Journée internationale du nanisme : « Nous voulons que les gens nous voient comme des personnes ayant une différence mais faisant partie de l’humanité » (Sara Maïga, présidente de l’association des personnes de petite taille)
Le 25 octobre de chaque année, est célébrée la Journée internationale du nanisme. Le nanisme est un défaut de croissance caractérisé par une taille anormalement petite, comparativement à la taille moyenne des individus de même âge et de même sexe. Ce jour, mercredi 25 octobre 2023, marque la 11e édition de cette journée. Elle est placée sous le thème « Visons l’autodétermination ». À cette occasion, une équipe de Radars Info Burkina s’est entretenue avec la présidente de l’Association Elan des personnes de petite taille (Elan APPT) du Burkina Faso, Sara Maïga, pour échanger sur les difficultés rencontrées par les personnes atteintes de nanisme et sur la lutte que mène cette association en faveur de ces personnes. Interview.
Radars Burkina : Pouvez-vous nous dire dans quel contexte l’APPT a été créée et en quelle année ?
Sara Maïga : Avant la création de notre association, les personnes de petite taille étaient dans diverses associations. Mais étant donné que chaque type de handicap implique des besoins spécifiques, il était primordial pour nous de mettre en place une structure regroupant exclusivement des personnes de petite taille. C’est ainsi que notre association a vu le jour en 2012 dans le but de réunir les personnes atteintes de nanisme, de les sensibiliser pour qu’elles sachent qu’elles ne sont pas seules dans cette condition de handicap et que malgré la stigmatisation, les stéréotypes, la marginalisation dont elles sont victimes, elles peuvent aller de l’avant, s’épanouir comme les autres êtres humains et mener des activités. En outre, notre regroupement a pour objectif de sensibiliser toute la population au fait que les personnes de petite taille sont des êtres humains comme tout le monde qui ont besoin d’amour et d’accompagnement pour être actifs dans la vie sociale. Aujourd’hui, notre association compte plus de 40 membres.
Radars Burkina : Stigmatisation, stéréotypes, marginalisation, est-ce que les membres de votre association parviennent à surmonter toutes ces difficultés ?
Sara Maïga : Il est rare de voir une personne de petite taille en circulation, alors que nous sommes nombreuses. C’est à cause de la marginalisation et des préjugés qu’elles préfèrent s’enfermer à la maison. Il y a des parents qui ne laissent pas leurs enfants de petite taille sortir parce qu’ils ont peur du regard, des moqueries des autres. Certains pensent que ce sont des monstres, des génies. Néanmoins, grâce à la sensibilisation que nous faisons, certains arrivent à surmonter les préjugés mais ils ne sont pas nombreux. Nous continuons d’accompagner les autres afin qu’ils puissent s’en sortir également.
Radars Burkina : 11 ans après la création de l’APPT, avez-vous atteint tous vos objectifs de départ ?
Sara Maïga : On peut dire qu’on a atteint quelques objectifs. Aujourd’hui, plusieurs personnes de petite taille sont inscrites à l’école ; certaines travaillent dans la fonction publique, d’autres mènent des activités génératrices de revenus grâce à l’accompagnement de l’Etat et d’autres structures privées. Cependant, beaucoup de défis restent à relever au niveau de la formation professionnelle et de la prise en charge sanitaire.
Radars Burkina : Quelles sont vos autres difficultés, outre les préjugés ?
Sara Maïga : Les personnes de petite taille ont beaucoup de problèmes d’audition, cardiaques, d’affaiblissement des os mais il n’y a pas de prise en charge et c’est difficile. Nous avons des cartes d’invalidité qui devraient nous permettre de bénéficier de soins médicaux : soit la gratuité, soit une subvention, mais jusque-là ce n’est pas pris en compte. Même pour les frais de scolarité, la loi 012 de la Constitution prévoit l’accompagnement des personnes handicapées mais en réalité ce n’est pas le cas. Les outils dans les centres de formation professionnelle ne sont pas adaptés. Nos moyens roulants sont coûteux parce qu’il faut acheter l’engin mais aussi payer les frais de transformation, chose qui réduit la mobilité de nombreuses personnes atteintes de nanisme. Nos besoins spécifiques, en tant que personnes de petite taille, ne sont pas pris en compte, donc on a besoin de soutien pour pouvoir aller de l’avant et nous pensons que l’Etat peut le faire s’il y a de la volonté.
Radars Burkina : Quel commentaire faites-vous du thème de cette journée ?
Sara Maïga : Lorsqu’une personne est autodéterminée, elle peut s’en sortir mais tant qu’elle ne s’accepte pas comme personne de petite taille et si elle n’est pas forte psychologiquement, elle ne peut pas aller de l’avant. Il faut que la personne accepte sa différence. Nos parents nous assistent mais en leur absence qu’est-ce qu’on devient ? Le thème de cette année nous invite donc à transcender notre handicap.
Radars Burkina : Quels sont vos projets ?
Sara Maïga : Il s'agira pour nous de faire adhérer beaucoup plus de personnes en vue de partager les expériences et de chercher des opportunités pour travailler à s'en sortir. Il y a des personnes de petite taille un peu partout au Burkina mais qui ne peuvent pas se déplacer pour adhérer à l’association. Nous souhaitons avoir les moyens d’aider ces personnes dans les provinces en mettant en place des cellules. Nous souhaitons les former en développement personnel, les accompagner à travers une formation professionnelle et les aider à s'installer avec du matériel pour qu'elles puissent travailler pour se prendre en charge et ne pas dépendre des autres.
Nous prévoyons d’avoir un siège pour l'association ; cela nous permettra de mener beaucoup d'activités parce que jusque-là, nous nous rencontrons dans un domicile privé. L'objectif est de travailler également à avoir des médecins pour le suivi des personnes de petite taille.
Radars Burkina : Quel message avez-vous à lancer à l’occasion de cette journée ?
Sara Maïga : D’abord aux familles, je voudrais dire ceci : si la famille n’accepte pas une personne, il ne faut pas qu’elle s’attende à ce que la communauté l’accepte. Si à la maison on ne vous accorde aucune dignité, vous vivrez renfermé sur vous-même. Donc il faut que les familles des personnes de petite taille acceptent leurs enfants tels qu’ils sont et leur apportent beaucoup d’amour pour qu’ils aient confiance en eux-mêmes.
En outre, j’interpelle la communauté afin qu’elle ait un regard positif sur les personnes de petite taille parce que nous sommes des êtres humains comme les autres. Nous voulons que les gens nous voient comme des personnes ayant une différence, certes, mais faisant partie de l’humanité. Nous ne sommes pas des monstres. Savez-vous que dans certaines contrées du Burkina, quand une personne de petite taille meurt, on ne l’enterre pas ? On la trimbale partout jusqu’à ce que son corps disparaisse. Dans certains pays, ces personnes atteintes de nanisme sont même tuées sous prétexte que certaines parties de leur corps peuvent être source de richesse. Les femmes de petite taille sont violées. Il faut que cela cesse, de même que les moqueries.
Par ailleurs, j’invite les autorités à prendre en compte les personnes de petite taille et leurs besoins spécifiques pour les accompagner. En tant qu’association, on ne peut pas tout faire, on a besoin de l’aide de l’Etat et de toute bonne volonté.
Enfin, j’exhorte les personnes de petite taille à s’autodéterminer, à aller au-delà de tout ce qui est négatif, à s’aimer et à accepter leur handicap pour pouvoir aller de l’avant. Le handicap n’est pas une fatalité.
Propos recueillis par Flora Sanou