Le procès Thomas Sankara a repris ce mardi 2 octobre 2021, à la salle d’audience délocalisée de Ouaga 2000. L'interrogatoire de l'accusé Nabonsseouindé Ouédraogo s’est poursuivi. La parole est revenue à la partie civile en début d'audience. L’accusé soutient n’avoir pas participé à l’attaque contre Sankara. Ce soldat de 1re classe confie s’être abrité de 16h à 9h du matin dans une piscine au moment de l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons. Le sergent en service au CNEC au moment des faits, Bossobé Traoré, lui a succédé à la barre. Il est le seul de la garde rapprochée du président Thomas Sankara à être mis en accusation. On peut retenir que les déclarations de ces deux accusés ont été les plus floues depuis le début du procès.
Nabonsseoindé Ouédraogo à la barre. Un accusé qui a nié presque toutes ses déclarations devant le juge d’instruction et dont les propos devant le tribunal sont jugés « peu cohérents » par les avocats de la partie civile. En effet, des contradictions ont été observées sur certaines de déclarations de l’accusé en présence de son avocat. « Ce jour-là (ndlr le 15 octobre 1987), Hyacinthe Kafando, est arrivé au Conseil de l’entente vers 15h. Il est monté à l’étage. Environ 1h après, il est redescendu et a pris la direction du secrétariat. Peu après, il y a eu des tirs qui se sont généralisés. J'ai entendu un coup qui est celui d'une DCA (Défense contre l'aviation) peu après 30mn du début des tirs. Quand j’ai entendu les tirs, j’ai cherché un refuge dans une piscine située à 20 mètres de mon lieu de poste de garde (le poste 520) avec mes trois collègues », explique l’accusé Nabonsseouindé Ouédraogo. Il précise être resté dans cette cachette jusqu’au petit matin à 9h car les tirs n’avaient pas totalement cessé. « Le matin quand je suis sorti de la cachette, j'ai rallié le domicile de Blaise Compaoré sans demander un quelconque renseignement à un frère d'armes. C'est du domicile de Blaise que j'ai appris ce qui s'était passé », ajoute-t-il. Il poursuit après insistance du président du tribunal : « C'est Hyacinthe Kafando qui m'a informé de l'assassinat du président Thomas Sankara et ce n'était plus un secret ». Suite à ces déclarations, la partie civile, par l’entremise de Me Prosper Farama, s’est interrogée : « Comment un commando juste après le départ de ses chefs, entend des tirs mais ne court pas à la rescousse de ces derniers mais cherche un refuge. Mieux il reste dans sa cachette jusqu'à 9h pour ensuite aller retrouver ses mêmes chefs en danger le lendemain au domicile de Blaise Compaoré ? Comment étiez-vous sûr de les retrouver au domicile de Blaise Compaoré ? » L'accusé réplique qu'un soldat en cas de coup de feu doit chercher un refuge, être prudent. « Non seulement vous vous contredisez, mais il n’y a pas de cohérence dans ce que vous dites », réplique Me Farama à l’accusé. « Soit vous mentez, et vous mentez mal, soit c’est un manque de respect », a poursuivi l’avocat, après avoir relevé plusieurs contradictions dans les réponses fournies par l’accusé. « Vous essayez de vous défendre mais votre stratégie de défense est bancale », conclut Me Farama. Pour le moment, c’est le seul accusé qui, contrairement aux autres, faisait partie du service de sécurité de Thomas Sankara.
Le sergent Bossobé Traoré est accusé de complicité d’assassinat et de complicité d’attentat à la sûreté de l’État. A la barre, il a indiqué qu’il était de garde le 15 octobre 1987 au Conseil de l’entente. « Au moment où le commando est venu, j’étais posté avec deux autres militaires à l’arrière du bâtiment où Thomas Sankara tenait une réunion. Des hommes cagoulés sont venus nous dire ‘’haut les mains’’. Il y a un de ces hommes Arzoma Otis Ouédraogo qui nous a désarmés. Puis, il nous a fait coucher à plat ventre. A l’aide de son fusil à pompe, il a d’abord tiré sur mes deux collègues avant de m’avoir au bras. J’ai ensuite pris la fuite et il a tiré une deuxième fois à terre. J’ai vu la poussière qui s’élevait. Arrivé à la porte du secrétariat, il a tiré une deuxième fois mais c’est la porte qu’il a touchée. C’est ainsi que j’ai pu m’échapper. C’est des étudiants que j’ai vu dehors qui m’ont secouru avant qu’une dame ne m’envoie à l’hôpital Yalgado. Et de là-bas j’ai été évacué en France pour de meilleurs soins », retrace le sergent Bossobé Traoré. Là encore la partie civile s’interroge : « Comment quelqu’un qui a voulu attenter à votre vie peut vous envoyer en France pour des soins ? » ; « comment un commando tireur d’élite a pu vous rater par trois fois ? » ; « comment il a pu avoir vos collègues qui étaient juste à côté de vous et vous il ne vous a eu qu’au bras ? Ces étudiants n’ont-ils pas entendu des tirs pour se réfugier au lieu de trainer par là ? » A toutes ces questions, les réponses de l’accusé n’ont pas convaincu la partie civile. Et Me Prosper Farama de conclure: « On devrait vous appeler Bossobé Traoré la chance ».
L'audience reprend demain mercredi toujours avec l'interrogatoire de Traoré Bossobé. La parole sera à la défense.
Sié Mathias Kam