E-contravention au Burkina : « Il ne faudrait pas penser qu’on en a fini avec la corruption dans la circulation » (Pissyamba Ouédraogo, secrétaire exécutif adjoint du REN-LAC)
La plateforme e-contravention a été lancée par le ministère de la Sécurité, le 11 juillet 2023, pour permettre aux usagers de la route au Burkina de payer rapidement leur contravention en cas d’infraction. L’objectif est de lutter contre la corruption sur la voie publique. Sur la question, le secrétaire exécutif adjoint du REN-LAC et certains citoyens ont donné leur avis à une équipe de Radars Burkina.
Pour Omar Konaté, l'initiative est bonne, mais le mieux serait de miser sur la qualité morale de la population à travers une sensibilisation pour avoir des citoyens modèles (agents et usagers). Sinon, « même avec les meilleures méthodes on échouera tant que la volonté humaine restera mauvaise ».
Plusieurs citoyens par contre pensent qu’il faut plutôt réduire le montant des contraventions, convaincus qu’ils sont que cette plate-forme ne « changera rien ». C’est le cas de Françoise Zoungrana, qui souligne que « tant que les contraventions seront à 6000 F et plus, l'usager préférera négocier avec 2000 F et continuer sa route ». « Il faut réduire 1000 ou 2000 F tout au plus. Là, il n'y aura pas lieu de négocier, le paiement se fera sans autres formes et tout l'argent ira où il doit aller pour une gestion et une répartition équitables », a-t-elle ajouté.
Pissyamba Ouédraogo, secrétaire exécutif adjoint du réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC), estime que cette plate-forme s’inscrit dans le cadre d’une recommandation faite par le REN-LAC dans son rapport 2021 sur l’état de la corruption au Burkina, notamment la digitalisation d’un certain nombre d’actes dans les services dans l’optique de réduire les contacts interhumains qui créent les conditions de la corruption.
Pour lui, c’est une bonne mesure qui doit être améliorée, car elle présente des limites En effet, même si la mesure est salutaire, le fait est que le contact humain demeure, selon lui. Or, cela peut être une occasion de corruption.
C’est pourquoi, dit notre interlocuteur, « il faudrait que les gens l’estiment à sa juste valeur et ne pensent pas qu’on en a fini avec la corruption dans la circulation, car la lutte anti-corruption ne peut pas aboutir par des mesures partielles ; il faut une politique large dans tous les départements de la société ».M. Ouédraogo déplore aussi le fait que cette plate-forme laisse croire que commettre maintenant une infraction est quelque chose de banal. « C’est comme si désormais vous pouviez commettre des contraventions, payer simplement et puis continuer votre route », fait-il remarquer.
Sur la cherté de la contravention invoquée comme cause de corruption sur la route par certains citoyens, Pissyamba Ouédraogo affirme que cela pose un problème social car l’on ne devrait pas parler de cela. « On devrait plutôt discuter de comment faire pour ne pas commettre d’infractions parce que si vous grillez un feu tricolore et que vous faites un mort, l’infraction devient le problème de toute la société », a-t-il martelé.
De son point de vue, le citoyen doit aujourd’hui se ressaisir et respecter la loi. « Si elle (la loi) n’est pas bonne, on doit l’améliorer. On ne doit pas chercher à revoir à la baisse le montant des contraventions pour que les gens commettent des infractions, les paient rapidement et continuent leur route », soutient-il.
Flora Sanou