Durant une semaine, Ouagadougou et d'autres villes du Burkina Faso ont subi une pénurie d'essence dans les stations-service suite au communiqué de la SONABHY, publié le 26 décembre 2022, annonçant la limitation de la distribution du Super 91 à 60%. Plusieurs secteurs, particulièrement celui de l’informel, ont été touchés par cette pénurie. Après ce cauchemar, une équipe de Radars Infos Burkina a fait un tour d'horizon dans le monde de l'informel à Ouagadougou, le 11 janvier 2023.
L’univers du secteur informel au Burkina Faso est divers. Il couvre, entre autres, l’électronique, la mécanique, le tissage, la restauration, le commerce, la soudure et la transformation agroalimentaire.
La carence de carburant est venue balayer le dernier espoir de l'année 2022 des acteurs de ce secteur, déjà secoués par l'insécurité et l'inflation grandissante, puisqu'elle est survenue au moment des fêtes de fin d'année.
Alassane Nikiéma, trentenaire, est commerçant de volaille à la Patte-d’oie, quartier populaire de Ouagadougou. Bien que les fêtes soient passées, il détient toujours par-devers lui des têtes de volaille, espérant trouver des clients qui les lui achèteront. M. Nikiéma confie que la pénurie de Super 91 a gâché tout son business de fin d'année alors qu’il y avait placé tous ses espoirs, car les fêtes de fin d'année sont le seul moment où il peut véritablement espérer se mettre quelques billets de banque dans les poches afin de pouvoir faire face aux dépenses de fin d'année et préparer la reprise des cours de ses enfants. « Avant, j’allais à Djibo acheter la volaille à un prix abordable et je la revendais ici à Ouagadougou. Malheureusement, je ne peux plus me rendre dans cette partie du pays en raison de l'insécurité. J'ai donc réorienté mes achats vers la province du Sanguié mais là encore, à cause du manque de carburant ce projet est tombé à l’eau. Conséquence, je n'ai pu obtenir que 10 gallinacés, contre 200 l'année dernière. Pire, le marché a été particulièrement morose en fin d’année car les gens n’avaient pas de carburant pour se déplacer, a fortiori aller faire des achats. On a été victime d'un mal alors qu’on n’y est absolument pour rien », a déploré le commerçant.
Le marché à légumes n’a pas non plus été épargné par la mévente provoquée par le manque d'essence. Des vendeuses de légumes d’une gare routière située juste à proximité d’une station d'essence de la place, toujours dans le quartier Patte-d’oie, témoignent avoir été victimes du long rang. A les en croire, la file d’attente formée par les Ouagavillois en quête du précieux or noir devant cette station faisait écran et les cachait de leurs clients qui ne sont autres que les riverains de la route. « Non seulement les clients ne se bousculaient pas devant nos étals pour des achats, mais en plus certains de ceux venus chercher du carburant à la station n’hésitaient pas à nous narguer », nous a-t-elles indiqué. « La longue file qui était maintenue toutes les journées, nous avait encerclées durant cette crise. Donc, il fallait lutter pour la sécurité de ses marchandises mais également pour convaincre les quelques rares clients qui venaient pour qu’ils achètent », raconte Edwige Ilboudo, vendeuse de légumes.
Même sort pour cette vendeuse de condiments dans le quartier Wemtenga, Marina Ilboudo. Elle qualifie cette période de manque de carburant de cauchemar et invite le gouvernement à y remédier. Elle a précisé que c'est le marché du 31 décembre et celui du 1er janvier qui sont les meilleurs jours pour elles dans l'année. Par contre, elle regrette de n’avoir pas eu de condiments à vendre car, explique-t-elle, ses livreurs étaient bloqués dans les provinces par manque de carburant. Pour fidéliser sa clientèle, elle dit avoir cherché un minimum de condiments à double prix afin de les revendre à ses clients à bas prix. Mme Ilboudo continue en racontant que les produits de certaines de ces collaborateurs ont fini par pourrir car les clients n'ont pas pu effectuer le déplacement. « Des crédits pour le marché de fin d'année peinent à être remboursés parce que, les intéressés n'ont pas eu de carburant pour venir chercher les produits commandés », a-t-elle révélé.
Un jeune homme ayant requis l'anonymat nous informe qu'il s’est retrouvé quelque temps au chômage à cause du manque du précieux liquide, car n'ayant pas de carburant pour sa machine de lavage de motos, quand bien même il aurait veillé par moments à la station.
Il lâche : « Ma fête a été gâtée et j'ai failli perdre ce métier que j'exerce. »
Le styliste Kassoum Diabaté, installé à Nonsin, affirme que satisfaire ses clients pendant cette période de manque de carburant a été un parcours du combattant. Il dit avoir constaté une diminution du nombre de ses clients car nombreux sont ceux n'ont pu venir chercher leurs habits confectionnés. « J’ai même dû batailler dur afin de pouvoir livrer dans les délais la tenue d'une cliente, qui en avait besoin pour son mariage », raconte-t-il.
Modou Traoré (stagiaire)