dimanche 8 décembre 2024

Prélèvement d'1% sur le salaire net des travailleurs du public et du privé : « C'est trop demander au fonctionnaire » (Dieudonné Tankoano, sociologue,  enseignant et écrivain)

wwtank uneAu Conseil des ministres du vendredi 5 janvier 2024, le gouvernement burkinabè a décidé, entre autres, du prélèvement obligatoire de 1% sur le salaire net des travailleurs du public et du privé, pour alimenter le fonds de soutien patriotique dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, qui secoue le pays depuis huit ans. Sur la question, Radars Info Burkina a tendu son micro à certains travailleurs.

Depuis 2022, le gouvernement a proposé le prélèvement de 1% sur les salaires des fonctionnaires du public et du privé. Dès lors, ce prélèvement se faisait de façon volontaire. Mais le volontariat fait place désormais à l'obligation car de bon gré mal gré, la retenue de 1% sur les salaires nets des travailleurs du privé et du public sera une réalité pour 12 mois. Les avis divergent sur cette mesure.

En effet, pour Dieudonné Tankoano, sociologue, enseignant-écrivain," c'est vrai qu'il n'y a pas de sacrifice de trop pour la question de son pays, mais le sacrifice doit permettre à la personne de vivre. Les gens disent que c'est parce qu'il y a le pays qu'il y a des travailleurs. Mais je pense que c'est parce qu'il y a aussi des travailleurs que le pays existe".

Selon lui, le gouvernement n'a pas été très stratège. Après le refus des syndicats de céder le 1%, il devrait travailler à améliorer les échanges entre lui et ces derniers. Malheureusement, il est resté enfermé et a même continué à ouvrir des fronts d'opposition entre lui et les syndicats. Au lieu d'imposer, qu'est-ce qui prouve qu'une deuxième tentative de négociation n'aurait pas marché", a-t-il questionné ?

"Il faut finir rapidement avec cette guerre, mais il ne faut pas oublier que ce n'est pas seulement une guerre de moyens. Il faut également construire le dialogue. Je pense que ce dialogue manque avec ce gouvernement et c'est ce qui a fait qu'après une tentative échouée de négociation avec les syndicats des travailleurs, il n'est pas revenu, il a utilisé ce qu'il connaît le mieux : la force", a-t-il argué.

De son avis, "cette décision est mal vue car elle a une connotation qui laisse penser que le fonctionnaire ne participait pas à la guerre, comme s'il s'est mis à l'écart. Pourtant cela n'a jamais été le cas. Il a perdu son village, hébergé des PDI, réinscrit des élèves dans des écoles privées et il subit les difficultés de la vie chère imposée par le terrorisme. Selon moi, c'est trop demandé au fonctionnaire".

"Je ne le souhaite pas mais si nous n'arrivons pas à finir cette guerre en une année, que va devenir cette imposition de 1% sur le salaire des travailleurs ? Elle va rester comme l'IUTS ? Tant que cette guerre n'est pas finie, l'imposition va demeurer. Il se peut qu'elle reste même après la guerre et ça sera une double imposition : l'IUTS et 1% sur le salaire pour l'effort de guerre", s'inquiète-t-il.

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Voilà pourquoi à l'en croire, "c'est difficile d'accepter cette décision. Il faut que les gens sachent que ceux qui s'opposent à cette imposition ne sont pas des apatrides. S'ils l'étaient, ils auraient pu aller ailleurs pour travailler car c'est possible", a-t-il lancé.

En lieu et place de ces retenues, il suggère que le gouvernement exploite d'autres sources de financement comme l'avait suggéré le syndicat des travailleurs, à savoir traquer les corrompus qui ont volé l'argent de l'État, les sources de financement à travers le secteur minier, la fiscalité, la traque des détournements, etc.

Mais Comme la décision est déjà imposée, "nous allons observer l'évolution de la situation" a-t-il déclaré.

Par ailleurs Sieur Tankoano soutient qu’il faut penser au Burkina Faso de demain. "Si nous arrivons à terminer avec cette guerre, quelle sera l'image de notre pays. Je vois un pays très pauvre, déstructuré et désorienté. Désorienté avec une jeunesse très pauvre, affamée, voleuse et brigande. Après cette guerre, je vois un pays qu'il faudra encore prendre des décennies pour reconstruire. Je vois un pays qui sera à plat et c'est ce que nous sommes en train de faire. On est en train de tout converger vers la guerre. Qu'allons-nous faire pour nous développer, lutter contre la famine, l'éducation des enfants, et comment allons-nous vivre ? Voici des questions qu'il faudra se poser", a-t-il conclu.

Cependant pour certains, la participation populaire est plus que nécessaire, c'est un devoir.

"Le pays est notre héritage commun. C'est ensemble qu'on peut le sauver et le défendre ; c'est de notre devoir de contribuer à l'effort de paix.

Nous sommes prêts à engager tout ce qu'il faut pour en finir avec cette guerre qui nous a été imposée. Déjà que des vies ont été engagées à cet effet, aucun sacrifice matériel, financier et autres, ne sera de trop pour sauver le pays. Pourvu qu'il contribue à l'atteinte de cet objectif" a déclaré E.D., agent de la fonction publique.

À sa suite, A.K.S, travailleur du privé, estime que "refuser ce prélèvement, c'est comme quelqu'un qui est malade couché sur un lit d'hôpital et meurt par manque d'argent pour payer les médicaments. Malheureusement après sa mort, on trouve une forte somme sur lui !" Donc "s'il y a des Burkinabè qui sacrifient leurs vies, nous devons être capable d'aller au-delà de ce prélèvement même" de sa conviction.

En outre, pour Yannick Zoundi agent du privé, il a déjà assez de taxes que les Burkinabè paient pour l'effort de guerre. Donc "le prélèvement d'1% va asphyxier maintenant les agents" Tout compte fait, il pense que le prélèvement devrait se faire en fonction du salaire perçu.

"À mon humble avis, cette mesure est acceptable pour le salarié moyen. Si les pourcentages étaient définis par catégorie ou en fonction du salaire perçu, j'allais plus apprécier car parmi les salariés il y en a qui touchent gros. Après le combat, les autorités doivent songer à ne pas oublier de supprimer des impositions comme l’Impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS)", a terminé M. Zoundi.

Flora Sanou

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