Suite des témoignages dans le procès Thomas Sankara et ses 12 compagnons tués le soir du 15 octobre 1987. Des témoins mettent à l'index, une fois de plus, la chefferie traditionnelle concernant le rôle qu’elle aurait joué dans le coup d’Etat et pointent du doigt la dotation en munitions de la garde rapprochée de Sankara.
Ambassadeur du Burkina en poste en Algérie sous la révolution, Bassirou Sanogo a déposé devant la Chambre. Dans son témoignage, M. Sanogo a évoqué la participation de la chefferie traditionnelle dans les évènements du 15 octobre 1987. Selon lui, Blaise Compaoré a été aidé par la chefferie pour prendre le pouvoir. « J’ai eu le courage de dire à Thomas Sankara, devant témoins, que son discours à Tenkodogo sur le bonnet des chefs n’était pas opportun et qu’on pouvait changer notre approche avec la chefferie. Je lui ai rappelé le cas de Maurice Yaméogo qui avait réussi à neutraliser la chefferie. Les chefs traditionnels ont trouvé en Blaise Compaoré une oreille attentive. Il était plus réceptif et moins agressif. La chefferie a contribué à l’accession de Blaise au pouvoir et à sa consolidation», a déclaré Bassirou Sanogo. A la question de Me Olivier Yelkouni, de la défense, de savoir de quel type d’aide l’ancien président Compaoré aurait bénéficié, le témoin a répondu que ce soutien était d’ordre moral car, a-t-il ajouté, « Blaise l’a prise (NDLR : La chefferie) en considération et l’a réhabilitée. La chefferie estimait que Sankara était dur avec elle alors que Blaise Compaoré était accommodant. Je ne suis pas contre la chefferie, mais elle doit être plus cantonnée à la tradition ».
Le témoin a également évoqué l’affaire des 10 millions offerts comme cadeau par le président ivoirien Félix Houphouët Boigny à l’occasion du mariage de Blaise Compaoré. « Vu la période révolutionnaire de l’époque, avec autant de sacrifices, je trouve que ce don était porteur de germes de corruption et d’achat de consciences », a-t-il déclaré.
Aboulassé Kagambéga, chef d'une des équipes de la garde rapprochée du président Thomas Sankara, est aussi passé à la barre en tant que temoin. Selon lui, si la garde rapprochée de Thomas Sankara n'a pas pu réagir, c'est parce qu'elle se croyait tout d’abord en sécurité au conseil. «Thomas Sankara avait interdit qu'on ait sur nous des kalachnikov lors de nos sorties. Il autorisait seulement les Pistolets automatiques (PA). Il a même dit que si on veut le tuer, nous n'y pourrons rien. C’est comme s’il voulait qu’on le tue », a-t-il affirmé. Il ajoute : « Depuis environ trois mois, la garde rapprochée de Thomas Sankara était en manque de munitions et on ne s’entraînait plus à cause de ce manque. On a adressé une demande à Gilbert Diendéré, mais elle est restée sans suite jusqu'aux évènements. » Rappelé pour une confrontation, Gilbert Diendéré nie en bloc avoir reçu une quelconque demande de l'aide de camp en question. En plus, soutient-il, l'approvisionnement se faisait par des bons qu'il signait. «Je ne badinais pas quand il s'agissait de l'armement de la garde rapprochée. La garde présidentielle avait la priorité dans l'armement. Et d'ailleurs un témoin a affirmé qu'après les tirs, ils se sont servis de grenade dans leur magasin à la présidence », a affirmé le général Gilbert Diendéré. Sur ce point, Me Prosper Farama a fait remarquer au général que les grenades ne font pas partie des munitions et que la question posée ici portait sur les munitions, lesquelles n’étaient pas suffisantes pour opposer une quelconque résistance.
L’audience reprendra demain jeudi 23 décembre avec un verdict attendu des parties, à savoir si la déposition faite chez le juge instructeur des témoins absents sera lue et soumise à l’appréciation des accusés.
Sié Mathias Kam