétique. Ce n’est pas surprenant. Il avait même, en son temps, trouvé qu’un ministre comme Bassolma Bazié pour être cohérent avec les valeurs qu’il défend, avec ses principes de vie, aurait dû démissionner », explique Bernard Bougouma. Et d’ajouter : « C’est quelqu’un qui a de l’admiration pour Thomas Sankara. Si vous cherchez quelqu’un qui se réclame de Thomas Sankara dans les faits et gestes, c’est lui ; donc d’un point de vue du choix, le chef de l’Etat a été cohérent. Mais est-ce que le Premier ministre va pouvoir faire du Sankara à la place de Sankara ? La question reste posée. »
« Concernant la question du nombre de ministres, depuis 1987 ou 1990 au Burkina, il y a un texte qui ébauche les grandes lignes du développement du Burkina. Quand on prend les grandes tendances, sur ce point, il peut rapidement dégager les profils ministériels qui sont au nombre de 14 ou 15 (les grandes lignes du développement du Burkina). Si l’on doit suivre ce schéma, c’est possible qu’effectivement une quinzaine puisse faire l’affaire, même si ça va être lourd pour un pays comme le Burkina, qui est en voie de développement. Plus on a de ministres, plus ça demande d’argent. Donc diminuer le nombre de ministres en abrogeant le décret actuel fixant les salaires va participer à la réduction du train de vie de l’Etat. Mais est-ce que réduire le nombre de ministres va forcément réduire le train de vie de l’Etat si le peu de membres du gouvernement qu’on prendra viennent pour piller les ressources de l’Etat ? » s’interroge notre interlocuteur.
Selon Bernard Bougouma, même l’augmentation de leur salaire n’a pu empêcher que les ministres puissent dissiper de l’argent car la question des petites pistes qui permettent aux ministres d’avoir à côté de l’argent avec la complicité de ceux qui sont autour d’eux n’a pas été réglée. Conséquence, les autres agents qui sont dans l’administration et qui savent comment ça fonctionne en haut lieu savent que non seulement ils ont augmenté les salaires, mais aussi les circuits qui leur permettent d’avoir une entrée d’argent parallèle n’ont pas été vérouillés. Donc ce n’est pas la solution en soi, selon M. Bougouma, pour qui il faut revaloriser la fonction ministérielle en revalorisant le salaire des ministres tout en faisant de sorte que ceux-ci fassent convenablement leur boulot sans chercher des à-côtés.
A son avis, même si le Premier ministre abroge le décret actuel portant rémunération des membres du gouvernement, ça ne changera pas grand-chose si les autres canaux d’enrichissement ne sont pas taris.
Concernant la question du carburant, le PM a déclaré que le gouvernement verrait comment en réduire le coût. Sur ce point, Bernard Bougouma estime qu’au Burkina, quand on dit qu’on verra, c’est qu’on va le faire.
« Il y a un système de régulation et d’ajustement des prix logé à la primature, où un comité interministériel qui siège tous les trois mois regarde en fonction de l’évolution du cours du baril au niveau mondial s’il faut augmenter ou diminuer les prix. Mais comme la commission de fixation du prix ne siège que tous les trois mois, il y a des moments où le prix du baril augmente sur le plan international et au Burkina on n’augmente pas le prix du carburant ou au moment où le comité siège, le cours a diminué. Ainsi, quand vous affirmez sans ambages que vous allez voir comment réduire le prix, c’est risqué. C’est mieux d’évaluer la situation avec toute la sérénité qu’il faut afin d’ajuster le plus possible les prix. Quand ça ne dépend pas de vous, vous n’y pouvez rien. Il faut reconnaître que nous n’avons de pétrole au Burkina ; c’est un hydrocarbure qu’on importe, donc il faut être réaliste sur ces questions et dire la vérité aux Burkinabè pour qu’ils comprennent mieux », dixit Bougouma.
Pour l’atteinte des objectifs de la Transition, Bernard Bougouma pense qu’il faut savoir mobiliser les Burkinabè avec intelligence au-delà de toute considération ethnique, religieuse ou sociale, être juste et équitable dans la gestion de la chose publique. Il faut enfin, toujours selon lui, faire en sorte que chaque tendance puisse y trouver son compte.
Flora Sanou