Le procès Thomas Sankara et 12 autres a repris ce mercredi 3 novembre au tribunal militaire, délocalisé pour la circonstance dans la salle des banquets de Ouaga 2000. Aujourd’hui, c’était au tour de la défense de prendre la parole pour poser ses questions à son client Bossobè Traoré. Faut-il le rappeler, le sieur Traoré est accusé de complicité de coup d’État et de complicité d’atteinte à la sûreté de l’État. De l’avis de la partie civile, c’est lui la taupe qui aurait fourni tous les renseignements nécessaires au commando qui a assassiné Thomas Sankara et ses compagnons ce jeudi noir du 15 octobre.
La partie civile ne conçoit pas que le commando Arzouma Otis Ouédraogo, qui avait dans sa ligne de mire Bossobè Traoré, n’ait pu l’atteindre qu’au bras. Mieux, elle ne s’explique pas le fait que l’accusé ait été par la suite évacué en France pour de meilleurs soins par ceux-là mêmes qui voulaient attenter à sa vie. Pour l’accusé, « il serait devenu un héros s’il était mort » mais comme il est vivant, on le traite de « traître ».
Selon lui, le type de fusil utilisé par le commando Arzouma Otis Ouédraogo est un fusil à pompe. Le parquet fait remarquer que ce type de fusil a des balles de type chevrotine (munition composée de grenaille de plomb).Ce sont des fusils de calibre 12-76mm. L’accusé est catégorique : c’est l’arme qu’a utilisée « Otis » pour abattre ses collègues Der Somda et Abdoulaye Gouem et lui tirer sur le bras. Pourtant, le parquet a affirmé que selon l’expertise balistique, les balles retrouvées sur les corps de Der Somda et Abdoulaye Gouem étaient de calibre 7-62mm. « Un fusil à pompe ne peut pas tirer une balle de calibre 7-62mm. Seuls les fusils d’assaut de type kalachnikov ou des fusils HK G3. Donc ce n’est pas un fusil à pompe que tenait Otis », a déclaré le parquet. Il a également fait remarquer que le rapport du Centre national d’entraînement commando (CNEC) dressé par Bossobé Traoré montre clairement qu’il a été touché au coude par une balle qui lui a traversé tout l’avant-bras et est ressorti à la main droite. Pourtant, l’accusé maintient qu’il a été blessé alors qu’il était couché au sol avant de prendre la fuite. Pour le parquet, cette version n’est pas plausible car étant à plat vendre, le tir ne saurait avoir son bras puis sortir par sa paume, selon toute vraisemblable, le tir a été effectué de dos.
Pour la défense ce matin, l’évacuation de Bossobè Traoré n’avait rien d’exceptionnelle. De plus, pour l’avocate de l’accusé, Me Maria Kanyili, il n’était pas de mèche avec ceux qui ont perpétré le coup d’État comme le laisse entrevoir la partie civile. Me Maria Kanyili a fait des observations à la suite de son interrogatoire : « Il n'est pas le seul survivant. Ses deux chefs, à savoir Laurent Ilboudo et Drissa Sow, sont vivants et ils n'ont rien eu pendant l'attaque. Il n'avait pas de moyen personnel de communication, mis à part une Motorola qui était l'apanage de ses chefs. S'il était informé du coup d'État et qu'il avait fourni les informations comme les autres le prétendent, il ne serait pas allé au service ce jour-là mais aurait trouvé un motif pour s’absenter. Son évacuation en France a suivi toutes les procédures normales et un ordre a même été signé par le ministre de la Santé d'alors. Il n'a pas bénéficié de largesses pour être évacué en France. Il était le seul blessé. C'est en 2004 qu'il a été indemnisé à la suite de la Journée du pardon avec bien d'autres ». C’est ainsi que prit fin l’audition de Bossobé Traoré.
A la demande de Me Victoria Nébié, l’audience a été suspendue et reprend demain jeudi à 9h par l’interrogatoire du médecin-militaire Alidou Jean Christophe Diembré, directeur central du service de santé des forces armées populaires au moment des faits.
Sié Mathias Kam