samedi 23 novembre 2024

diebre uneLes choses vont vite du côté de la salle des banquets de Ouaga 2000, où se tient le procès sur l’assassinat de Thomas Sankara et de ses 12 compagnons. Trois accusés ont été auditionnés ce jeudi 4 novembre 2021. Le médecin-commandant  Alidou Jean Christophe Diebré reconnaît avoir « établi, signé et délivré trois certificats de décès portant la mention « mort naturelle » en janvier 1988, soit trois mois après le drame du 15 octobre 1987, à trois veuves, dont Mariam Sankara. Médecin-chef de l’infirmerie de la présidence du Faso, le colonel major Hamado Kafando a, lui, « établi, signé et délivré un certificat de décès avec mention ‘’mort accidentelle’’ » en 1991. Les deux toubibs sont poursuivis pour faux en écriture publique. Mori Arzouma Jean Pierre Palm, capitaine au moment des faits, quant à lui, est poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat. Ce dernier a affirmé avoir fait 16 ans sous le régime de Blaise sans travailler alors qu’il était payé.

« Je reconnais avoir commis une faute professionnelle », a affirmé Alidou Jean Christophe Diebré à la barre. En effet, il a reconnu un manque de rigueur déontologique car sans autopsie, il est difficile d’être situé sur les causes d’un décès. Mais, clame-t-il à la barre, « c'est un acte humanisme que j'ai posé. J’ai voulu rendre service et faire parler mon cœur ». Cette mention « mort naturelle », il dit l’avoir faite sur le certificat de décès de Sankara, car il n’avait pas d’autre alternative. « Pour le commun des mortels, "mort naturelle" choque mais pour moi qui suis médecin c'est normal, car la mort est un phénomène naturel. "Mort naturelle" n'est pas une cause de décès. C'est un diagnostic de décès. La cause est déterminée par une autopsie », a-t-il expliqué.diebre 2

« Avez-vous subi une pression quelconque pour délivrer ce certificat ? »  lui a-t-on demandé. L'accusé est clair à ce propos : il ne l'a pas fait sous « l’instigation de qui que ce soit ». « Personne ne peut me faire écrire ou m’instruire de faire ce que je ne veux pas, pas même la hiérarchie militaire. Et sur ça, je reconnais être indiscipliné », répond-il. Qualifié d'accusé "irrepenti" (quelqu'un qui est capable de récidiver) par Me Olivier Somé car ayant soutenu que s’il avait l’occasion d’aider il le referait, l'accusé réplique : « J'ai posé un acte d’humanisme. Si le papier ne leur a pas servi, je leur présente toutes mes excuses. Je demande pardon », a-t-il conclu.

Après Diebré, le médecin-chef de l’infirmerie de la présidence du Faso, Hamado Kafando, était à la barre pour les mêmes chefs d’accusation. Il a porté la mention « mort accidentelle » sur le certificat de décès de Bonaventure Compaoré en 1991, soit 4 ans après les évènements. diebre 3« Pour moi, ce n'était pas un papier qui devait se retrouver sur la place publique. Je l'ai établi dans un but précis. C’était pour que les ayants droit aient leurs droits, c'est tout. J'ai mis la mention ‘’mort accidentelle’’, car tout le monde avait connaissance des évènements du 15 octobre 1987 », soutient-il à la barre. Tout comme le Dr Diébré, il n'a pas eu recours à une autopsie avant de conclure que c'est effectivement "d'un accident" que Bonaventure Compaoré était mort. En outre, tout comme son collègue, il a été formel : il a établi un certificat de décès et non un certificat médical de décès. Pour l'avocat de la famille Compaoré, Me Olivier Somé, la mention « mort accidentelle » "banalise" la mort de Bonaventure Compaoré comme si c'était un homicide involontaire. « J'ai établi un document pour aider la famille. Mon acte ne constitue pas une infraction car la mort est réelle, donc le document est sincère », a conclu le médecin-chef.

Après les deux médecins, c’est le colonel major Jean Pierre Aldiouma Mori Palm (NDLR : capitaine au moment des faits) qui était à la barre. Il est accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat.

Il a déclaré qu’il se trouvait chez son petit frère Eric Palm dans la matinée du 15 octobre 1987 et souffrait de maux de dents. Dans la soirée, il est conduit par un ami, Julien Ayi, dans un centre médical pour y recevoir des soins. C’est en chemin, vers le mur du Scolasticat, qu’il dit avoir entendu des tirs. Ils auraient alors trouvé refuge chez les parents de Me Mireille Barry, étudiante à l’époque, jusqu’au matin. Et c’est après s’être rendu au Conseil de l’entente que Jean Pierre Palm dit qu’il a su ce qui s’était passé la veille.

Rappelons que l’accusé, avant le 15 octobre, avait été affecté à Bobo-Dioulasso comme commandant de la gendarmerie. Mais il n’y prendra jamais fonction car le 16 octobre, l’ordre fut donné par Blaise Compaoré qu’il devait rester sous le commandement du commandant Boukary Lingani. Ensuite le 16 novembre 1987, soit un mois après l’assassinat de Thomas Sankara, Palm est nommé chef d’état-major de la gendarmerie nationale. D’aucuns l’accusent d’avoir conduit des Français pour débrancher une table d’écoutes contenant des preuves accablantes d’enregistrements et d’avoir ordonné ou supervisé des arrestations ainsi que des tortures. « On peut ne pas aimer les Blancs, mais il ne faut pas inventer des choses. Ils étaient là pour faire l'inspection de la transmission de la gendarmerie », a déclaré Jean Pierre Aldiouma Mori Palm pour sa défense. Et d’ajouter plus loin que durant les 27 ans de présidence de Blaise Compaoré, il a passé 16 ans sans travailler alors qu’il était payé. Il s’est justifié en déclarant que c’est « l’autorité politique qui ne l’a pas affecté à un poste ».

L’audition de l’officier de gendarmerie Jean Pierre Palm reprend le lundi 8 novembre à 9h.

Sié Mathias Kam

tosk uneLe procès Thomas Sankara et 12 autres a repris ce mercredi 3 novembre au tribunal militaire, délocalisé pour la circonstance dans la salle des banquets de Ouaga 2000. Aujourd’hui, c’était au tour de la défense de prendre la parole pour poser ses questions à son client Bossobè Traoré. Faut-il le rappeler, le sieur Traoré est accusé de complicité de coup d’État et de complicité d’atteinte à la sûreté de l’État. De l’avis de la partie civile, c’est lui la taupe qui aurait fourni tous les renseignements nécessaires au commando qui a assassiné Thomas Sankara et ses compagnons ce jeudi noir du 15 octobre.

La partie civile ne conçoit pas que le commando Arzouma Otis Ouédraogo, qui avait dans sa ligne de mire Bossobè Traoré, n’ait pu l’atteindre qu’au bras. Mieux, elle ne s’explique pas le fait que l’accusé ait été par la suite évacué en France pour de meilleurs soins par ceux-là mêmes qui voulaient attenter à sa vie. Pour l’accusé, « il serait devenu un héros s’il était mort » mais comme il est vivant, on le traite de « traître ».

ttosk 2Selon lui, le type de fusil utilisé par le commando Arzouma Otis Ouédraogo est un fusil à pompe.  Le parquet fait remarquer que ce type de fusil a des balles de type chevrotine (munition composée de grenaille de plomb).Ce sont des fusils de calibre 12-76mm. L’accusé est catégorique : c’est l’arme qu’a utilisée « Otis » pour abattre ses collègues Der Somda et Abdoulaye Gouem et lui tirer sur le bras. Pourtant, le parquet a affirmé que selon l’expertise balistique, les balles retrouvées sur les corps de Der Somda et Abdoulaye Gouem étaient de calibre 7-62mm. « Un fusil à pompe ne peut pas tirer une balle de calibre 7-62mm. Seuls les fusils d’assaut de type kalachnikov ou des fusils HK G3. Donc ce n’est pas un fusil à pompe que tenait Otis », a déclaré le parquet. Il a également fait remarquer que le rapport du Centre national d’entraînement commando (CNEC) dressé par Bossobé Traoré montre clairement qu’il a été touché au coude par une balle qui lui a traversé tout l’avant-bras et est ressorti à la main droite. Pourtant, l’accusé maintient qu’il a été blessé alors qu’il était couché au sol avant de prendre la fuite. Pour le parquet, cette version n’est pas plausible car étant à plat vendre, le tir ne saurait avoir son bras puis sortir par sa paume, selon toute vraisemblable, le tir a été effectué de dos.

tosk 3Pour la défense ce matin, l’évacuation de Bossobè Traoré n’avait rien d’exceptionnelle. De plus, pour l’avocate de l’accusé, Me Maria Kanyili, il n’était pas de mèche avec ceux qui ont perpétré le coup d’État comme le laisse entrevoir la partie civile. Me Maria Kanyili a fait des observations à la suite de son interrogatoire : « Il n'est pas le seul survivant. Ses deux chefs, à savoir Laurent Ilboudo et Drissa Sow, sont vivants et ils n'ont rien eu pendant l'attaque. Il n'avait pas de moyen personnel de communication, mis à part une Motorola qui était l'apanage de ses chefs. S'il était informé du coup d'État et qu'il avait fourni les informations comme les autres le prétendent, il ne serait pas allé au service ce jour-là mais aurait trouvé un motif pour s’absenter. Son évacuation en France a suivi toutes les procédures normales et un ordre a même été signé par le ministre de la Santé d'alors. Il n'a pas bénéficié de largesses pour être évacué en France. Il était le seul blessé. C'est en 2004 qu'il a été indemnisé à la suite de la Journée du pardon avec bien d'autres ». C’est ainsi que prit fin l’audition de Bossobé Traoré.

A la demande de Me Victoria Nébié, l’audience a été suspendue et reprend demain jeudi à 9h par l’interrogatoire du médecin-militaire Alidou Jean Christophe Diembré, directeur central du service de santé des forces armées populaires au moment des faits.

Sié Mathias Kam

proc uneLe procès Thomas Sankara a repris ce mardi 2 octobre 2021, à la salle d’audience délocalisée de Ouaga 2000. L'interrogatoire de l'accusé Nabonsseouindé Ouédraogo s’est poursuivi. La parole est revenue à la partie civile en début d'audience. L’accusé soutient n’avoir pas participé à l’attaque contre Sankara. Ce soldat de 1re classe confie s’être abrité de 16h à 9h du matin dans une piscine au moment de l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons. Le sergent en service au CNEC au moment des faits, Bossobé Traoré, lui a succédé à la barre. Il est le seul de la garde rapprochée du président Thomas Sankara à être mis en accusation. On peut retenir que les déclarations de ces deux accusés ont été les plus floues depuis le début du procès.

Nabonsseoindé Ouédraogo à la barre. Un accusé qui a nié presque toutes ses déclarations devant le juge d’instruction et dont les propos devant le tribunal sont jugés « peu cohérents » par les avocats de la partie civile. En effet, des contradictions ont été observées sur certaines de déclarations de l’accusé en présence de son avocat. « Ce jour-là (ndlr le 15 octobre 1987), Hyacinthe Kafando, est arrivé au Conseil de l’entente vers 15h. Il est monté à l’étage. Environ 1h après, il est redescendu et a pris la direction du secrétariat. Peu après, il y a eu des tirs qui se sont généralisés. J'ai entendu un coup qui est celui d'une DCA (Défense contre l'aviation)  peu après 30mn du début des tirs. Quand j’ai entendu les tirs, j’ai cherché un refuge dans une piscine située à 20 mètres de mon lieu de poste de garde (le poste 520) avec mes trois collègues », explique l’accusé Nabonsseouindé Ouédraogo. proc 2Il précise être resté dans cette cachette jusqu’au petit matin à 9h car les tirs n’avaient pas totalement cessé. « Le matin quand je suis sorti de la cachette, j'ai rallié le domicile de Blaise Compaoré sans demander un quelconque renseignement à un frère d'armes. C'est du domicile de Blaise que j'ai appris ce qui s'était passé », ajoute-t-il. Il poursuit après insistance du président du tribunal : « C'est Hyacinthe Kafando qui m'a informé de l'assassinat du président Thomas Sankara et ce n'était plus un secret ». Suite à ces déclarations, la partie civile, par l’entremise de Me Prosper Farama, s’est interrogée : « Comment un commando juste après le départ de ses chefs, entend des tirs mais ne court pas à la rescousse de ces derniers mais cherche un refuge. Mieux il reste dans sa cachette jusqu'à 9h pour ensuite aller retrouver ses mêmes chefs en danger le lendemain au domicile de Blaise Compaoré ? Comment étiez-vous sûr de les retrouver au domicile de Blaise Compaoré ? » proc 3L'accusé réplique qu'un soldat en cas de coup de feu doit chercher un refuge, être prudent. « Non seulement vous vous contredisez, mais il n’y a pas de cohérence dans ce que vous dites », réplique Me Farama à l’accusé. « Soit vous mentez, et vous mentez mal, soit c’est un manque de respect », a poursuivi l’avocat, après avoir relevé plusieurs contradictions dans les réponses fournies par l’accusé. « Vous essayez de vous défendre mais votre stratégie de défense est bancale », conclut Me Farama. Pour le moment, c’est le seul accusé qui, contrairement aux autres, faisait partie du service de sécurité de Thomas Sankara.

Le sergent Bossobé Traoré est accusé de complicité d’assassinat et de complicité d’attentat à la sûreté de l’État. A la barre, il a indiqué qu’il était de garde le 15 octobre 1987 au Conseil de l’entente. « Au moment où le commando est venu, j’étais posté avec deux autres militaires à l’arrière du bâtiment où Thomas Sankara tenait une réunion. Des hommes cagoulés sont venus nous dire ‘’haut les mains’’. Il y a un de ces hommes Arzoma Otis Ouédraogo qui nous a désarmés. Puis, il nous a fait coucher à plat ventre. A l’aide de son fusil à pompe, il a d’abord tiré sur mes deux collègues avant de m’avoir au bras. J’ai ensuite pris la fuite et il a tiré une deuxième fois à terre. J’ai vu la poussière qui s’élevait. Arrivé à la porte du secrétariat, il a tiré une deuxième fois mais c’est la porte qu’il a touchée. C’est ainsi que j’ai pu m’échapper. C’est des étudiants que j’ai vu dehors qui m’ont secouru avant qu’une dame ne m’envoie à l’hôpital Yalgado. Et de là-bas j’ai été évacué en France pour de meilleurs soins », retrace le sergent Bossobé Traoré. Là encore la partie civile s’interroge : « Comment quelqu’un qui a voulu attenter à votre vie peut vous envoyer en France pour des soins ? » ; « comment un commando tireur d’élite a pu vous rater par trois fois ? » ; « comment il a pu avoir vos collègues qui étaient juste à côté de vous et vous il ne vous a eu qu’au bras ? Ces étudiants n’ont-ils pas entendu des tirs pour se réfugier au lieu de trainer par là ? » A toutes ces questions, les réponses de l’accusé n’ont pas convaincu la partie civile. Et Me Prosper Farama de conclure: « On devrait vous appeler Bossobé Traoré la chance ».

L'audience reprend demain mercredi toujours avec l'interrogatoire de Traoré Bossobé. La parole sera à la défense.

Sié Mathias Kam

xavier uneIl y a 7  ans, le peuple burkinabè a décidé de prendre son destin en main.  Après 27 ans de règne sans partage, Blaise Compaoré, qui voulait modifier la Constitution de son pays afin de se maintenir au pouvoir, est chassé. C’était le 31 octobre 2014. À la faveur de l’insurrection populaire qui a balayé le régime Compaoré, de nombreux changements sont intervenus dans le pays. A l’occasion de l’an VII de l’insurrection, Radars Info Burkina s'est entretenu avec  Xavier Belemgnegré, journaliste et rédacteur en chef de la Radio nationale, au sujet de cet épisode de l’histoire politique du Burkina.

La  première leçon que l'on peut tirer de ces événements, selon Xavier Bélemgnegré,  c'est l’indispensable limitation  du nombre de mandats présidentiels, car c’est un excellent indicateur du niveau de démocratie d’un pays. Il affirme à ce propos : «L'une des conditions de processus démocratique,  c'est l'alternance. Et l'alternance, c'est ne pas le changement d'idéologie ou de concept. (...) Mais un changement de personnes. Et donc l’alternance au pouvoir est un acquis important de cette insurrection populaire. Parce que je ne sais pas si un président va oser, en tout cas après deux mandats ici  au Burkina Faso, au regard de ce que nous avons vécu et au regard aussi de la situation que nous vivons en Afrique de l'Ouest, continuer après son deuxième mandat». Pour le rédacteur en chef de la Radio nationale, la liberté d'expression que connaît le Burkina Faso actuellement est aussi le fruit de l'insurrection populaire de 2014. xav 2«Quand vous regardez un peu au niveau des médias publics, par  exemple, il y a un espace de liberté  maintenant. Les journalistes de ces médias ont acquis davantage de liberté   dans le cadre de leur travail au quotidien. La Radio nationale était plus ou moins la voix du gouvernement. Mais depuis 2014, les choses ont évolué. Vous avez des émissions interactives où on critique le gouvernement. Donc c'est encore un bonus pour la démocratie», a-t-il déclaré. La liberté d'expression  est également  un acquis pour les Organisations de la société civile  (OSC ), car celles-ci ont un espace pour exiger une certaine fermeté dans la gouvernance. Même la réorganisation de l'Autorité supérieure de contrôle d'Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) et  la relecture de ses textes sont à mettre à l’actif de l’insurrection.

En outre, selon notre interlocuteur du jour, dans l'administration publique il y a eu un changement considérable, car actuellement l'administration burkinabè  n'est plus aux ordres d’un certain nombre de personnes comme c’était le cas auparavant. Il y a par ailleurs un changement de mentalité des fonctionnaires et de la population  de façon générale grâce à cette alternance. Ainsi, on assiste maintenant à des sessions de redevabilité des élus   municipaux, notamment des maires, car les conseils municipaux  ont l’obligation de rendre compte aux populations des actions qu’ils ont eu à mener. Un autre acquis de l'insurrection populaire, selon le journaliste, c'est l'accroissement de l’indépendance de la justice. Par exemple,  le président du Faso n’est plus le président du conseil supérieur de la magistrature comme c’était le cas par le passé. «Je me dis que les juges ont cette indépendance à la fois morale et financière. En effet,  avec l'insurrection les choses se sont  beaucoup  améliorées sur le plan de leur traitement salarial», a-t-il ajouté.

Cependant, que l'arbre ne cache pas la forêt. Certes il y a eu des acquis énormes à la faveur de l'insurrection populaire, mais il y a aussi des dérives. Pour Xavier Bélemgnegré, beaucoup ont mal compris le "plus rien ne sera comme avant".  «Beaucoup de nos concitoyens se croient tout permis maintenant. Ainsi, les premiers moments de l’après-insurrection n'ont pas  été faciles pour les autorités. Pendant la transition, il y avait des grèves tous azimuts dans l’administrations publique. Certains   ont voulu qu'on augmente leurs salaires et d'autres  cherchaient  des avantages. Ça fait que cette liberté, de mon point de vue, les gens en ont abusé dans leurs revendications au point que cela s’apparentait même à du libertinage», a-t-il regretté. Selon lui, même l'insécurité que connaît le Burkina Faso actuellement est en partie liée à l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 : «Si le régime autoritaire était toujours là,  les gens allaient avoir peur. Mais comme on a tué  le mythe, les gens se croient tout permis». A son avis, c'est l'insurrection populaire qui a  favorisé également l'incivisme, et  la violence est allée à l'extrême.

Barthélemy Paul Tindano

ttrial uneL’interrogatoire des accusés dans le procès sur l’assassinat de Thomas Sankara et ses 12 compagnons s’est poursuivi ce jeudi 28 octobre 2021 au tribunal militaire de Ouagadougou. Après le militaire-chauffeur Yamba Elysée Ilboudo qui a plaidé « coupable » avant que son avocate le fasse plaider « non coupable », le caporal Idrissa Sawadogo a été appelé à la barre pour être auditionné. « Je ne reconnais pas les faits », a-t-il déclaré ce jeudi 28 octobre. Aussitôt qu’il a fini, le troisième accusé est passé à la barre. Il s’agit du soldat de 1re classe Nabonswendé Ouédraogo. Lui non plus ne reconnaît pas les charges qui pèsent contre lui. Aucun de ces deux comparants n’a corroboré les propos tenus par Yamba Elysée Ilboudo à la barre. Ils sont même allés jusqu’à traiter celui-ci de « malade ».

Auditionné pendant deux jours, Yamba Elysée Ilboudo a dit sa part de vérité à la barre. Cette vérité ne passe pas dans le rang des autres accusés. Deuxième accusé à être appelé à la barre, Idrissa Sawadogo, soldat de 1re classe au moment des faits, ne reconnaît pas les charges qui pèsent contre lui. Cité par Elysée Yamba Ouédraogo comme ayant fait partie du convoi qui a investi le Conseil de l’entente le soir du 15 octobre 1987, l’homme a tout nié en bloc. ttrialL 2Il était chargé de la sécurité rapprochée du ministre de la Justice d’alors, Blaise Compaoré, et au moment des faits le soir du 15 octobre 1987, il était de garde au Conseil de l’entente. Selon ses dires, il aurait reçu l’ordre de son chef Hyacinthe Kafando, peu après 15h, de se rendre au domicile de Blaise Compaoré pour y renforcer la sécurité. Il dit s’être exécuté mais précise qu’une fois arrivé sur les lieux, sans y avoir pénétré, il a entendu des coups de feu, donc a rebroussé chemin pour Tanghin-Dassouri pour voir sa maman vers 17h. Toujours selon l’accusé, par cette visite qui a duré une quinzaine de minutes, il voulait simplement prendre des nouvelles de sa génitrice malade. « La maman d’Idrissa souffrait de tension et si cette dernière avait pris connaissance des tirs qui avaient eu lieu au Conseil, elle pouvait s’en inquiéter », a soutenu son avocate, Me Aouba Zaliatou.

« C’est aux alentours de 18h que je suis revenu chez Blaise poste de Delta nord. Peu après, je suis reparti au Conseil. Je suis arrivé et j’ai signalé mon retour à mon chef Hyacinthe Kafando. Il m’a dit d’aller occuper mon poste. Je suis reparti à mon poste 520 au Conseil », raconte-t-il. Il affirme n’avoir pas participé au coup d’Etat contre Sankara et ses 12 compagnons et donc ne pas se reconnaître dans les déclarations de Yamba Elysée Ilboudo. Pour lui, s’il avait participé au coup d’Etat contre Thomas Sankara, il aurait été décoré plus tard. Or, ça n’a pas été le cas.

ttrial 3A sa suite, l’accusé Nabonswendé Ouédraogo est passé à la barre. Soldat de 1re classe, commando du Centre national d’entraînement commando (CNEC) de Pô, il est poursuivi pour les mêmes chefs d’accusation que ces deux prédécesseurs, à savoir complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat et assassinat. L’accusé a plaidé non coupable et ne reconnaît pas les faits. « Personnellement, ça m’a surpris (ndlr l’assassinat de Thomas Sankara). Je n’étais au courant de rien », a-t-il confié. Il dit qu’il était au poste de garde 520 le 15 octobre 1987. C’était le poste de garde du pied-à-terre de Blaise Compaoré au Conseil de l’entente. C’est de là, poursuit-il, qu’il a aperçu Hyacinthe Kafando qui était au bas de l’étage avec des hommes en train de causer à côté d’un véhicule. Peu après, ils ont démarré et vers le secrétariat du Conseil de l’entente où se tenait une réunion avec Thomas Sankara, il a entendu des tirs. Nabonswendé Ouédraogo dit alors s’être abrité avec d’autres pour se protéger des balles. Il a tout de même précisé n’avoir pas vu ou entendu Hyachinte Kafando donner des ordres à Idrissa Sawadogo, contrairement à ce que celui-ci a affirmé pendant son audition. Mieux, il ajoute qu’ils étaient trois soldats de garde au Conseil et qu’Idrissa Sawadogo n’en faisait pas partie à sa connaissance. « Ce qu’Elysée Yamba a dit est très grave. Je lui ai dit que ses déclarations peuvent nous envoyer en prison. Depuis ses déclarations, je ne lui adresse plus la parole. Je le fuis pour éviter qu’il vient dire ce que je n’ai pas dit. Je ne sais pas comment qualifier ses déclarations. Il est malade », a-t-il lâché. L’avocate d’Idrissa Sawadogo, Me Aouba Zaliatou, a souhaité que la chambre puisse faire recours au détecteur de mensonge si cela est nécessaire.

L’audience a été suspendue et reprendra le mardi 2 novembre 2021 avec la suite de l’interrogatoire de Nabonswendé Ouédraogo par la partie civile avant que la parole soit donné à la défense ou au parquet.

Sié Mathias Kam

aarm uneEn prélude au 61e anniversaire des forces armées nationales du Burkina Faso,  le ministre de la Défense nationale et des Anciens Combattants a tenu un point de presse le mercredi 27 octobre 2021 en vue de donner des détails sur cet événement célébré le 1er novembre. Selon le général Aimé Barthélemy Simporé, cet anniversaire sera sobre cette année au regard du contexte sécuritaire national. Pour cela, l'événement sera ponctué par des cérémonies d'hommage aux soldats tombés, aux familles et aux Volontaires pour la défense de la patrie (VDP).

C'est sous le thème : <<61 ans au service de la défense de la patrie : tous ensemble pour un vibrant hommage aux Forces armées nationales et pour un engagement décisif pour vaincre le terrorisme>> que sera célébré ce 61e anniversaire de la grande muette. Pour le chef du département de la Défense, cet événement est une occasion pour l'armée de communiquer avec la nation dans un exercice de redevabilité institutionnelle et surtout de réaliser avec elle, en ces moments difficiles, l'indispensable synergie patriotique pour vaincre le péril  terroriste. Car selon lui, communiquer davantage et  communier avec les populations permet de dépolluer l'environnement des perceptions.

arm 2À cet effet, une nuit d'hommage aux morts, aux blessés, aux familles endeuillées et aux VDP sera organisée le 30 octobre. Elle sera présidée par le chef du gouvernement. Après la cérémonie de prise d'armes, il y aura des cérémonies funèbres d'abord à la place de la Nation puis au cimetière municipal de Gounghin le 2 novembre.

Sur la question relative à la sécurité nationale, le ministre assure que l'armée  se renforce de jour en jour en termes d'armement.  La flotte militaire a aussi été étoffée. arm 3De l'avis du général Aimé Barthélmy  Simporé, il importe faut que la Nation comprenne que la réponse militaire ne suffira pas à vaincre la violence terroriste. C'est pourquoi il faut impérativement adopter une approche plus globale et holistique permettant de développer d'autres réponses spécifiques, agrégées ensemble selon une vision politique et stratégique. Sur l'incident surrvenu à Pô entre un groupe militaires et des civils dans ce mois d’octobre, le ministre souligne que la situation s’est apaisée et qu’il y a eu des demandes de pardon dans ce sens. Toutefois, l'affaire est pendante en justice et c'est le procureur qui va donner à ce dossier  la suite judiciaire qu'il faut.

Barthélemy Paul Tindano

pnue uneLa situation sécuritaire à laquelle fait face le Burkina Faso provoque un déplacement massif de la population, principalement  vers les centres urbains. L'arrivée de ces personnes dans ces  zones augmente la demande vis-à-vis des services d'approvisionnement en eau potable, assurés par l'Office national de l'eau et de l'assainissement (ONEA) et les communes. Dans le but d'accompagner les pouvoirs publics pour relever le défi d'approvisionnement en eau potable, l'ONEA et un consortium d'ONG internationales,  notamment   Solidarités internationales, le Gret et le Groupe URD, ont initié le projet Nex'Eau, dont l'objectif est de renforcer la résilience des services publics d'eau potable en contexte de crise sécuritaire dans certaines communes des   régions du Nord et du Centre-Nord. Le lancement est intervenu ce mercredi 27 octobre à Ouagadougou à travers un atelier qui durera deux jours.

Les communes d'intervention de ce projet sont Titao, Ouahigouya, Oula et Séguénéga, dans la région du Nord, et Kongoussi, dans le Centre-Nord. Le projet vise spécifiquement à renforcer l'ONEA et les communes dans leur capacité à planifier, financer et coordonner les actions pour le maintien et le renforcement des services d'eau potable dans un contexte de crises sécuritaire et humanitaire. pnue 2En outre, maintenir et renforcer des services publics d'approvisionnement en eau potable en termes de couverture, d'organisation, de gestion et suivi technique, financier et commercial fait partie des objectifs, de même que suivre,  évaluer, capitaliser et diffuser les méthodologies développées et les leçons apprises en vue d'une potentielle réplication dans les principaux centres d'accueil des déplacés forcés au Burkina Faso. Selon Anselme Justin Kaboré,  représentant du ministre de l'Eau, l'un des défis que doit relever le Burkina Faso est sans nul doute l'accès à l'eau potable. Il félicite les porteurs du projet et invite les bénéficiaires à saisir cette occasion. << Cette cérémonie est une occasion pour moi d'encourager l'ONEA et les ONG porteuses d'initiatives et en même temps d'interpeller les maires et les populations des communes concernées sur le rôle important qu'ils doivent jouer dans la réussite et la mise en œuvre de ce projet>>, a dit M. Kaboré. pnue 3Le directeur général de l'ONEA, Frédéric Gandaogo Kaboré, a également appelé les différents acteurs à travailler ensemble pour de meilleurs résultats.  <<Afin d'atteindre les objectifs de ce projet, il est attendu de chacune des parties prenantes que nous sommes la disponibilité, la communication, la flexibilité des démarches et la collaboration à tous les niveaux. C'est forts de cela que l'ensemble des partenaires s'engagent à mutualiser leurs efforts pour l'atteinte des objectifs du projet Nex'Eau >>, a-t-il soutenu.

Selon le maire de la commune de Oula, Sidi Mahamady Savadogo, représentant les bénéficiaires, le projet vient à point nommé. <<La commune avait un grand besoin en eau potable. Avec l'arrivée massive des déplacés, ce besoin s'est exacerbé. Aujourd’hui, notre souhait le plus ardent, c'est d'avoir un appui en réalisation d'infrastructures hydrauliques, en sensibilisation et en compétence de gestion de ces ouvrages>>, a dit M. Ouédraogo. Le projet Nex'Eau comporte deux volets, à savoir "le projet Renforcement de la résilience des services publics d'eau potable en contexte de crise", financé par l'Agence française de développement (AFD), et "l'Activité Nexus", financée par l'Agence des Etats-Unis pour le développement (USAID).

Barthélemy Paul Tindano

pcess uneDébutées le mardi 26 octobre, les auditions des accusés dans l’affaire Thomas Sankara et 12 autres se sont poursuivies le mercredi 27 octobre 2021 à Ouagadougou au tribunal militaire. Accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat et d’assassinat, Yamba Élysée Ilboudo était à la barre pour la deuxième fois. Si l’accusé a reconnu hier « les faits », son avocate, Me Elise Marie Kaboré, l’a fait « plaider non coupable » ce mercredi car selon elle, « il n’a pas compris la question du juge ». Qu’à cela ne tienne, des informations sont sorties de la bouche de l’accusé.

Le deuxième jour d’audition de l’accusé Yamba Élysée Ilboudo s'est déroulé sur fond de troubles. D’abord l’avocate de l’accusé, Me Elise Marie Kaboré, a introduit un recours pour demander « une expertise médicale » sur son client car ce dernier, au dire de sa femme, parlerait seul souvent, donc souffrirait de troubles mentaux. L’avocate  a dit avoir relevé des incohérences dans les propos de son client d’hier à aujourd’hui mercredi. Ce dernier a en effet été évacué en France suite à un accident en 1989 et avait été « traumatisé ». Et quand on lui demande de donner des détails sur la présence ou non de Gilbert Diendéré au Conseil de l’entente le soir du 15 octobre 1987, le  sexagénaire répond : « Je ne me rappelle pas » ou « J’ai oublié ». Pourtant lors de l’instruction, il a déclaré au juge avoir « vu Gilbert Diendéré en tenue militaire tenant une réunion avec ses hommes sous un hangar ».

C’est sur la base de ces faits que la défense a introduit cette demande. « S’il le faut, qu'on fasse ausculter tous les accusés pour vérifier leur état psychique afin qu’on ne dise pas après ‘’on aurait pu …‘’ », a soutenu Me Olivier Somé de la défense. Après suspension de l’audience, le tribunal a rendu sa décision. « La requête de Me Elise Marie Kaboré est recevable mais injustifiée », a déclaré le président du tribunal, Me Urbain Meda. Les interrogatoires se sont donc poursuivis.

pcss uneUn fait a cependant retenu notre attention : l’accusé lui-même a plaidé « coupable » hier, car « il reconnaît les faits », mais son avocate, curieusement, a plaidé « non coupable » ce mercredi. Me Elise Marie Kaboré estime en effet que son client n’a pas compris la question du juge. « Il n’a même pas fait le CP1 », a affirmé l’avocate. Et de questionner son client : « Est-ce que vous avez tiré sur Thomas Sankara et ses compagnons ? » Réponse d’Elysée Ilboudo : « Non ». « Donc il plaide non coupable », s’est-elle empressée de faire remarquer,  tout en demandant que cela soit noté par le greffe. Dans la suite des auditions, les débats ont plus porté sur comment prouver qu’effectivement M. Yamba Elysée Ilboudo souffre de troubles mentaux. Le président du tribunal a recadré certains et clos les débats sur cette décision.

D’hier à aujourd’hui mercredi, des informations sont sorties de la bouche du premier accusé à la barre, Yamba Elysée Ilboudo, soldat de première classe, militaire-chauffeur au moment des faits. Du domicile de Blaise Compaoré au Conseil de l’entente, ce dernier a relaté les faits tels qu’il les a vus ou entendus. pcess 3C’est à bord de deux voitures : l’une conduite par lui-même et dans laquelle avaient pris place 5 personnes et l’autre au volant de laquelle était Hamidou Maïga qu’ils ont, si on se fie à sa version des faits, investi le Conseil de l’entente. Ils étaient au nombre de 8 et sous la direction de Hyacinthe Kafando. Une fois sur les lieux, la Sécurité les a laissés passer car la voiture conduite par Hamidou Maïga était celle de service de Blaise Compaoré. Ils ont cru que c’était le ministre de la justice de l’époque (Ndlr Blaise Compaoré) qui était à l’intérieur. Arrivés sur les lieux, les occupants dudit véhicule ont fait un arrêt au pied-à-terre de Blaise Compaoré avant de continuer dans l’enceinte du Conseil, où Hyachinte Kafando à bord avec Yamba Elysée Ilboudo a forcé le volant de celui-ci de sorte à le contraindre à percuter la porte du secrétariat du Conseil de l’entente. 4 à 5 mn après, Kafando et ses acolytes sont descendus de voiture et ont tiré en l’air dit-il. Elysée Ilboudo, lui, serait resté pendant tout ce temps dans la voiture endommagée. C’est alors que sont tombées les premières victimes : Walilaye Ouédraogo et Der Somda. Ensuite, le président Thomas Sankara, sorti les mains en l’air, a reçu une balle et s’est écroulé. « Quand les tirs ont cessé, Hyachinte Kafando m’a dit qu’on avait fini le travail », confie-t-il. Kafando a alors donné l’ordre de descendre éteindre le feu, de conduire trois autres soldats dans une chambre et de les rejoindre au domicile de Blaise Compaoré. Mais avant cela, Hyacinthe Kafando et Hamidou Maïga se sont empressés d’aller chercher Blaise Compaoré pour le conduire à la radio nationale. Dans son récit, l’accusé affirme n’avoir pas ou jamais utilisé une arme pour tirer, bien qu’il fût en possession d’un pistolet automatique (PA). Néanmoins, il a reconnu à la barre avoir peur. Peur pour sa famille et se retenir dans ses propos pour ne pas créer des troubles. C’est ainsi qu’a pris fin l’interrogatoire de Yamba Elysée Ilboudo. « De toute façon, à la lumière des déclarations de Yamba Elysée Ilboudo, on peut dire que le procès est fini. Toutes les vérités ont été dites. Tout ce qui viendra après ne sera qu’un plus », soutient Sinka Siriki, haut commandant des Forces armées populaires pendant la révolution, aujourd’hui à la retraite.

Le courage de Yamba Elysée Ilboudo a été salué par les avocats de la partie civile. « Vous êtes pratiquement le seul à avoir dit avec détail ce que vous avez vu et  fait », a conclu Me Prosper Farama.

C’est Idrissa Sawadogo qui est appelé à la barre le jeudi 28 octobre 2021 pour son audition.  Caporal au CNEC au moment des faits, il est accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat et d’assassinat.

Sié Mathias Kam

tind uneLe procès des assassins présumés de Thomas Sankara et de ses douze compagnons a véritablement pris son envol. Débuté le 11 octobre dernier, il a été renvoyé au lundi 25 octobre, où il a repris avec la lecture de l’arrêt de renvoi et les demandes de liberté provisoire formulées par les avocats de la défense, entre autres. L’audience de ce 26 octobre a débuté par les échanges sur la demande d’annulation de citation à comparaître de l’accusé Tondé Ninda dit Pascal formulée par son avocat, la projection d’éléments audios et vidéos pour situer les faits ainsi que l’audition du premier accusé, Yamba Elysée Ilboudo.

Débutée peu après 9h, l’audience de ce mardi a été́ suspendue quelques minutes. La raison ? Me Larousse Ollo Hien, avocat de la défense, notamment de l’accusé Tondé Ninda dit Pascal, alias Manga-Naaba, a déposé un mémoire unique aux fins de nullité́ de citation. Me Hien estime que son client doit être relaxé au motif que celui-ci, qui était initialement poursuivi pour subornation de témoin, se retrouve aujourd’hui accusé de recel de cadavres. Selon l’avocat, le parquet a aggravé le cas de son client ; mieux, ce dernier ne sait plus s’il est accusé ou prévenu. « C’est une violation grave de la défense », a-t-il lâché. Mais la partie civile, notamment Me Séraphin Somé, demande le rejet de ce mémoire. « Nous demandons le rejet sans difficulté de la demande de l’avocat de la défense. Que son client se prépare car le combat doit avoir lieu », a lancé l’homme en robe noire. Le parquet, quant à lui, pense qu’il n’y a aucune entorse à la procédure. A sa suite, le tribunal a rejeté la requête de la défense.

tind 2Place ensuite à la projection d’éléments audios et vidéos., en l’occurrence 7 extraits audios et vidéos. Suivant la chronologie, ce sont des éléments de moins de deux semaines après le 15 octobre où on écoute à travers les audios et regarde grâce aux vidéos, tour à tour, des processus d’explication aux populations des événements du 15 octobre 1987. Selon le parquet, ces éléments ont été choisis pour faire comprendre l’évolution des évènements de ce jeudi soir du 15 octobre 1987 et ainsi planter le décor pour les auditions.

Le premier accusé à la barre reconnaît les faits qui lui sont reprochés. Yamba Elysée Ilboudo, 62 ans, soldat de première classe, militaire-chauffeur au moment des faits, est accusé d’avoir, le 15 octobre 1987, volontairement donné la mort à Thomas Sankara et à 12 autres de ses compagnons. Il est aussi accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat courant août 1987. « Oui, je reconnais les faits », a-t-il affirmé à la barre. Et quand le président du tribunal lui demande d’être plus explicite, il déclare : « Un soldat a un chef. Il exécute les ordres de son chef. J’ai reçu l’ordre de mon chef Hyacinthe Kafando le 15 octobre. Il a hurlé mon nom avant de me dire : ‘’Elysée, on va au Conseil de l’entente (...)’’ Nous avons démarré du domicile de Blaise Compaoré », a narré l’accusé. A la suite de ses premières explications, l’accusé entre dans une « rétention ». A toutes les autres questions sur les faits qui se sont déroulés ce « jeudi noir » une fois qu’ils sont arrivés au Conseil de l’entente, il a répondu en clamant n’avoir aucunement pris part au forfait. Mieux, il soutient être resté tout le temps qu’a duré le coup d’Etat dans la voiture qu’il avait conduite et qui était endommagée après que son chef, Hyachinte Kafondo, l’a contraint à percuter la porte du secrétariat du Conseil de l’entente, car il avait, à ses dires, reçu l’ordre de ce dernier de ne pas descendre de voiture. tind 3« Je me suis tu et je regardais car si j’avais parlé, ils allaient me faire ce qu’ils ont fait au président Thomas Sankara ; donc j’étais dans la voiture et je regardais. Je ne savais pas qu’on partait faire un coup d’Etat, à plus forte raison ôter la vie à quelqu‘un», soutient l’accusé Yamba Elysée Ilboudo. Il précise néanmoins que les membres du commando étaient huit à bord de deux véhicules dont une que lui-même conduisait et l’autre au volant de laquelle était Hamidou Maïga. « J’ai vu le président Sankara sortir sans arme les mains en l’air et demander : ‘’Y’a quoi, qu’est-ce qui se passe ?’’ avant d’être atteint par une balle. Il est tombé sur les genoux puis sur le flanc gauche », confie-t-il. Avant Sankara, deux autres soldats avaient été froidement abattus. Il s’agit de Walilaye Ouédraogo et de Der Somda. Le dernier cité était le chauffeur de Thomas Sankara.

Reprenant la parole peu après 16h et demie à la fin des réquisitions de Me Ferdinand Nzepa de la partie civile, le président du tribunal a accepté d’accorder une liberté provisoire à 11 accusés. Seul Gilbert Diendéré reste en détention, parce que déjà condamné dans une autre affaire. Lundi dernier, tous les 11 accusés avaient introduit des demandes de libération, notamment pour des raisons de santé. Ils sont désormais libres de leurs mouvements, mais devront se présenter à l'audience tout au long du procès. Tous les 11 accusés, faut-il le rappeler, étaient en liberté jusqu’à 2 jours avant l’ouverture du procès, où ils ont été convoqués puis incarcérés à la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA). « Nous sommes déçus de cette décision du tribunal. Nous espérons que cela n’aura pas d’impact sur les auditions et qu’ils seront là pour toutes celles-ci », a clamé Me Nzepa. L’audition de Yamba Elysée Ilboudo reprend mercredi matin.

Sié Mathias Kam

ptsc uneLe procès sur l'affaire Thomas Sankara a repris ce lundi 25 octobre et c’est parti pour des mois. Au programme,  il y avait l'appel des témoins et  la lecture de l'arrêt de renvoi des accusés et prevenus. Il y a eu des points de discussion relatifs à la demande des avocats de la partie civile que les témoins qui ne sont au Burkina soient auditionnés par visioconférence. Une requête sur laquelle  la partie adverse avait émis des réserves, mais qui a en définitive été agréée par le tribunal. Un autre point de discussion fut  la demande de liberté provisoire pour les accusés et prévenus formulée par des avocats de la défense, demande que la partie civile rejette. A ce sujet, le parquet donnera sa décision à l'audience du mardi 26 octobre.

Les avocats de la défense ont demandé une liberté provisoire pour leurs clients, invoquant des raisons de santé ainsi que l'âge avancé des accusés et prévenus. C’est seulement pour le général Gilbert Diendéré, déjà condamné à 20 ans de prison dans l'affaire du coup d'Etat manqué de 2015, qu'il n'a pas été question de demande de liberté provisoire. Selon la défense,  il n’y a pas de risque que les accusés se soustraient à la justice, au regard de leur âge avancé. En plus, ont argumenté ses avocats, beaucoup d'entre eux sont malades et certains ont des charges familiales qui requièrent qu'ils soient à la maison. Mais pour les avocats des parties civiles, ces arguments ne tiennent pas la route. Selon eux, si on accorde la liberté provisoire aux accusés, un jour viendra où aucun des accusés et prévenus ne  se présentera à l'audience. ptsc 2Par ailleurs, s'ils ont des responsabilités familiales, c'est parce qu'ils sont en vie, ont poursuivi ces derniers, car les victimes du 15-Octobre auraient aussi voulu vivre pour s'occuper de leurs familles. Sur ce, le tribunal a pris la décision de se prononcer à l'audience du 26 octobre.  

Bien avant, le parquet avait arrêté la liste des témoins. Certains de ces témoins n'étant pas au Burkina Faso,  la partie civile a demandé qu'ils soient auditionnés par visioconférence. Une demande que le parquet a estimée impossible à satisfaire, car vouloir faire des audiences en visioconférence, ce serait enregistrer le procès alors qu'il n'est pas permis de le faire. En plus, d'après elle, le tribunal n'a pas les moyens de procéder à des auditions par visioconférence. Sur ce point,  la partie civile s'étonne qu'en ce 21e siècle on ne soit pas capable de faire des audiences par visioconférence ici alors que cela se fait ailleurs. Alors que même la loi, notamment l'article 119 du Code de justice militaire, le prévoit.

Quant aux avocats de la défense, ils se sont opposés à cette demande de la partie civile, invoquant le même article qui dispose que lorsqu’un témoin n'est pas présent, on peut passer outre. C’est sur ces divergences des différentes parties que le tribunal a suspendu l'audience pour se concerter.  A son retour, il a autorisé les audiences par visioconférence en précisant que cela serait diligenté par le ministère de la Défense nationale et des Anciens Combattants. Quant aux témoins,  le tribunal les a autorisés à rentrer en donnant des consignes sur le programme de passage de chaque témoin. Selon le tribunal, il y aura cinq témoins par jour à la barre L'audience reprend ce mardi 26 octobre à 9h.

Barthélémy Paul Tindano

  1. Les Plus Récents
  2. Les Plus Populaires
  1. Articles vedettes