Le samedi 17 février 2024, les comités de veille citoyenne des 13 régions du Burkina ont demandé une révision de la charte de la transition adoptée par les forces vives de la nation le 15 octobre 2022. La requête a été exprimée au cours d’un meeting à Ouagadougou visant à réaffirmer leur soutien à la transition. L’objectif de cette révision est de prolonger la durée de la transition, qui est actuellement fixée à 21 mois, pour permettre au gouvernement de poursuivre les actions déjà engagées. Faut-il nécessairement prolonger la transition ?
Pour Dieudonné Tankoano, sociologue, enseignant et écrivain, il faut d’abord savoir qui est légitime pour demander la prolongation de la transition. « Même si les organisations de la société civile constituent un pan essentiel de cette charte, d’abord dans sa rédaction, ensuite dans son suivi et jusqu’à sa modification, etc., elles n’en sont pas les seules signataires, les seules garantes. Il y a bien d’autres acteurs, plus habilités, notamment les représentants des partis politiques, les religieux, les coutumiers, etc. », a-t-il martelé.
Selon lui, derrière cette demande, il y a de la manipulation, du mercenariat bien orchestré pour aboutir à une fin qui est déjà connue. « Ces organisations de la société civile sont souvent instrumentalisées, influencées, manipulées, montées juste pour aider la transition à se maintenir, et c’est ça le problème parce que ce sont des organisations presque officieuses, qui n’ont aucune crédibilité légale d’existence, à plus forte raison une crédibilité légale de demande de prolongation de la transition », soutient-il.
Pour lui, la transition a eu gain de cause, parce que les raisons avancées par ces OSC, c’est qu’il faut « permettre au régime d’arranger le pays, de finir la lutte contre l’insécurité avant d’organiser les élections ».
Mais loin d’être pessimiste, il s'interroge : « Quand va-t-on en finir avec cette insécurité ? Si le régime doit rester jusqu’à ce que finisse cette insécurité avant de passer la main, qui sait quand cette insécurité finira ? Est-ce que dans la charte, la condition sine qua non pour que le président Ibrahim Traoré organise les élections, c’était la fin de l’insécurité ? » questionne-t-il.
A son avis, même si c’était le cas, « le capitaine Ibrahim Traoré avait demandé un temps pour en finir avec l'insécurité et dès que ce temps s’épuise, il faut revoir. Il n’est pas question qu’on se laisse berner par des OSC mercenaires ».
En outre, l’idée selon laquelle tous les Burkinabè ne peuvent pas voter « n’est pas pertinente, et il faut évoluer en pensant à un autre système d’élection ».
Par ailleurs, il dit ne pas « être contre la modification de la charte, ni contre le prolongement de la transition », mais « je pense que ce ne sont pas les seuls acteurs qui doivent demander cela ; la société civile est minime, elle est presque insignifiante ».
« Si aujourd’hui tous les Burkinabè s’accordent à dire qu’on donne plus de temps au régime, il n’y a pas de problème. On peut le faire soit par référendum, soit par les représentants de toutes les couches sociales ».
En rappel, à l’issue des assises nationales des 14 et 15 octobre 2022, la charte de la transition adoptée par les forces vives et signée par le chef de l’Etat, le capitaine Ibrahim Traoré, en son article 21, a fixé la durée de la transition à 21 mois, à compter du 2 octobre 2022. Ainsi, l’élection présidentielle était prévue pour juillet 2024.
Smaïla Guiri, étudiant en 2e année de droit à l’université Thomas-Sankara, pense que « ce délai prévu par la charte, qui sera échu dans seulement 5 mois, est insuffisant pour organiser une élection ».
De plus, la lutte contre le terrorisme, qui n'est qu'au « début de son développement, selon le président Traoré, ainsi que la suspension des activités des partis politiques qui est toujours en vigueur », sont des raisons fondées pour prolonger cette transition, est-il convaincu.
En outre, même si cette requête des « wayiyans » n'a pas encore été prise en compte, déclare-t-il, « tout citoyen patriote doit savoir que mettre fin à la transition en juillet ne sera pas une bonne chose pour notre pays, puisque la situation sécuritaire est loin d'être revenue à la normale ».
C’est pourquoi « prolonger la transition serait mieux pour permettre aux dirigeants d’achever ce qu’ils ont commencé ».
Flora Sanou