Insécurité au Sahel : Analyse de l’évolution de la situation par Yehia Ag Mohamed Ali, chercheur
La situation sécuritaire au Sahel se dégrade chaque jour un peu plus. Une semaine après la mort d’Abdelmalek Droukdel, chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), l'armée ivoirienne a subi une lourde perte (12 militaires tombés) lors d'une attaque armée présumée terroriste. L’Union africaine (UA) prévoit de déployer 3 000 hommes au Sahel pour lutter contre le terrorisme. Radars Info Burkina a pris contact avec Yehia Ag Mohamed Ali, chercheur à l'Institut de veille et d'études des relations internationales et stratégiques (IVERIS), pour avoir sa lecture de l’évolution de la situation sécuritaire au Sahel.
Selon le chercheur à l'IVERIS, la mort d'un chef terroriste est toujours planifiée et la question de sa succession réglée. « La mort de Droukdel aura peut-être des répercussions sur la capacité de son successeur à fédérer les katibas, mais la ligne d’AQMI restera », a-t-il poursuivi. Les autorités maliennes avaient annoncé l’ouverture d’un dialogue avec les chefs terroristes maliens Iyad Ag-Ghali et Amadou Koufa, dirigeants des groupes affiliés à Al-Qaïda. Quelles peuvent être les conséquences de la mort de Droukdel sur d'éventuelles négociations entre le gouvernement malien et les groupes terroristes ? A cette question, voici ce qu’a répondu Yehia Ag Mohamed Ali : « Les négociations n'ont jamais réellement démarré. »
En ce qui concerne l’attaque armée présumée terroriste à Kafolo, en Côte d’Ivoire, dans la nuit du 10 au 11 juin, M. Yehia affirme : « Elle est illogique d’après ce que je sais du mode opératoire des djihadistes. La zone est isolée et il n'y a pas une continuité territoriale avec leurs zones de repli». Et d’ajouter : « Il est possible que ce soit un coup de semonce pour des personnes se livrant à l'orpaillage et qui refusent de payer la Zakat, alors que ces groupes ont favorisé leur implantation. C’est une hypothèse. »
Quant au déploiement de 3 000 soldats au Sahel par l’UA, le chercheur a soutenu que cela relève plus de la communication que d'une action planifiée, puisque l’annonce en a été faite à plusieurs reprises. « Qui va fournir les troupes ? Qui va payer les équipements, les salaires et pour le fonctionnement ? Où seront-ils déployés ? Quel sera leur mandat ?» s’est-il interrogé.
La rivalité meurtrière entre le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) et l'Etat islamique au grand Sahara (EIGS), les deux principaux groupes terroristes au Sahel, se poursuit, selon certaines informations. Mais le chercheur relève une accalmie entre le GSIM et l’EIGS. « Je crois que la répartition de l’espace se fera suivant le rapport de force dans les différentes zones. Le GSIM a exclu l’EIGS des zones où il est en position de force et vice versa », a-t-il conclu.
Aly Tinto