samedi 23 novembre 2024

mark uneL'année 2021 s'achève au Burkina Faso avec ses douleurs consécutives aux innombrables  deuils. C'est une année que les Burkinabè n'oublieront pas de si tôt au regard des bilans macabres enregistrés presque chaque semaine, surtout ces deux derniers mois. Mais malgré ces moments difficiles, les Burkinabè sont restés résilients. De grands rendez-vous internationaux ont ainsi pu être tenus avec succès au Faso. Radars Info Burkina revient sur certains  événements qui ont particulièrement marqué les Burkinabè au cours  de 2021.

L'année 2021 a débuté par la formation du gouvernement Dabiré II, précisément le 10 janvier, à l'issue des élections législatives et présidentielle qui ont porté Roch Marc Christian Kaboré au pouvoir pour un deuxième mandat. Cette période a connu également une baisse considérable des cas de contamination au Covid-19. Même les attaques terroristes ont connu une accalmie. Mais les mois qui ont suivi ont été marqués par des mouvements sociaux, notamment  les séries de manifestations des élèves, surtout ceux du lycée Philippe Zinda Kaboré. Ces manifestations ont même conduit à la fermeture dudit établissement. Puis les attaques ont repris et on a note des enlèvements de civils et de militaires. Certaines localités sont tombées sous le contrôle des groupes armés. Parmi celles-ci figurent trois communes de la Kompienga et Mansila, dans le Yagha. Mais les Burkinabè n'étaient pas encore au bout de leurs peines. En effet, le 5 juin une attaque de grande envergure cible des civils et des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) à Solhan, province du Yagha dans la région du Sahel. Bilan officiel : 132 morts parmi lesquels des femmes et des enfants. Le porte-parole du gouvernement précisera que les assaillants étaient jeunes dont certains âgés de 13 à 14 ans. mark 2Toujours dans le Sahe, le 18 août un convoi composé de civils, notamment des commerçants et des fonctionnaires, escorté par des VDP et gendarmes tombe dans une embuscade à Boukouma, sur l'axe Arbinda Gorgadji. 65 civils et 15 gendarmes sont tués. Mais les <<hommes sans foi ni loi>> comme on les appelle ne comptaient pas s'arrêter là. En effet,  le 14 novembre le détachement de  gendarmerie d'Inata fut la cible d'une attaque meurtrière d’une envergure que ce corps n'avait jamais connue. 57 tués dont 4 civls. Cette attaque suscite une indignation populaire sans précédent. Des manifestations sont organisées spontanément dans plusieurs villes du pays en soutien aux Forces de défense et de sécurité (FDS). A cette même période, un convoi militaire français en provenance de la Côte d’Ivoire et en partance pour le Mali est bloqué à Kaya durant plusieurs jours  avant  de pouvoir continuer sa progression après moult négociations.  Pendant ce temps, la situation sécuritaire nationale empire dans le province du Lorum comme dans le Sourou par ailleurs. C'est ainsi que le 23 décembre un convoi de commerçants  escorté par des VDP tombe dans une embuscade sur l'axe Ouahigouya-Titao. Le bilan macabre qui en résulte est lourd : 41 personnes tuées dont le célèbre VDP de Titao, Soumaïla Ganamé dit Ladji Yoro. Mais en réalité ce nombre n'est pas exhaustif.  Car de Barsalogho à Tankoalou en passant  par Madjoari, Toeni et Dablo, on compte des morts, sans oublier le nombre de déplacés internes qui se chiffre à plus de 1 million 400 000 personnes à travers le pays. Mais malgré ce tableau sombre, les Burkinabè sont restés résilients. mark 3Plusieurs événements d'envergure internationale ont ainsi pu être tenus dans le pays avec succès et  sans incident majeur.  A ce propos, on peut citer le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO),  le Tour du Faso,  la Nuit des Kundé, le Festival international de la liberté d’expression et de la presse (FILEP ) ainsi que les Nuits atypiques de Koudougou  (NAK). Sans oublier le procès Thomas Sankara qui  a débuté cette année, 34 ans après l'assassinat du père de la révolution burkinabè.

Sur le plan international, des Burkinabè se sont illustrés positivement par leurs exploits. C'est le cas de l'athlète Hugues Fabrice Zango, médaillé de bronze aux Jeux Olympiques Tokyo 2020, et d’Iron Biby, à l'état civil  Cheick Ahmed Sanou, recordman mondial en “soulever de bûches’’, qui a soulevé une charge de 229 kg. 2021 aura été l'année de tous les problèmes pour les Burkinabè. Mais en dépit de ces multiples difficultés, le Pays des hommes intègres n'a pas courbé l'échine et en est même, on peut se permettre de le dire, sorti fortifié. L'année 2022 s'annonce avec beaucoup d'espoir pour les Burkinabè.

Barthélémy Paul Tindano

mpoul uneComme tous les ans, mois de décembre rime avec festivités de Noël et du Nouvel An. Dans un contexte marqué par une crise à la fois sécuritaire et sanitaire au Burkina Faso, Radars Info Burkina a fait immersion ce 31 décembre dans quelques marchés à volaille pour recueillir les avis des commerçants et de leurs clients.

En ce tout dernier jour de l’année, les petits plats sont mis dans les grands pour rendre le réveillon de la Saint-Sylvestre agréable. Pour ce faire, chacun accourt dans les marchés afin de s’offrir de quoi grignoter. Au marché à volaille de Bendogo, où Abdoul (nom d’emprunt) fait le commerce, ce dernier ne cache pas son enthousiasme pour ce jour capital car il espère faire de bonnes affaires. Pour ce commerçant, c’est le meilleur jour pour vendre au-delà même des jours ordinaires, sauf que, déplore-t-il, le marché est morose cette année et tous les clients crient à l’insécurité et à la cherté de la vie. « A pareil moment en 2019, par exemple, j’avais déjà écoulé une centaine de gallinacés. En 2020, nos ventes ont un peu baissé et cette année encore plus. Je ne dis pas que rien ne s’achète, mais ce n’est pas ce qu’on espérait malgré le difficile contexte », commente-t-il.

mpoul 2Au marché de Saaba, où Moussa Nikiéma aussi vend de la volaille, ce dernier est enthousiasme. Il assure que depuis hier, les clients affluent à la recherche de poulets, de pintades et autres gallinacés à acheter. D’après lui, les clients ne manquent pas, certes, mais on voit bien que le pouvoir d’achat des uns et des autres a beaucoup diminué. A l’en croire, même pour un poulet de 3000 F, certains clients négocient un rabais. Mais, optimiste, M. Nikiémal espère boucler la journée en faisant une bonne recette.

mpoul 3Si un communiqué de la mairie interdit la vente de volaille en dehors des marchés et yaars, dans la rue, les vendeurs de volaille ont foulé aux pieds cette mesure, prenant d’assaut les abords des grandes artères où ils ont dressé des tentes de circonstance pour écouler leur marchandise. Amidou (nom d’emprunt) est l’un de ceux-là. Dans un espace qu’il a loué, ce dernier vend ses gallinacés et espère qu’il les aura tous écoulés avant la tombée de la nuit. « Nous sommes là juste le temps d’une journée. Ces poulets viennent de ma ferme. Interdire la vente de volaille aux abords des voies se comprend, mais si le maire pouvait faire une dérogation à cette mesure juste le temps d’une journée, cela nous arrangerait vraiment », a-t-il souhaité.

Les prix varient d’un vendeur à un autre et d’un lieu à un autre : 3 000 F, 3 500 F, voire plus. Il y a la possibilité chez certains vendeurs de faire plumer sur place les gallinacés achetés moyennant une modique somme. « Le pays est en guerre, certes, mais on peut s’offrir au moins un poulet pour célébrer la nouvelle année », a déclaré Inoussa Yaméogo, un client.

Sié Mathias Kam

rdrr uneAu Tribunal de grande instance (TGI) Ouaga I ce mardi 28 décembre 2021, Inoussa (NDLR : Il s’agit d’un nom d’emprunt) a été condamné à 18 mois de prison et à une amende de 250 000 F CFA pour escroquerie. Opérateur de vidéosurveillance, ce jeune homme a plumé plus de trente personnes en faisant de faux recrutements pour le compte d'une société minière basée à Banfora, ce qui lui a rapporté environ 2 millions de francs CFA . C'est suite à la plainte d'une de ses victimes que la gendarmerie a mené des enquêtes qui ont permis de mettre au frais cet arnaqueur.

À la barre ce mardi 28 décembre au TGI Ouaga I, le prévenu Inoussa refuse de répondre directement aux questions du tribunal et ne cesse  de dire aux juges de demander au plaignant, Jacques (NDLR : C’est également un nom d'emprunt), s’il veut en savoir davantage. Selon les propos que nous avons pu obtenir d’Inoussa, puisqu'il refuse de parler, il a  été contacté par un certain Traoré qui lui a proposé de l'embaucher comme comptable dans une société minière basée à Banfora. Inoussa lui aurait dit qu'il n'a pas le niveau, mais Traoré lui a répondu que cela ne posait pas problème. Appelé à la barre, le plaignant a précisé qu’Inoussa et lui ont été  des camarades de classe. Et un jour Inoussa le rencontre à Ouagadougou et l’informe qu’il est comptable dans une société minière. rdrr 2Il ajoute que souvent la société en question lance des recrutements. C'est alors que Jacques lui demande de lui faire signe si la société lance un avis de recrutement. Trois jours après, alors qu'il était en province, Jacques reçoit un appel d’Inoussa lui disant que la mine procède à des recrutements, en précisant même les postes concernés. Alors Jacques lui envoie son dossier pour le poste d'agent de sécurité. Par la suite Inoussa lui dit que les candidats à ce poste sont nombreux et que pour être sûr d'avoir l'emploi, Jacques devra payer 100 000 F. N'ayant pas la totalité de la somme et étant donné qu'il est un ami d’Inoussa,  celui-ci lui envoie 75 000 F, puis 12 500 F pour la tenue et bien d'autres sommes que lui-même ne se rappelle plus. Mais Inoussa le fera tourner en rond, jusqu'à lui dire qu'en réalité il y a une digue dans la localité de Banfora qui a cédé, donc un véhicule ne peut pas passer. Jacques est resté dans l'attente jusqu'à ce qu'Inoussa l'appelle et lui donne une date de départ pour la mine en précisant qu'il y a un car qui va venir directement  prendre ceux qui sont retenus. D’après Jacques, le jour du départ, à sa grande surprise, ils étaient nombreux à la  gare STAF de Larlé et parmi eux il y avait une femme. Mais le car promis par Inoussa n'est jamais arrivé. C'est alors que Jacques a porté l'affaire à la gendarmerie. Mais Inoussa a toujours nié les faits en prétendant que c'est le nommé Traoré, qu'il dit n'avoir jamais vu, qui l'a trompé. À la question du président du tribunal de savoir s'il y a une digue qui a cédé, le prévenu  répond par la négative. Selon le procureur, Inoussa veut leur faire croire qu'il est lui aussi une victime. Or les faits d'escroquerie sont constitués, car 33 personnes en ont été victimes et l’accusé a empoché environ 2 millions de francs CFA en plumant ces malheureux. En outre, il lui est rapproché de s’être attribué des qualités qu'il n'a pas. Par ailleurs le nommé Traoré dont il fait sans cesse cas n'existe pas. En définitive, le tribunal a condamné l’accusé Inoussa à 18 mois de prison et à une amende de 250 000 F pour escroquerie.

B. P. T.

ladjyoro uneTué le 23 décembre 2021 lors d'une embuscade tendue par des hommes armés à quelques encablures de Titao, Ladji Yoro, de son vrai nom   Soumaïla Ganamé, a été inhumé le dimanche  26 décembre au secteur 11 de Ouahigouya. La mort de cette icône de la résistance citoyenne aux  terroristes dans le Lorum a provoqué une onde de choc à l’échelle nationale ; en témoignent les différents hommages qui lui sont rendus. Sa disparition est un coup dur pour le reste de sa troupe et les FDS qui tentent de sécuriser cette partie du territoire. Radars Info Burkina s'est entretenu avec Drissa Traoré, analyste politique et journaliste à Canal 3, sur les défis que devront relever les Forces de défense et de sécurité (FDS) et les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) dans le Lorum sans Yoro.

Selon Drissa Traoré, Ladji Yoro,  qui était le chef des Volontaires pour la défense de la patrie de la province du Lorum, a fait subir de nombreux revers aux terroristes par son héroïsme, souvent attribué à des pouvoirs mystiques.   « Sa détermination et son engagement dépassaient l’entendement humain d’autant plus qu’il prenait d’énormes risques avec peu de moyens de lutte mis à sa disposition. Souvenez-vous qu’il avait, dans une vidéo devenue virale sur la toile, interpellé l’Etat sur leurs moyens de combat assez dérisoires.  Cela avait suscité un tollé. Je ne sais pas si l’Etat avait pu rectifier le tir mais toujours est-il que de façon générale, les VDP combattent avec un type d’armes qui leur permet difficilement de prendre l’ascendant sur l’ennemi. On ne savait pas comment le combattant Yoro se débrouillait, mais il arrivait toujours, malgré les moyens de combat dérisoires, à opposer une résistance farouche à ceux qui nous endeuillent au point que d’aucuns lui avaient attribué des pouvoirs mystiques », a-t-il déclaré. ladjyoro 2A son avis, les chefs des groupes armés vont profiter de la mort de Yoro pour ragaillardir leurs combattants. « Il faut le rappeler, l’attaque a coûté la vie à une quarantaine de personnes, VDP comme civils, selon le communiqué officiel sans autre précision. On ne sait donc pas exactement le nombre de VDP tombés avec leur chef. Cela dit, perdre une figure de la résistance comme Ladji Yoro amène à reconsidérer un certain nombre de choses du point de vue dispositif. Il appartient pour l’heure à la hiérarchie militaire de remonter le moral des VDP qui sont les supplétifs de l’armée », a ajouté le journaliste. ladjyoro 3D’après ce dernier, il faut revoir la manière de solliciter les VDP afin qu'ils soient plus efficaces. Car  laisser des supplétifs civils de l’armée comme les VDP en première ligne des escortes dans ces zones rouges alors qu’ils sont moins armés et moins entraînés que les  soldats, ça pose problème. « Certainement que les stratèges de cette guerre, bien qu’elle soit asymétrique, ont une explication à cela.  Mais sans pointer du doigt qui que soit, j’estime qu’un des principaux défis, c’est de revoir la manière d’impliquer les VDP, qui ne sont pas aussi aguerris que nos soldats dans cette lutte contre le terrorisme », a-t-il conclu.

En rappel, Ladji Yoro a été enterré au cimetière d’Oufré à Ouahigouya après avoir reçu les hommages du gouvernement et des autorités régionales du Nord. Il a été fait chevalier l'ordre  de l'Etalon à titre posthume.

Barthélémy Paul Tindano

prcc 1Le président du tribunal militaire, Urbain Méda, a accédé à la requête du parquet à la reprise de l’audience du procès de ce jeudi, conformément à l’article 119 du Code de justice militaire, en autorisant la lecture de la déposition des témoins qui ne se sont pas présentés pour cause de maladie. Pour les témoins absents mais dont on ignore la cause de l’absence, ils seront entendus lorsqu’ils seront retrouvés. Les dépositions de plus de dix témoins absents ont été lues par le greffier en chef.

Adolphe Yao Da était du service des renseignements généraux à la gendarmerie nationale. L’intéressé étant absent, sa déposition a été lue par le greffe. Il ressort de son procès-verbal que le Discours d’orientation politique (DOP) du 2 octobre 1986 à Tenkodogo a constitué le compte à rebours pour, vaille que vaille, donner la mort à Thomas Sankara. Selon lui, Jonas Somé, étudiant en médecine et responsable des Comités de défense de la révolution (CDR) des universités, avait pris à partie le capitaine Thomas Sankara en s’attaquant aux principaux points de son discours pas encore prononcé, obligeant le capitaine à improviser un autre discours en réponse à l’étudiant. Pour le témoin, cet incident de Tenkodogo est le point de départ du scénario du coup du 15 octobre 1987.

prcc 2Une autre déposition lue fut celle de l’adjudant-chef major à la retraite Karim Dagano, en service sur la table d’écoute de la gendarmerie nationale. Il a déclaré également avoir écouté une conversation téléphonique entre l’étudiant Jonas Somé et Blaise Compaoré. Le premier aurait dit au second qu’il fallait passer à l’acte.

La déposition de Yssoufou Diawara, sociologue du développement, a également été lue. Dans ladite déposition, ce témoin revient sur une confidence que Thomas Sankara lui aurait faite le 9 octobre 1987 lorsqu’il s’est entretenu avec lui. « Thomas m’a dit que Blaise a tenté à deux reprises d’attenter à sa vie à Bobo-Dioulasso, puis à Tenkodogo. Il m’a dit aussi qu’il ne serait jamais le premier à tirer sur Blaise », peut-on retenir de sa déposition. Pour l’ancien ministre des Sports sous la révolution, Abdoul Salam Kaboré, également témoin, Thomas Sankara s’est laissé avoir par la ruse de Blaise Compaoré. Selon lui, Blaise Compaoré ne croyait pas en la révolution et cela s’est confirmé après sa prise du pouvoir. Il confie dans son audition qu’un hélicoptère venu du Togo attendait à l’aéroport avec pour mission de faire sortir Blaise Compaoré du pays au cas où le coup d’Etat échouerait.

L’audience reprend le mardi 4 janvier 2022.

Sié Mathias Kam

sankk uneSuite des témoignages dans le procès Thomas Sankara et ses 12 compagnons tués le soir du 15 octobre 1987. Des témoins mettent à l'index, une fois de plus, la chefferie traditionnelle concernant le rôle qu’elle aurait joué dans le coup d’Etat et pointent du doigt la dotation en munitions de la garde rapprochée de Sankara.

Ambassadeur du Burkina en poste en Algérie sous la révolution, Bassirou Sanogo a déposé devant la Chambre. Dans son témoignage, M. Sanogo a évoqué la participation de la chefferie traditionnelle dans les évènements du 15 octobre 1987. Selon lui, Blaise Compaoré a été aidé par la chefferie pour prendre le pouvoir. « J’ai eu le courage de dire à Thomas Sankara, devant témoins, que son discours à Tenkodogo sur le bonnet des chefs n’était pas opportun et qu’on pouvait changer notre approche avec la chefferie. Je lui ai rappelé le cas de Maurice Yaméogo qui avait réussi à neutraliser la chefferie. Les chefs traditionnels ont trouvé en Blaise Compaoré une oreille attentive. Il était plus réceptif et moins agressif. La chefferie a contribué à l’accession de Blaise au pouvoir et à sa consolidation», a déclaré Bassirou Sanogo. A la question de Me Olivier Yelkouni, de la défense, de savoir de quel type d’aide l’ancien président Compaoré aurait bénéficié, le témoin a répondu que ce soutien était d’ordre moral car, a-t-il ajouté,  « Blaise l’a prise (NDLR : La chefferie) en considération et l’a réhabilitée. La chefferie estimait que Sankara était dur  avec elle alors que Blaise Compaoré était accommodant. Je ne suis pas contre la chefferie, mais elle doit être plus cantonnée à la tradition ».

sankk2Le témoin a également évoqué l’affaire des 10 millions offerts comme cadeau par le président ivoirien Félix Houphouët Boigny à l’occasion du mariage de Blaise Compaoré. « Vu la période révolutionnaire de l’époque, avec autant de sacrifices, je trouve que ce don était porteur de germes de corruption et d’achat de consciences », a-t-il déclaré.

Aboulassé Kagambéga, chef d'une des équipes de la garde rapprochée du président Thomas Sankara, est aussi passé à la barre en tant que temoin. Selon lui, si la garde rapprochée de Thomas Sankara n'a pas pu réagir, c'est parce qu'elle se croyait tout d’abord en sécurité au conseil. «Thomas Sankara avait interdit qu'on ait sur nous des kalachnikov lors de nos sorties. Il autorisait seulement les Pistolets automatiques (PA). Il a même dit que si on veut le tuer, nous n'y pourrons rien. C’est comme s’il voulait qu’on le tue », a-t-il affirmé. sankk3Il ajoute : « Depuis environ trois mois, la garde rapprochée de Thomas Sankara était en manque de munitions et on ne s’entraînait plus à cause de ce manque. On a adressé une demande à Gilbert Diendéré, mais elle est restée sans suite jusqu'aux évènements. » Rappelé pour une confrontation, Gilbert Diendéré nie en bloc avoir reçu une quelconque demande de l'aide de camp en question. En plus, soutient-il, l'approvisionnement se faisait par des bons qu'il signait. «Je ne badinais pas quand il s'agissait de l'armement de la garde rapprochée. La garde présidentielle avait la priorité dans l'armement. Et d'ailleurs un témoin a affirmé qu'après les tirs, ils se sont servis de grenade dans leur magasin à la présidence », a affirmé le général Gilbert Diendéré. Sur ce point, Me Prosper Farama a fait remarquer au général que les grenades ne font pas partie des munitions et que la question posée ici portait sur les munitions, lesquelles n’étaient pas suffisantes pour opposer une quelconque résistance.

L’audience reprendra demain jeudi 23 décembre avec un verdict attendu des parties, à savoir si la déposition faite chez le juge instructeur des témoins absents sera lue et soumise à l’appréciation des accusés.

Sié Mathias Kam

prcs 2Alouna Traoré est le seul rescapé des événements du 15 octobre 1987 au cours desquels le président du Faso, Thomas Sankara, et 12 autres ont perdu la vie au Conseil de l’entente. Témoin oculaire des évènements, il a laissé paraître un doute dans son témoignage.

Conseiller du président Sankara, chargé de la propagande, Alouna Traoré a déposé devant la chambre ce 21 décembre. Selon ses dires, c’est au moment où il s’apprêtait à prendre la parole pour rendre compte d’une mission qu’il avait effectuée au Bénin que les premiers coups de feu ont éclaté. « Le président Thomas Sankara s’est levé en ajustant son survêtement et a dit : ‘’C’est de moi qu’ils ont besoin, rasseyez-vous’’, avant de se diriger vers la sortie les mains en l’air. Mais, il a été abattu à bout portant », confie-t-il. Toujours selon ce témoin, les autres occupants de la salle qui se sont précipités vers la sortie ont également subi le même sort. Il (Alouna Traoré) a été le dernier à sortir et n’a pas reçu de balle et s’était couché sur le côté droit avec les morts. C’est là qu’un des assaillants aurait reçu l’ordre de le conduire dans une salle. prcs 3Devant le juge d’instruction, il a formellement cité les éléments du commando « assassin », parmi lesquels l’accusé Nabonswendé Ouédraogo, son « parent » du même village. Mais à la barre, Alouna Traoré n’a pas été formel sur la présence de Nabonswendé Ouédraogo.

Pour Me Prosper Farama, c’est une grande déception que le témoin ne soit pas catégorique à ce propos. « C’est avec déception que nous avons constaté que de temps à autre il disait : ‘’Oui, non, oui, peut-être’’. Nous, on a pensé qu’il était gêné du fait de ses liens de parenté avec l’accusé Nabonswendé Ouédraogo et se retrouver dans une situation comme celle-là peut avoir un impact, surtout qu’ils viennent d’une famille royale. Mais le constat est qu’il n’a pas été très ferme. A ce jour, si vous me demandez quelle est la position d’Alouna Traoré sur la présence de Nabonswendé Ouédraogo parmi le commando, je ne saurai vous répondre. Parce que sur notre insistance, il a semblé être affirmatif. Après, sur l’insistance de l’avocat de l’accusé, il est revenu sur sa déclaration, donc on reste dans ce flou », a déclaré Me Prosper Farama. « Moi, j’ai pu identifier deux ou trois mais à l’époque ils étaient ensemble comme des larrons. Sur les lieux de l’assassinat, quelqu’un qui vient de sortir de cette épreuve-là vous lui dites d’identifier les humains, c’est peut-être trop me demander. C’est pourquoi je dis que je suis coupable d’avoir survécu », a répliqué le rescapé Alouna Traoré. Mais il est formel : il n’a pas été question d’une quelconque arrestation, c’est un assassinat politique. En outre, sur la supposée réunion de 20h, il précise qu’elle visait à documenter le président Sankara sur le parti unique en gestation au CNR. Avant lui, plusieurs autres témoins ont déposé de façon brève ce mardi.

L’audience a été suspendue et reprendra demain mercredi 22 décembre.

Sié Mathias Kam

dec uneSuspendue le vendredi 17 décembre, l’audition des témoins a repris ce lundi 20 décembre 2021 à la salle des banquets de Ouaga 2000, où se tient le procès sur l’assassinat de Thomas Sankara et de douze de ses compagnons.

Adjudant à la retraite, Emile Nacoulma était le chef du premier groupe de la sécurité rapprochée du père de la révolution au moment des faits. Dans son récit à la barre, il affirme qu’il était de garde toute la journée du 14 octobre 1987 et dans ce sens, il a passé toute la journée avec le président Thomas Sankara. Inquiet des rumeurs qui couraient les rues, le sergent-chef Emile Nacoulma soutient qu’il a demandé à Thomas Sankara ce qui n’allait pas et pourquoi ne pas mettre fin à cela. « Le président Sankara m’a regardé et a dit : qu’est-ce que tu crois ? Tu n’es pas plus intelligent que moi. Si je le veux, d’un revers de la main je balaie tout ce qu’ils sont en train de préparer. Si je le fais, le sang va couler de la présidence jusqu’à Bobo-Dioulasso. Je ne veux pas cela. Je préfère que le sang coule du palais à la présidence », a détaillé le témoin à la barre. Puis il ajoute : « Il m’a dit : cela peut arriver. Mais de grâce, n’oublie pas Auguste et Philippe. » Selon les dires du témoin, c’était la première fois que Thomas Sankara n’avait pas pu lever le regard. dec 2C’est ainsi que dès les premiers coups de feu, selon le témoin, pendant qu’il se trouvait à la présidence, il a tenté de joindre le Conseil de l’entente où se trouvait le président Sankara par l’entremise de sa sécurité rapprochée sans suite, puis lorsqu’il apprend par la radio les évènements, qu’il se rappelle l’aveu que le président lui a fait la veille sur la sécurité de ses enfants. « Avec la voiture personnelle, je suis allé au palais chercher les enfants. On a emprunté la voie menant à Ouidi et on a fait une halte dans une famille. J’ai confié les enfants (Auguste, Philippe et une petite Tchadienne dont Thomas avait la charge) à un caporal qui a continué le chemin avec un blindé pour les conduire chez leur maman », a rapporté le témoin Emile Nacoulma. C’est ainsi que, toujours selon le témoin, les enfants ont été mis en lieu sûr comme l’avait recommandé leur père, le président Sankara. dec 3Plusieurs autres témoins sont passés à la barre ce lundi, notamment Ambroise Amadou Diarra, numéro 2 de la Force d'intervention du ministère de l'Administration territoriale et de la Sécurité (FIMATS). Avec lui, il a été question de précision sur la supposée neutralisation de la FIMATS par le lieutenant Tibo Ouédraogo (mobile de son accusation). A la barre, Ambroise Amadou Diarra a déclaré que le 15 octobre 1987, le lieutenant Tibo Ouédraogo est venu au camp de la FIMATS accompagné de 8 militaires à bord d’un Véhicule léger de reconnaissance et d’appui (VLRA). « Tibo Ouédraogo a certainement reçu l'ordre de venir désarmer la FIMATS mais à son arrivée, il a exécuté l'ordre d'une autre manière ; à sa manière. Peut-être parce qu'il s'est rendu compte que ce qu'on disait sur la FIMATS n'était pas vrai. Il n'a pas été du tout agressif. La cohabitation a été pacifique », a-t-il déclaré. Cela confirme les propos de l'accusé lorsqu'il est passé à la barre. Il avait en effet dit qu'il n'était pas d'accord pour exécuter la mission qu'on lui a confiée et que sur les lieux, plutôt que de neutraliser cette force, il l'a plutôt pacifiée, ce qui lui a valu un emprisonnement de deux ans.

L’audience a été suspendue et reprendra demain mardi avec les questions des parties au témoin. Ensuite, d’autres témoins seront appelés, dont Alouna Traoré, un survivant des évènements du 15 octobre.

Sié Mathias Kam

sbtPensée pour être un instrument à qualité de retransmission indéniable et à rentabilité économique certifiée, la SBT (Société burkinabè de télédiffusion), dans sa forme actuelle, est une grosse déception pour les promoteurs de télévisions privées du Burkina Faso. La redevance TNT s’élève à 75 000 000 F CFA, hors taxes, par chaîne de télévision par an, pour la couverture nationale, et à 88 500 000 F CFA, toutes taxes comprises. Ces montants sont notoirement largement insoutenables pour les entreprises audiovisuelles, au regard de l’environnement et de leurs réalités économiques. Les états financiers annuellement déposés au CSC et aux impôts l’attestent. Mieux, le 3 novembre 2021, réuni en Conseil des ministres, le gouvernement burkinabè a officiellement remis en cause le modèle économique de la SBT en instruisant le ministre de la Communication de trouver un mécanisme plus opérant. En somme, la SBT, pour sa propre survie, doit « panser » et repenser son mode de fonctionnement. Les télévisions privées au Burkina Faso sont confrontées à d’innombrables difficultés au point que le gouvernement a créé le Fonds d’appui à la presse privée (FAPP).

Le droit à l'information est garanti par la Constitution et la presse privée y contribue.  Et ce droit constitutionnel reconnu est pris en charge par des promoteurs privés. La SBT devait plutôt déployer des initiatives dans le but de renflouer les caisses des télévisions, car elles produisent du contenu immatériel consommé par des téléspectateurs dont le nombre est de plus en plus croissant. La taxe sur le développement des activités audiovisuelles de l'Etat , taxe parafiscale, va dans le panier commun et n’est pas affectée aux médias. Pire, le ministère de la Communication paie les factures d'eau et d'électricité de la télévision nationale.

Une réflexion est nécessaire et impérieuse sur l'accès aux médias  télévisuels nationaux.

Dans de nombreux pays africains,  l'accès aux chaînes nationales est conditionné par un abonnement. Le Burkina Faso ne gagnerait-il pas à s’inspirer de ce modèle au lieu d’opérationnaliser un simulacre de racket à travers un chantage éhonté ?

Qu’en est-il des produits dérivés que la SBT devait promouvoir ?

Pour sa propre survie, la SBT doit être un vecteur de promotion des télévisions privées ; pas un obstacle à leur existence, leur essor. Fort heureusement, la majorité des télévisions suspendues des signaux de la TNT au Burkina Faso continuent de dérouler leurs programmes via CANAL+, une entreprise étrangère mieux structurée, mieux organisée et moins onéreuse que la SBT. Par ailleurs, son taux de couverture est plus important. En somme, bien que des dizaines de milliards aient été investis pour mettre sur pied la SBT, celle-ci se révèle une société mal pensée avec moins d’envergure que CANAL+. Quel intérêt l’Etat a-t-il à créer une société qui, au lieu de promouvoir le pluralisme médiatique, travaille plutôt à le  freiner ?

Quel intérêt l'Etat burkinabè a-t-il à taxer des télévisions privées alors même qu’il a tiré de la libéralisation des fréquences plus de 220 milliards de FCFA ?

L' enjeu du contenu de nos médias et de la production audiovisuelle doit être au cœur de nos préoccupations. La dernière frontière de l’existence de nos Etats est culturelle. Nous  ne devons pas, pour des intérêts mal pensés, perdre cette bataille.

Richard Tiéné

skr uneSuite des témoignages dans le procès Thomas Sankara et ses 12 compagnons assassinés au Conseil de l'entente le 15 octobre 1987. Ce jour 17 décembre 2021, 3 témoins ont déposé devant la Chambre. L’un d’eux, Yacouba Traoré, à l'issue de son audition, a déclaré qu'il est un «homme vide» depuis la mort de Thomas Sankara.

Directeur général de la Société nationale de cinéma (SONACI) en 1987, Yacouba Traoré a replongé la Chambre, durant son témoignage, dans le contexte qui était celui d’octobre 1987. Selon ses dires, le mardi 13 octobre 1987, il a reçu la visite d'un soldat, qui avait l’air très inquiet, qui l'a informé que « ça ne va plus entre Blaise et Thomas et l'heure est grave ». Il ajoute que quand il fut reçu quelques instants après par son ami Thomas Sankara, ce dernier lui avoua qu'il avait tout fait pour ramener la situation à la normale, mais que ça n'allait pas. « A la fin de notre échange, je l’ai informé que je me rendrais chez Blaise aussi pour avoir sa version des faits et c’est là que Sankara m’a dit à la porte, en larmes : "Mon type, tu ne veux pas que je fuie !" » a relaté le témoin Traoré. Mais Blaise Compaoré, trop occupé, ne recevra jamais son ami Yacouba Traoré. skr 2« Il m'a appelé le jeudi 15 octobre 1987 pour s'excuser et m'a promis de passer me voir à la maison après le sport », confie le témoin. Le soir, les armes ont commencé à crépiter au Conseil de l'entente. « Dès les premiers coups de feu, un jeune que je logeais, qui venait d'avoir sa licence en sciences politiques et qui collaborait avec Thomas Sankara sur certains dossiers, a escaladé le mur. Depuis ce jour-là, il n'a plus jamais retrouvé ses esprits (NDLR : A ces mots, le témoin fond en larmes). » « Pourquoi en être arrivé jusqu'à l'assassinat ? » demande-t-il. Et de poursuivre en ces termes : « Il y a des événements qui marquent la vie d’un homme. La mort de Thomas a fait de moi un homme vide…Je demande à ceux qui ont fait cela de reconnaître leur crime. Je voudrais aussi leur dire que le linceul n'a pas de poche. » C’est par ces mots que Yacouba Traoré a conclu son témoignage.

skr 3Après le témoignage de Traoré, c’est Amidou Ouattara qui lui a succédé à la barre. « J'ai vu Vincent Sigué le 14 octobre à l'ÉTIR avec des soldats et un véhicule. Mais je ne peux pas vous dire si oui ou non il est réparti sur Ouaga avec des armes », a notifié le témoin, qui était chef de magasin Tir-Armement-Munitions de l'ETIR. Et concernant la mort le 15 octobre 1987 de son chef de corps, Michel Koama, le témoin affirme que c'est après 3 jours qu'il a appris la nouvelle et qu’il a même participé à l’inhumation de celui-ci, sans toutefois donner le nom de l’assassin de son chef de corps.

Yaya Dramé était également à la barre en tant que témoin ce 17 décembre. Cet officier de police en service à la Divion de la surveillance du territoire (DST) au moment des faits a confié avoir déjoué trois tentatives de coup d'État provenant de la Côte d'Ivoire. Espion qu'il était à l’époque, il dit avoir su qu’il y avait des contradictions entre les deux leaders de la révolution et ajoute que certains officiers avaient même pris position pour Blaise Compaoré, notamment Mori Aldiouma Jean Pierre Palm, accusé dans ce procès. Selon le témoin, le 16 octobre 1987 à 10h, Jean Pierre Palm leur a rendu visite et il était content du renversement de Sankara, car son humeur le montrait. «Gilbert Diendéré est venu nous voir le 16 octobre et il nous a dit qu'il avait des renseignements. Il a affirmé que notre chef, Askia Vincent Sigué (chef de la FIMATS), préparait un coup d'État et qu’à l'issue de cela il allait renommer le pays République du Manding. Car, selon Gilbert Diendéré, Vincent Sigué prenait des cours de sciences économique et politique», a déclaré Yaya Dramé. «Pourquoi en être arrivé jusqu'à l'assassinat ? Il y avait des dissensions, mais cela aurait dû se régler autrement. Si j’étais un gradé de l'époque, j'allais m'opposer à un tel acte. Je regrette l'attitude des gradés de l'époque», a-t-il dit pour clore son témoignage.

L'audience reprend le lundi 20 décembre avec les témoins suivants.

Sié Mathias Kam

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