Coup d’Etat du 15 octobre 1987 : L’effroyable témoignage de ceux qui ont inhumé les corps
L’audience de ce jeudi 16 décembre a été marquée par la déposition devant le tribunal militaire, en plus d’autres témoins, des prisonniers de l’époque qui ont enterré les défunts du coup d’Etat du 15 octobre 1987. L’un de ceux ayant procédé à l’inhumation est même devenu « fou » quelques heures après leur corvée.
Yamba Malick Sawadogo, incarcéré à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) en 1987, a expliqué à la barre comment l’enterrement du président Sankara et de ses compagnons d’infortune a été fait. « Le régisseur de la MACO d’alors, Karim Tapsoba, a appelé pour qu’on lui prépare une vingtaine de prisonniers pour une corvée. Il faisait déjà nuit et j’ai insisté pour faire partie de cette équipe. Nous sommes allés au Conseil de l’entente et de là-bas nous avons continué au cimetière. Quand nous sommes arrivés là-bas, le régisseur nous a dit de creuser. J’ai demandé comment on fait et il m’a dit de faire comme on veut. En fait, il voulait qu’on creuse une seule tombe pour y mettre tous les corps. Après que j’ai insisté, il m’a dit de faire une dizaine de trous. Quand les corps sont arrivés, des prisonniers les faisaient descendre un à un et à l’aide de sa torche le régisseur identifiait chaque défunt et indiquait sa tombe à l’aide d’un papillon qu’il avait déjà préparé. Les corps ont été mis sous terre comme ça, sans avoir été lavés. A la fin, il restait trois corps puisqu’on n’avait creusé que dix tombes. Parmi ces corps, il y avait celui du président Sankara. C’est ainsi qu’on a mis sa tombe au-dessus des autres, du côté ouest du cimetière », a expliqué Yamba Malick Sawadogo.
Avant lui, c’est Kouman Ilboudo qui a déposé. Inculpé du vol du poste radio d’une voiture dont il avait la garde, Kouman Ilboudo, détenu à la MACO en 87, a aussi pris part à l’enterrement du président Thomas Sankara et des 12 autres tombés le 15 octobre. Selon le témoignage de ce dernier qui était prisonnier en 1987, l’enterrement des illustres disparus n’a connu aucun protocole. Sans protection et exposés à du sang frais, ils ont dû faire preuve de cran pour réaliser cette corvée quelques heures seulement après la mort de ces derniers, c’est-à-dire entre 21h et 5h du matin. « J’ai seulement pu reconnaître le corps du président Sankara. Il avait les poings fermés (signe révolutionnaire) ; j’ai enlevé sa ceinture pour attacher son bras. Ensuite, j’ai retiré son alliance. Un autre soldat du nom de Kouakou a, lui, emporté les chaussures du président Sankara », a avoué le témoin. Selon lui, ce prisonnier du nom de Kouakou, dès la nuit qui a suivi l’enterrement, est devenu « fou » car le crâne d’un des morts est tombé sur ses pieds lors de l’enterrement ; il était à son dernier jours de détention. « J’ai vendu la bague du président à Monsieur Diawara au prix de 50 000 FCFA. On s’est partagé cet argent entre prisonniers et je n’ai obtenu que 75 FCFA. Ceux qui n’ont rien eu sont allés se plaindre auprès du régisseur de la MACO et ce dernier a retiré l'alliance du président Sankara à l’acheteur. Je ne sais pas ce qu'il en a fait après », a confié le témoin Kouman Ilboudo.
L’audience reprend demain vendredi 17 décembre avec la suite des témoignages.
Sié Mathias Kam