Débutées le mardi 26 octobre, les auditions des accusés dans l’affaire Thomas Sankara et 12 autres se sont poursuivies le mercredi 27 octobre 2021 à Ouagadougou au tribunal militaire. Accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat et d’assassinat, Yamba Élysée Ilboudo était à la barre pour la deuxième fois. Si l’accusé a reconnu hier « les faits », son avocate, Me Elise Marie Kaboré, l’a fait « plaider non coupable » ce mercredi car selon elle, « il n’a pas compris la question du juge ». Qu’à cela ne tienne, des informations sont sorties de la bouche de l’accusé.
Le deuxième jour d’audition de l’accusé Yamba Élysée Ilboudo s'est déroulé sur fond de troubles. D’abord l’avocate de l’accusé, Me Elise Marie Kaboré, a introduit un recours pour demander « une expertise médicale » sur son client car ce dernier, au dire de sa femme, parlerait seul souvent, donc souffrirait de troubles mentaux. L’avocate a dit avoir relevé des incohérences dans les propos de son client d’hier à aujourd’hui mercredi. Ce dernier a en effet été évacué en France suite à un accident en 1989 et avait été « traumatisé ». Et quand on lui demande de donner des détails sur la présence ou non de Gilbert Diendéré au Conseil de l’entente le soir du 15 octobre 1987, le sexagénaire répond : « Je ne me rappelle pas » ou « J’ai oublié ». Pourtant lors de l’instruction, il a déclaré au juge avoir « vu Gilbert Diendéré en tenue militaire tenant une réunion avec ses hommes sous un hangar ».
C’est sur la base de ces faits que la défense a introduit cette demande. « S’il le faut, qu'on fasse ausculter tous les accusés pour vérifier leur état psychique afin qu’on ne dise pas après ‘’on aurait pu …‘’ », a soutenu Me Olivier Somé de la défense. Après suspension de l’audience, le tribunal a rendu sa décision. « La requête de Me Elise Marie Kaboré est recevable mais injustifiée », a déclaré le président du tribunal, Me Urbain Meda. Les interrogatoires se sont donc poursuivis.
Un fait a cependant retenu notre attention : l’accusé lui-même a plaidé « coupable » hier, car « il reconnaît les faits », mais son avocate, curieusement, a plaidé « non coupable » ce mercredi. Me Elise Marie Kaboré estime en effet que son client n’a pas compris la question du juge. « Il n’a même pas fait le CP1 », a affirmé l’avocate. Et de questionner son client : « Est-ce que vous avez tiré sur Thomas Sankara et ses compagnons ? » Réponse d’Elysée Ilboudo : « Non ». « Donc il plaide non coupable », s’est-elle empressée de faire remarquer, tout en demandant que cela soit noté par le greffe. Dans la suite des auditions, les débats ont plus porté sur comment prouver qu’effectivement M. Yamba Elysée Ilboudo souffre de troubles mentaux. Le président du tribunal a recadré certains et clos les débats sur cette décision.
D’hier à aujourd’hui mercredi, des informations sont sorties de la bouche du premier accusé à la barre, Yamba Elysée Ilboudo, soldat de première classe, militaire-chauffeur au moment des faits. Du domicile de Blaise Compaoré au Conseil de l’entente, ce dernier a relaté les faits tels qu’il les a vus ou entendus. C’est à bord de deux voitures : l’une conduite par lui-même et dans laquelle avaient pris place 5 personnes et l’autre au volant de laquelle était Hamidou Maïga qu’ils ont, si on se fie à sa version des faits, investi le Conseil de l’entente. Ils étaient au nombre de 8 et sous la direction de Hyacinthe Kafando. Une fois sur les lieux, la Sécurité les a laissés passer car la voiture conduite par Hamidou Maïga était celle de service de Blaise Compaoré. Ils ont cru que c’était le ministre de la justice de l’époque (Ndlr Blaise Compaoré) qui était à l’intérieur. Arrivés sur les lieux, les occupants dudit véhicule ont fait un arrêt au pied-à-terre de Blaise Compaoré avant de continuer dans l’enceinte du Conseil, où Hyachinte Kafando à bord avec Yamba Elysée Ilboudo a forcé le volant de celui-ci de sorte à le contraindre à percuter la porte du secrétariat du Conseil de l’entente. 4 à 5 mn après, Kafando et ses acolytes sont descendus de voiture et ont tiré en l’air dit-il. Elysée Ilboudo, lui, serait resté pendant tout ce temps dans la voiture endommagée. C’est alors que sont tombées les premières victimes : Walilaye Ouédraogo et Der Somda. Ensuite, le président Thomas Sankara, sorti les mains en l’air, a reçu une balle et s’est écroulé. « Quand les tirs ont cessé, Hyachinte Kafando m’a dit qu’on avait fini le travail », confie-t-il. Kafando a alors donné l’ordre de descendre éteindre le feu, de conduire trois autres soldats dans une chambre et de les rejoindre au domicile de Blaise Compaoré. Mais avant cela, Hyacinthe Kafando et Hamidou Maïga se sont empressés d’aller chercher Blaise Compaoré pour le conduire à la radio nationale. Dans son récit, l’accusé affirme n’avoir pas ou jamais utilisé une arme pour tirer, bien qu’il fût en possession d’un pistolet automatique (PA). Néanmoins, il a reconnu à la barre avoir peur. Peur pour sa famille et se retenir dans ses propos pour ne pas créer des troubles. C’est ainsi qu’a pris fin l’interrogatoire de Yamba Elysée Ilboudo. « De toute façon, à la lumière des déclarations de Yamba Elysée Ilboudo, on peut dire que le procès est fini. Toutes les vérités ont été dites. Tout ce qui viendra après ne sera qu’un plus », soutient Sinka Siriki, haut commandant des Forces armées populaires pendant la révolution, aujourd’hui à la retraite.
Le courage de Yamba Elysée Ilboudo a été salué par les avocats de la partie civile. « Vous êtes pratiquement le seul à avoir dit avec détail ce que vous avez vu et fait », a conclu Me Prosper Farama.
C’est Idrissa Sawadogo qui est appelé à la barre le jeudi 28 octobre 2021 pour son audition. Caporal au CNEC au moment des faits, il est accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat et d’assassinat.
Sié Mathias Kam