A Ouagadougou, on observe une présence de psychiatrisés tantôt sur la voie publique, tantôt dans certains espaces publics comme les restaurants. Dans ce contexte d’insécurité, quelles en sont les éventuelles conséquences sur la quiétude des citoyens ? N'est-il pas dangereux de laisser ces personnes dans les rues du fait que des gens peuvent prétendre être des « fous » alors qu'ils ont des intentions malveillantes ? Quelle attitude faut-il adopter face à une personne qui présente un trouble mental ? Des citoyens se sont exprimés au micro de Radars Info Burkina. K. John Arnaud Tiendrébéogo, attaché de santé mentale au service de psychiatrie et major du service d’addictologie au centre hospitalier universitaire Yalgado-Ouédraogo (CHU-YO), a également apporté des éléments de réponse.
Pour NS, vendeuse de fruits sur l’avenue de l’Aéroport de Ouagadougou, la présence de ces personnes ayant des problèmes psychiatriques « constitue un danger pour la population ». « Ce monsieur frappe les gens. Quand tu passes devant lui, il te menace. C’est ici qu’il dort », explique-t-elle, faisant allusion à la présence d’un psychiatrisé aux environs du restaurant « La Cantine ».
Moussa Zoungrana, lui, confie avoir échappé à un coup de bâton d’une personne ayant des problèmes psychiatriques alors qu’il s’était stationné pour passer un coup de fil aux abords d’une voie publique.
Smaïla Guiri estime que ces personnes mettent leur vie en danger mais aussi celles des autres citoyens en danger. « Les personnes aux problèmes psychiatriques peuvent se faire faucher mortellement, elles peuvent commettre des actes violents sur les autres. Par exemple, nous voyons très souvent des malades mentaux pourchasser des gens sans aucune raison », a-t-il indiqué.
Les attitudes à adopter face à un patient errant
Selon l’attaché de santé mentale du service psychiatrique au CHU-YO, il existe deux groupes de malades errants dont des névrosés (patients qui se reconnaissent malades et demandent une prise en charge) et des psychosés (malades dissociés incapables de demander une prise en charge. Seuls les parents ou la population peut demander une prise en charge). Les patients les plus redoutés sont ceux atteints de schizophrénie, le groupe des chroniques.
A l’en croire, ce sont ces patients schizophrènes qui errent éventuellement dans les rues, les marchés, s’adonnent à la mendicité dont les conséquences éventuelles sur les citoyens peuvent être des agressions physiques en circulation, des agressions sexuelles (viols).
De ce fait, il faut éviter de développer des attitudes de fuite vis-à-vis de ces patients. Il faut être un peu regardant, car même si ce sont des personnes imprévisibles et que l’on peut être victime d’agression, elles sont « assez dociles », dit-il. De plus, l’addictologue souligne qu’il faut savoir que « le fou n’agresse pas pour agresser, c’est quand il sent qu’il est persécuté qu’il se défend, donc il faut éviter de l’agresser ». Il faut souvent penser à soulager la souffrance de ces personnes par un soutien financier ou alimentaire, en ayant à l’esprit que c’est un frère ou une sœur et qu’on est tous de potentiels « fous », mais tout en restant sur ses gardes, a-t-il ajouté.
Méconnaissance des fonds alloués à la prise en charge des malades errants
Il existe une politique de prise en charge de ces malades errants, à en croire l’attaché de santé mentale, mais sa mise en œuvre reste à améliorer. « Un effort est fait par le gouvernement à travers les collectivités territoriales pour aider ces patients errant dans les villes. Cependant, cet appui est très dérisoire. Il y a manque également de sensibilisation parce que l’autorité communale ignore souvent qu’il existe des fonds pour la prise en charge des malades errants, alors qu’elle devrait intervenir pour préserver l’honneur de ces personnes », souligne-t-il.
Ces malades errant dans les rues peuvent constituer un risque d’infiltration de personnes malveillantes dans ce contexte d'insécurité que connaît le Burkina. En effet, un terroriste ou un voleur pourrait se déguiser en fou pour observer ses cibles et revenir s’en prendre à elles.
Ainsi, si le gouvernement est invité à consentir des efforts pour la création des centres de récupération, de stabilisation et de réinsertion, à restructurer les centres d’accueil déjà existants de ces patients errants dans nos villes, à proposer des formations et des recyclages, car tout cela pourrait aider à réduire les cas chroniques dans les rues, a suggéré M. Tiendrébéogo.
De plus, il exhorte le ministère de la Santé à réviser à la hausse le nombre de spécialistes en psychiatrie en vue de désengorger les différents centres, car « les services se font de plus en plus rares ».
Quant à la population, il l’invite à participer à la prise en charge des malades errants en acceptant la maladie mentale, car « la plupart des parents ne l’acceptent pas et certains veulent la guérison instantanée, pourtant la prise en charge est délicate et difficile », dit-il.
Flora Sanou