dimanche 24 novembre 2024

logue UNELe Burkina Faso enregistre  1950 cas de coronavirus, dont 56 décès, depuis mars 2020. Malheureusement, on constate ces derniers temps un relâchement  de la population en matière de respect des mesures barrières. Par exemple, 189 énarques ont été testés positifs à la COVID-19 le 11 septembre à Bobo-Dioulasso. Radars Info Burkina a tendu son micro au chef du département de la Santé, le Pr Claudine Lougué, pour savoir les actions majeures entreprises par le Burkina dans le cadre de la riposte à la COVID-19 ainsi que ce qui est fait  pour rappeler la pertinence des consignes sanitaires préconisées par les spécialistes de la santé.

La COVID-19 étant au départ une urgence sanitaire, le Burkina  a mis en place une équipe médicale pour rédiger et finaliser un plan de riposte. « Dès que notre pays a été touché par  la pandémie, avec l’identification des deux premiers cas le 9 mars, nous avons réquisitionné des agents de santé et  un hôpital de 500 lits environ (NDLR : Le Centre hospitalier universitaire de Tengandogo), comportant pratiquement toutes les spécialités, qui a été réfectionné et mis aux normes afin de permettre la prise en charge des malades de la COVID-19. Les agents de santé ont été également formés », a tenu à préciser d’entrée de jeu le Pr Claudine Lougué.

En outre, un état d’alerte sanitaire a été institué sur l’ensemble du territoire national comme le prévoyait la loi organique. Pour permettre aux citoyens de se renseigner, un numéro vert a été créé, à savoir le 3535. La surveillance épidémiologique a par ailleurs été renforcée aux points d’entrée et des mesures barrières ont été édictées,  dont le port du masque, le lavage des mains, la désinfection et des conseils de distanciation. « Nous avons renforcé la capacité des agents de santé en matière de diagnostic de laboratoire, de prise en charge, de contrôle et de prévention de l’infection. Le Burkina a suscité un engouement de tous  ses chercheurs tant au niveau national qu’international. Des chercheurs au niveau national et de la diaspora se sont organisés en visioconférence et ont donné des orientations pour la prise de décisions », a ajouté la ministre de la Santé.

Une  communication a été également développée, même s’il existait déjà des actions d’information et de communication pour le changement de comportement parmi les activités du ministère.    « Nous avons intensifié ce volet. Le pays a suscité d’emblée l’engagement communautaire  pour accompagner toutes ces actions et décidé du confinement des voyageurs pour éviter les cas importés avant que ceux-ci ne deviennent communautaires », a-t-elle expliqué.

lougn 2Il y a aussi le renforcement des capacités des agents pour les protéger. « Le chef de l’Etat n’a cessé de nous dire de protéger les agents de santé de première ligne. C’est ce que nous avons essayé de faire, bien qu’il y ait eu des insuffisances. Nous nous sommes efforcés de les corriger au fur et à mesure », a souligné le Pr Lougué.

Sur le plan socio-économique, le gouvernement a instauré un couvre-feu. Il a  décidé, sur les conseils avisés de chercheurs en matière de santé, de la mise en quarantaine de certaines villes où des cas avaient été identifiés. Le Burkina Faso, à l’instar des autres pays, a aussi procédé à la fermeture des frontières, à la suspension des transports interurbains, à l’interdiction des rassemblements de plus de 50 personnes.

« Dans le respect des mesures barrières, nous avons eu l’engagement très fort des communautés religieuses et coutumières,  qui ont décidé de fermer les lieux de culte, de mettre en place des dispositifs de lavage des mains et de sensibiliser les populations à la COVID-19. Donc cet engagement a été important pour contenir la maladie. C’est le lieu vraiment de les remercier», a-t-elle relevé.

Toutes ces mesures ont été couronnées par la grande mobilisation au niveau national suite à l’appel à la solidarité du président Roch Marc Christian Kaboré le 2 avril. « Tout cela   a contribué à nous amener au résultat d’étape que nous avions connu avant qu’il y ait un semblant de rebond du fait  de certaines attitudes de relâchement », a ajouté le Pr Lougué.

Selon la ministre, jusqu’au mois d’août le nombre de cas confirmés avait drastiquement baissé, mais il est remonté en fin août en raison du relâchement dans le respect des mesures édictées par son département et non à cause de la réouverture des frontières aéroportuaires, « parce que  nous avons pu contrôler les choses à ce niveau».

La ministre de  la Santé a précisé que selon certaines études, 95% de la population avait une bonne connaissance des mesures barrières. « Mais lorsqu’on interrogeait certaines femmes, il y a seulement 30% qui affirmaient avoir des difficultés pour l’application de ces mesures barrières du fait de certaines contraintes de la vie », a-t-elle indiqué. Et d’ajouter que les mesures sont certes contraignantes, au regard de nos habitudes sociales, mais c’est le prix à payer pour pouvoir ensemble contrôler la transmission communautaire de la maladie. « Il faut que chacun s’y mette», a-t-elle conseillé.

Les chiffres qui incitaient à l’optimisme  pourraient  également expliquer ce relâchement de la population. «Aujourd’hui, la psychose a fait place à un sentiment d’assurance d’autant plus qu’il y a des moments où nous avions publié zéro cas après avoir  dépisté une centaine de personnes.  Les gens ont de l’assurance et se disent que la maladie est derrière nous. En plus, le fait de connaître un peu plus la maladie, de pouvoir faire en sorte que les cas graves ne soient plus fréquents et que la mortalité baisse a fait que les gens   ont vraiment pris de l’assurance et ont commencé à laisser tomber les mesures barrières », a expliqué la ministre de la Santé.

Les plus exposées, ce sont les personnes vulnérables. C’est pourquoi la ministre de la Santé lance un appel auxdites personnes au respect des mesures barrières. Les populations doivent protéger ces personnes en respectant également les mesures barrières.

Enfin, la sensibilisation doit se faire continuellement. «Le ministère de la Santé continue à mener des actions à travers des affiches, des flyers, etc., pour que cet engagement communautaire soit maintenu », a-t-elle affirmé.

A l’en croire, il a été demandé à des communautés coutumières de prononcer des messages à l’endroit des populations pour que « nous nous ressaisissions, vu le relâchement des mesures barrières constaté ces derniers temps,  et que nous  les respections intégralement », a-t-elle conclu.

Aly Tinto

agrUne coalition d'une trentaine d'organisations de la société civile et d'ONG réunies autour du Secrétariat permanent des organisations non gouvernementales (SPONG), du Balai citoyen, de la Confédération paysanne du Faso et de l'Association des femmes juristes du Burkina, avec le soutien d’Oxfam, s'est engagée dans une campagne de plaidoyer pour réduire les inégalités au Burkina. Celle-ci vise à influencer les candidats à l'élection présidentielle de novembre 2020 à travers un engagement public à réduire les inégalités s'ils sont élus. Après sa tournée de plaidoyer auprès des candidats déclarés, la coalition Agir contre les inégalités a tenu un point de presse ce mercredi 23 septembre à Ouagadougou pour présenter le manifeste. La cérémonie de signature des engagements publics aura lieu le vendredi 25 septembre dans la capitale burkinabè.

Selon cette coalition, qui milite pour que « nul ne soit laissé sur le bord du chemin »,  au Burkina Faso les inégalités sont bel et bien réelles et touchent, entre autres, les secteurs économiques, politiques ainsi que ceux sociaux, à savoir l’éducation, la santé, l’accès à l’eau potable, à l’alimentation et au logement. Ces inégalités affectent les Burkinabè différemment, selon qu’ils sont femmes ou hommes, jeunes ou adultes, ruraux ou citadins. 

Sur le plan économique, les 20% les plus aisés concentrent 44% des revenus, tandis que 80% de la population se disputent les 56% restants. Dans les zones rurales, 47,5% de la population vit encore en dessous du seuil de pauvreté, contre seulement 13,7% en milieu urbain. De même, les disparités géographiques en matière de réduction de la  pauvreté persistent. S’agissant de la santé, la répartition et l’accessibilité physique des services montrent que la plupart des services n’atteignent que les populations urbaines et les classes le plus nanties.

Dans le domaine de l’éducation, alors que les régions comme le Nord, le Plateau central et les Hauts-Bassins enregistraient des taux bruts de scolarisation primaire de plus de 100% sur la période 2018-2019, seulement 82,3% des enfants dans la région du Sud-Ouest, 61,9% dans la région de l’Est et 28,2% dans le Sahel étaient scolarisés au primaire. Sur le plan politique, la participation citoyenne aux sphères de prise de décisions des femmes, des jeunes, des personnes vivant avec un handicap reste faible. Les jeunes de 18 à 35 ans ne constituaient que 20% des élus locaux en 2016 alors qu’ils représentent plus de 30% de la population totale du Burkina.

agr 2« Ces inégalités, qui sont loin d’être exhaustives, risquent de s’amplifier avec les crises climatique, alimentaire, sanitaire liée à la COVID-19, sécuritaire et humanitaire dont notre pays est l’objet et si des réformes conséquentes dans nos politiques publiques ne sont pas entreprises par nos décideurs », a affirmé Sylvestre Tiemtoré, le coordonnateur du SPONG, membre de la coalition Agir contre les inégalités.

C’est ainsi qu’est née cette campagne qui vise à influencer les candidats à l’élection présidentielle du 22 novembre à travers un engagement public à réduire les inégalités s’ils sont élus.

La campagne de plaidoyer a concerné 10 candidats déclarés (et ou leurs représentants) capables de remporter les élections ou de faire des coalitions importantes pour gouverner. Il s’agit de Roch Marc Christian Kaboré, de Zéphirin Diabré, du Pr Abdoulaye Soma, de Kadré Désiré Ouédraogo, d’Eddie Komboïgo, de Yeli Monique Kam, de Maître Gilbert Ouédraogo, de Yacouba Isaac Zida, de Tahirou Barry et de Maître Ambroise Farama.

Il s’agira pour ces prétendants à la magistrature suprême d’intégrer des mesures et des recommandations proposées par la coalition dans leurs programmes de société.

agr 3Il leur est demandé, entre autres, d’affecter 30% du budget national à l’éducation publique, d’appliquer les textes de l’Etat rendant l’école obligatoire jusqu’à 16 ans, d’affecter au moins 15% du budget national au financement d’un service de santé publique gratuit, permanent, universel et de qualité, de rendre opérationnelle l’assurance maladie universelle en l’élargissant à toutes les régions du Burkina, d’avoir une attention sur les politiques fiscales plus progressives pour que l’effort budgétaire soit équitablement réparti, de renforcer la protection des droits du travail et l’adoption des politiques favorisant un marché du travail inclusif, digne et de qualité, en particulier aux femmes et aux jeunes, d’affecter au moins 10% du budget national au soutien du secteur agricole et d’injecter 18 milliards de francs CFA par an pendant 5 ans dans l’acquisition d’intrants et d’équipements agricoles et zootechniques, d’opérationnaliser la loi portant accès à l’information, de positionner les organisations de femmes et de jeunes dans les instances politiques et techniques des cadres sectoriels de dialogue du référentiel national public par la prise de décret et de nommer les femmes (30%) et les jeunes (30) à des postes stratégiques et de décision.

A l’issue de la tournée, « beaucoup ont déclaré être en phase avec les préoccupations et nous les avons conviés à une cérémonie de signature d’engagement public qui aura lieu  le 25 septembre au Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO)», a confié Sylvestre Tiemtoré.

Pour s’assurer que ces candidats respecteront leur engagement, la coalition n’a pour moyen que les médias. « Nous attendons des journalistes qu’ils soient nos yeux et nos oreilles et les yeux de la société pour que lorsque ces candidats vont venir s’engager le 25 septembre, ils relayent l’information afin que les communautés sachent que ces candidats qui prétendent à la magistrature suprême se sont engagés à se préoccuper des souffrances que ces populations vivent tous les jours », a expliqué M. Tiemtoré.

 

Aly Tinto

  

nitaire uneLa ministre de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire, Laurence Ilboudo/Marchal, a fait aux journalistes ce  mardi 22 septembre 2020 le point de la situation humanitaire et de la réponse y apportée par le gouvernement burkinabè. Cette situation humanitaire, faut-il le rappeler, est marquée par des déplacements massifs de populations consécutifs à la dégradation de la situation sécuritaire, d’une part, et d’autre part par la question des personnes sinistrées suite aux catastrophes naturelles, notamment les inondations. C’était au Service d’information du gouvernement (SIG).

A la date du 8 septembre 2020, le Burkina Faso enregistrait 1 034 609 personnes déplacées internes (PDI). Elles sont constituées de 16,72% d’hommes, 22,9% de femmes et 60,38% d’enfants répartis dans 112 420 ménages. Ces PDI sont présentes dans 257 communes à travers toutes les 13 régions du pays avec une forte concentration dans les régions du Centre-Nord, du Sahel, du Nord, de l’Est et de la Boucle du Mouhoun. Pour ce qui concerne la réponse du gouvernement dans le cadre de la gestion des PDI, 9 439 ménages ont bénéficié de kits d’articles ménagers  essentiels et 4 147 autres ont reçu des abris d’urgence.

Au niveau eau, hygiène et assainissement, 185 180 personnes ont bénéficié d’un accès à l’eau potable, 86 940 personnes ont eu accès à des latrines fonctionnelles. En matière d’éducation, 152 392 enfants non scolarisés âgés de 3 à 17 ans touchés par la crise ont eu accès à l’éducation de base formelle ou non formelle. Sur le plan nutritionnel, 64 318 enfants  de 6 à 59 mois souffrant de malnutrition aiguë sévère ou modérée ont été pris en charge. 187 870 enfants ont bénéficié de soutien psychosocial dans des espaces amis des enfants et autres espaces sécurisés. nitaire 21623 femmes et filles ont été prises en charge sur le plan des violences basées sur le genre (VBG). 20 000 PDI ont bénéficié de Cartes nationale d’identité burkinabè (CNIB) délivrées gratuitement à Titao, Kaya et Dori.  30 000 PDI et populations hôtes ont bénéficié de jugements supplétifs délivrés gratuitement dans les régions du Centre-Nord, du Nord et du Sahel.   

Sur le plan de la sécurité alimentaire, 1 136 970 personnes ont bénéficié d’une aide alimentaire d’urgence et en matière de santé, 740 594 personnes ont bénéficié de soins de santé. Selon Laurence Ilboudo/Marchal, toutes ces actions ont été possibles grâce aux efforts de l’Etat, soutenu en cela par les partenaires humanitaires.

S’exprimant sur la situation des PDI dans la ville de Ouagadougou, la ministre a affirmé que les grandes agglomérations comme Ouagadougou et Bobo-Dioulasso ne peuvent pas être des zones d’accueil et cela, pour des raisons sécuritaires. « Ces PDI sont dans une situation précaire, nous allons discuter avec elles et leur demander de rejoindre les sites où on peut les prendre en charge. Ce n’est pas une obligation, mais je ne viendrai pas en assistance à ces personnes qui refuseront d’y aller. Maintenant, il faut que chacun prenne ses responsabilités », a-t-elle martelé.

Des agents de l’Action humanitaire ont été accusés de détournement de vivres dans le cadre de la prise en charge des personnes vulnérables.  «Mes services des inspections sont allés faire le constat des cas de détournement. Ils ont produit des rapports à ce sujet. Je ne vais pas accuser mes agents pour faire plaisir à quelqu’un. Je n’ai pas de preuves qu’un agent a détourné des vivres. Mais si vous, les journalises, avez des preuves qu’un agent du ministère de l’Action humanitaire a détourné des vivres, apportez-les-moi et ce dernier répondra de ses actes devant la loi », a rétorqué la première responsable de l’Action humanitaire.

nitaire 3A l’en croire, souvent ce sont les PDI elles-mêmes qui revendent leurs vivres à des boutiquiers. Des vents violents et des cas d’inondations ont affecté l’ensemble des 13 régions et ce, depuis avril 2020. A la date du 18 septembre, 106 228 personnes sinistrées avaient été recensées, soit 17 705 ménages, dont 50 052 personnes très vulnérables ayant besoin d’une assistance d’urgence. On déplore également 112 blessés, 41 décès, 12 378 maisons d’habitation détruites, des pertes d’animaux, plus de 500 tonnes de vivres détruits, des hectares de champs inondés. 116 communes dans 36 provinces sont touchées par cette situation.    Dans le souci d’apporter une réponse prenant en compte les secteurs prioritaires, le gouvernement, qui a déclaré l’état de catastrophe naturelle, a décidé du déblocage d’un montant de 5 milliards de FCFA.

Il a procédé à l’enregistrement de toutes les personnes sinistrées sur l’ensemble du territoire national. Plus de 400 tonnes de vivres ont déjà été distribuées à 18 750 personnes sinistrées, soit 36% des personnes les plus vulnérables. Le gouvernement a assisté 550 personnes en articles ménagers essentiels, procédé à la relocalisation de 520 ménages sur de nouveaux sites après les inondations dans la région du Centre-Nord et à la réhabilitation de 2 700 abris d’urgence. 1400 moustiquaires ont été distribuées, 100 latrines ont été reconstruites dans des habitations détruites, 75 blessés ont été pris en charge, etc.  

« S’agissant des personnes démunies, des vivres ont été acheminés dans les 13 régions pour leur assistance. A ce jour, 7 356 tonnes de vivres ont été distribués à 500 434 personnes réparties dans 62 732 ménages », a ajouté madame le ministre.  

Elle a souligné que s’agissant de l’accompagnement au relogement, les personnes qui sont dans les zones non dites inondables seront prioritaires. Celles qui ont été dans les zones dites inondables ne sont pas susceptibles d’être dédommagées. 

Pour ce qui concerne la gestion de la crise sanitaire liée à la COVID-19, le département de l’Action humanitaire et de la Solidarité nationale a encore octroyé des subventions à 20 000 femmes de fruits et légumes de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso et à 130 personnes handicapées vulnérables. On peut citer comme autres actions la prise en charge alimentaire et financière de 585 détenus graciés, la prise en charge alimentaire de 203 personnes affectées dans les régions du Centre et du Centre-Sud et un cash transfert au profit de 20 000 personnes vulnérables affectées à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. 

Aly Tinto

vye uneD’ici fin décembre 2020, 5 élections présidentielles se tiendront en principe dans des pays d’Afrique de l’Ouest. Il s’agit du Burkina Faso, du Niger, du Ghana, de la Guinée Conakry et de la Côte d’Ivoire. Les enjeux  électoraux sont  certes distincts d’un pays à un autre mais dans les deux derniers cités, à quelques semaines des scrutins, la situation sociopolitique est tendue en raison de la volonté des présidents sortants de se maintenir au pouvoir après avoir déjà fait deux mandats. Une chose est certaine, les crises pré-électorales ou postélectorales sont à éviter dans la région ouest-africaine, d'autant plus que les pays du Sahel sont déjà éprouvés par les attaques terroristes itératives, auxquelles est venue se greffer une crise humanitaire sans précédent.

Les Burkinabè iront aux urnes le 22 novembre prochain pour élire le président du Faso ainsi que les députés de la 8e législature. Roch Marc Christian Kaboré, président sortant, élu en 2015 dès le premier tour avec 53,5 des voix, est candidat à sa propre succession pour un second mandat. Le parti au pouvoir, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), s’est fixé pour objectif de faire réélire Roch Marc Christian Kaboré dès le 1er tour avec 60% des voix, soit 6 points de plus qu'en 2015. Il importe cependant de souligner qu’en 2015, un certain nombre de partis politiques n’étaient pas dans la compétition.  Au nombre de ceux-ci figure le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), ex-parti au pouvoir. En outre, des candidats déclarés et 22 partis de l’opposition ont signé un accord politique en août dernier dans l’objectif de faire front commun contre le président Kaboré. Point n’est besoin d’être devin donc pour savoir que la compétition sera plus rude qu’en 2015. La crise sécuritaire a déjà impacté le processus électoral. Dans ce contexte d’insécurité, le peuple et les institutions doivent travailler pour la tenue d’élections apaisées.

Le Niger, pays voisin du Burkina Faso, également confronté au défi sécuritaire, tiendra son élection présidentielle le 27 décembre 2020. Le président Mahamadou Issoufou ne peut pas céder à la tentation d’un troisième mandat car il lui est interdit par l’article 47 de la Constitution de 2010 de de son pays de faire acte de candidature une fois ses deux mandats terminés. La succession du président nigérien est donc ouverte. Le PNDS, le parti au pouvoir au Niger, a choisi l'ancien ministre de l'Intérieur Mohamed Bazoum pour porter ses couleurs. Début septembre, l’opposition politique a créé une coalition. Mahamane Ousmane, ancien chef de l’Etat de 1993 à 1996, Seyni Oumarou, du Mouvement national pour la société de développement, et le général Salou Djibo, ex-chef de la junte militaire au pouvoir de février 2010 à avril 2011, sont candidats. Mais Hama Amadou, le plus grand rival du président Issoufou, leader du Moden Fa Lumana et chef de file de l’opposition nigérienne, condamné en mars 2017 à un an de prison dans une affaire de trafic présumé de bébés, a récemment bénéficié d’une grâce présidentielle. La question sur sa possible candidature à l’élection du décembre à venir  reste posée.

 Au Ghana, habitué aux alternances pacifiques depuis les années 90, les citoyens iront aux urnes en décembre pour élire leur président. L’actuel locataire du palais présidentiel, Nana Akufo-Addo, affrontera l’ancien président John Dramani Mahama. vye 2Il s’agira de la 3e confrontation électorale consécutive entre ces deux hommes politiques de ce pays anglophone. L’ancien président  l’avait emporté en 2012 devant Nana Akufo-Addo. En 2016, Akufo-Addo est arrivé au pouvoir en battant Dramani Mahama. Le « match » programmé en décembre prochain s’annonce déjà très passionnant. Le Ghana poursuivra très certainement sa transition démocratique à l’issue de cette élection.

En Guinée Conakry, le  scrutin présidentiel est prévu pour le 18 octobre prochain. Alpha Condé, au pouvoir depuis 2010 et réélu en 2015, est le premier président démocratiquement élu du pays de Sékou Touré, qui n’a pas une tradition d’organisation d’élections compétitives. Le 2 septembre, l’ex-opposant historique à la dictature de Lansana Conté a confirmé sa participation au scrutin présidentiel à venir pour un troisième mandat. La Constitution guinéenne limite le nombre de mandats présidentiels à deux, mais l’adoption, en mars dernier, d’une nouvelle loi fondamentale lors d’un référendum boycotté par l’opposition « permet » au président sortant de remettre son compteur à zéro. Douze candidats sont en compétition, dont Alpha Condé, le président sortant, ainsi que Cellou Dalein Diallo, chef de file de l’opposition guinéenne. Le Front national de défense de la Constitution (FNDC), qui mobilise des milliers de Guinéens depuis octobre 2019 contre un éventuel troisième mandat d’Alpha Condé, a annoncé la reprise des manifestations à partir du 29 septembre.  La contestation a déjà donné lieu à des heurts et a été plusieurs fois sévèrement réprimée. Des dizaines de civils ont été tués.

Alpha Condé, dont l’élection en 2010 avait été saluée comme une victoire de la démocratie, était  l’homme qui devait permettre à la Guinée de connaître enfin sa toute première succession dans le respect des règles démocratiques, sans bain de sang. Hélas !

Le pays de Félix Houphouët-Boigny, voisin de la Guinée, doit désigner également son prochain président de la République en fin octobre 2020. Actuellement, toutes les conditions sont réunies pour que cette élection engendre une crise.

Il faut d’abord relever l’effritement de la majorité présidentielle depuis la réélection du président Ouattara en 2015, avec notamment le retrait du PDCI-RDA d’Henri Konan-Bédié et la dissidence de Guillaume Soro, le « rebelle » qui s’est exilé en France. Par ailleurs, on comprend difficilement la démission du vice-président Daniel Kablan en juillet 2020.

A cela s’ajoute la question de la réconciliation nationale. On est tenté de dire que cette réconciliation tant chantée fut un échec en dix ans de présidence D’ADO. L’ex-prisonnier de La Haye Laurent Gbagbo, rival historique du président Ouattara  peine à rentrer au pays, lui qui dénonce le « refus » des autorités ivoiriennes de lui délivrer un passeport.

Alassane Dramane Ouattara, 78 ans, a pris la décision  le 6 août d’être candidat à l’élection présidentielle pour un 3e mandat.  Une candidature que conteste l’opposition, car elle la juge « illégale » en vertu de la Constitution de ce pays, qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Du côté des partisans du chef de l’Etat, on explique que l’adoption d’une nouvelle loi fondamentale en 2016 a remis les compteurs à zéro. Déjà, des manifestations se multiplient à travers le pays avec plusieurs morts et blessés. La tension est encore montée d’un cran, le 14 septembre, avec la publication de la liste des candidats retenus. Sur les 44 candidatures déposées, quatre dossiers ont été validés par le Conseil constitutionnel. Il s’agit de celles d’Alassane Dramane Ouattara du RHDP, d’Henri Konan Bédié du PDCI-RDA, de Pascal Affi N’Guessan de l’aile dissidente du FPI, et enfin de Kouadio Konan Bertin.

Au terme de la réunion du dimanche 20 septembre, les partis politiques de l’opposition  ont appelé,  entre autres, au rejet de la candidature du chef de l’Etat sortant ; à la dissolution de la Commission électorale indépendante (CEI) ; à la dissolution du Conseil constitutionnel ; au retour des exilés et même à la désobéissance civile ainsi qu’à des manifestations sur toute l'étendue du territoire.  Guillaume Soro, de son pays d’exil, a déclaré le 17 septembre devant les journalistes qu’ « il n’y aura pas d’élection le 31 octobre en Côte d’Ivoire ». Ces propos de l’ancien secrétaire général de la rébellion des Forces nouvelles sont à prendre au sérieux, même si d’aucuns disent que Kigbafori  n’est plus qu’un « lion édenté ».

Ainsi donc, on peut balayer le scénario d’une alternance pacifique qui ne s’est jamais produite depuis la mort de Félix Houphouët-Boigny. Les blessures des violences postélectorales de 2010 sont toujours ouvertes.  Les voisins, surtout du Sahel, n’ont plus intérêt que le pays de la lagune Ebrié s’embrase de nouveau, d’autant plus que le débordement de l’insécurité vers la Côte d’Ivoire est net depuis les attaques de juin 2020 dans l’extrême-nord.

Les Ivoiriens veulent voter dans la paix et vivre dans la paix ! C’est le moment pour la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) de s’impliquer énergiquement dans l’impartialité pour que les acteurs politiques ivoiriens trouvent un consensus politique avant d’aller à cette élection présidentielle.  Autrement, elle aurait failli à sa mission.

Aly Tinto

democr uneLes Burkinabè sont appelés aux urnes le 22 novembre prochain pour élire et le Président du Faso et les députés dans un contexte de crise sécuritaire qui a provoqué le déplacement de 1 013 234  personnes.  C’est ainsi qu’à l’occasion de la Journée internationale de la démocratie le 15 septembre, le Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD), en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), a organisé à Ouagadougou un dialogue démocratique sur le thème « Les élections en contexte de crise sécuritaire : comment relever les défis de l’inclusion et de la transparence ? »

Le public est sorti nombreux pour participer à ce dialogue démocratique. Les panélistes étaient Pr Djibrihina Ouédraogo, enseignant-chercheur en droit public, l'honorable Ousséni Tamboura, membre du bureau politique du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), et le Pr Augustin Loada, enseignant en Sciences politiques à l'Université Thomas Sankara, par ailleurs président du Mouvement patriotique pour le salut (MPS). Dr Monique Ilboudo assurait la modération.

Selon Dr Tamboura, la crise sécuritaire a déjà impacté le processus électoral à l’issue d’un constat que les parlementaires ont fait dans les 5 régions touchées par cette crise. «Naturellement, le contexte sécuritaire va également impacter le vote. Des localités n'ont pas été enrôlées et il y a de fortes chances qu'on ne dépose pas de bureaux de vote dans ces localités. Sur les 127 sièges de députés, 52 sont impactés par cette crise», a-t-il ajouté.

C’est ainsi que des pistes de solutions de droit  ont été proposées au chef de l'Etat par des institutions politiques comme la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et le Parlement.

« Tous sont pour le maintien du scrutin couplé mais avec la modification du Code électoral qui vient de se faire », a expliqué le député. Il précise que le Parlement a demandé au gouvernement l'établissement d'un plan de sécurisation des élections  par les FDS, car pour un scrutin légitime, il faut «vraiment un plan de sécurisation efficace. Pour que les élections soient bien sécurisées, il faut davantage de ressources techniques, financières et morales aux FDS ».

democr 2Dr Ousséni Tamboura a en outre plaidé pour une transparence permanente de la CENI sur le nombre des bureaux de vote qui ne pourront pas être ouverts le 22 novembre et demandé une transparence intégrale sur l'impact de l'enrôlement des déplacés internes dans le fichier électoral des communes accueillantes. « Il faut que les partis politiques s'engagent à s'abstenir de toute attitude de déstabilisation du processus électoral pour nous éviter des crises pré-électorales ou post-électorales », a-t-il conclu.  

La communication du Pr Djibrihina Ouédraogo, elle, était axée sur le rôle de la CENI et du Conseil constitutionnel en matière d'inclusion et de transparence du processus électoral.

Pour ce juriste, pour avoir un processus inclusif ou transparent, il faut que l'arbitre, à savoir la CENI et le Conseil Constitutionnel (CC), soit déjà dans les conditions qu’il faut.

«Le CC joue un rôle déterminant dans la crédibilité du processus électoral. C'est lui qui s'occupe de la validation des candidatures, conformément au Code électoral, et des dossiers qui lui seront soumis. De ce point de vue, le CC est amené à faire une interprétation plutôt  rigoureuse des conditions qui ont été prescrites », a-t-il souligné. Le CC est également appelé à recevoir éventuellement les dossiers des candidats qui vont contester l’invalidation de leur candidature et à les traiter dans « les règles de l’art ».  democr 3En outre, c’est au CC de s’assurer que les résultats des urnes sont « effectivement de bons résultats, qu'effectivement les irrégularités qui ont été commises ont plus ou moins entaché la crédibilité du scrutin ». A son avis, l'inclusion suppose également que ceux qui ont la capacité de voter puissent être enrôlés sur les listes électorales. En plus, il faut que ces listes soient fiables. «Dans ce processus en cours on a évoqué la question de l'enrôlement des déplacés internes. Est-ce que ce n'est pas l'occasion d'avoir des doublons ? » s’est-il interrogé.

Aussi la CENI doit-elle s'apprêter, selon le Pr Ouédraogo, à faire des rapports qui soient convaincants, qui puissent démontrer qu'effectivement il n'est pas possible de tenir les élections dans une localité. Que les résultats qui vont finalement servir à légitimer le président du Faso ou les députés qui seront élus permettent de leur accorder une légitimité.

S'agissant des parrainages, il a estimé que son objectif est d'avoir des candidats crédibles, mais quelqu’un peut avoir la volonté de se présenter aux élections et le parrainage va lui poser un obstacle. « Ce qui serait grave, c'est que des élus marchandent leur parrainage. Donc, le parrainage peut être un frein ou un élément déstabilisateur du processus électoral », a fait savoir l’enseignant-chercheur en droit public.

Le président du MPS a témoigné qu’il a entendu le chef d'un parti politique dire que si ses élus parrainent un candidat sans son autorisation, ils seront exclus de son parti. «Ce n'est pas normal. Et les nouveaux partis comme le mien qui vient de se créer ? Sur le terrain, des élus nous exigent des contreparties avant de faire le parrainage », a relevé Pr Augustin Loada.   

Pour le Pr Loada,  il faut éviter les restrictions inutiles aux droits de vote ainsi que les restrictions déraisonnables en ce qui concerne les candidatures.

« Mais en ce qui concerne l'enrôlement, le coût d’établissement de la Carte Nationale d’Identité Burkinabè (CNIB) à 2500F est une limite à des élections inclusives. Pourtant le coût était de 500F sous Blaise Compaoré », a-t-il regretté.

Un des participants au dialogue dans la salle a déclaré que le coût d’établissement de la CNIB n’est pas le problème. « Le problème se situe au niveau de l’accessibilité. Le temps à mettre et la longue distance à effectuer pour se faire établir la CNIB sont la grande préoccupation », a dit ce participant originaire de la région de l’Est. 

Demander 25 millions de francs CFA comme caution aux candidats à la présidentielle au Burkina, « c’est trop », selon lui. 

Ainsi donc, pour l’enseignant en Sciences politiques, ces préoccupations doivent être traitées sérieusement si on ne veut pas exclure des candidats.

Pr Loada a conclu en indiquant que les électeurs ont besoin d’être informés de ce que proposent les candidats et que les débats doivent être contradictoires. Les électeurs ont également besoin d'informations sur le processus électoral.

Aly Tinto

mhamed uneLe Comité national pour le salut du peuple (CNSP) a perpétré un coup d’Etat contre Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) le mardi 18 août 2020.  Pour le moment,  aucun accord n’a été trouvé sur l’après-IBK. Radars Info Burkina a contacté  Mohamed Amara, sociologue, enseignant à l'Université de Bamako et chercheur au Centre Max Weber, par ailleurs auteur de plusieurs ouvrages,  dont Marchands d’angoisse, le Mali tel qu’il est, tel qu’il pourrait être, pour avoir sa lecture de l’évolution de la situation sociopolitique dans son pays.

Radars Info Burkina (RB) : Les discussions se sont achevées lundi 24 août entre la délégation de la CEDEAO et la junte au pouvoir au Mali, mais aucun accord n’a été trouvé sur l’après-IBK.  Une conférence des chefs d’Etat de la CEDEAO sur la crise au Mali est prévue dans les jours à venir.  Etes-vous optimiste quant à l'évolution de la situation ?

Mohamed Amara : Je suis optimiste pour deux raisons principales : la première est qu’il n’y a pas d’autres solutions car les Africains,  au-delà des Maliens, sont enclins à trouver une solution à cette crise ;  deuxièmement, on n’a pas le choix aujourd’hui par rapport à la situation géopolitique du Mali. Ce pays n’a pas intérêt à tomber parce qu’il pourrait entraîner les autres pays  voisins qui sont déjà dans une situation difficile de déliquescence, en particulier dans la zone des trois frontières.  Donc on ne peut ajouter de la précarité à la précarité.

RB: Cette situation peut-elle être considérée comme un nouveau départ pour le Mali ?

Mohamed Amara : Tout dépend de son évolution. En effet,  c’est le quatrième coup d’Etat et j’espère que ce sera le dernier. En 1991, on était dans l’euphorie. On pensait que le Mali prenait un nouveau départ avec la démocratie. Mais en 2012, ce fut rebelote avec un coup d’Etat qui a mis le pays à mal. Par exemple les 2/3 du territoire ont échappé au contrôle de l’Etat malien suite à ce coup d’Etat qui a exacerbé la situation malienne. Donc ce 4e coup d’Etat du 18 août dernier peut être un nouveau départ pour le Mali si les Maliens se retrouvent autour de l’essentiel. Aujourd’hui l’essentiel pour le Mali,   c’est la question de la paix. Il faut qu’on arrive à reconstruire la paix,  qu’il y ait un vrai dialogue, de vrais dispositifs de cohésion, des politiques inclusives qui ne sont pas discriminatoires, qui permettent à l’ensemble de la communauté malienne peuhle, targui, bambara, songhay, dogon, bobo, etc., de se retrouver. Et ce, à partir de l’idée qu’elles sont des solutions à la reconstruction de la paix.  Donc cette situation peut être un nouveau départ si c’est pensé comme tel. Derrière ça, on doit lutter également contre la corruption : on essaie d’avoir des réformes novatrices par rapport à l’éducation, à l’accès à la santé pour que ça ne soit plus fait de façon inégalitaire.  Par rapport à la fiscalité, les recettes publiques devront permettre économiquement de développer le Mali.

mhamed 2RB: Alors que les autres puissances et institutions ont condamné le coup de force,  l'ambassadeur russe a été le premier diplomate étranger reçu en audience par l’armée au pouvoir. Quelle analyse faites-vous de cette situation ?

Mohamed Amara : Je pense que c’est quelque chose qui a plusieurs significations. Mais pour l’instant, je ne peux pas tenir un discours là-dessus parce qu’il n’y a rien qui prouve que derrière il y a des liens évidents entre les putschistes et la Russie. Pour l’instant, je ne peux pas qualifier ce lien parce que je ne dispose pas de preuves. On peut émettre l’hypothèse suivante pour rester sur les faits : c’est un signal fort sur la nouvelle donne géopolitique. Mais est-ce qu’avec le putsch, la Russie va entrer dans le jeu sachant que la France est la force la plus puissante militairement au Mali avec 5 100 soldats ? Et à côté de Barkhane,  on a les forces onusiennes avec 15 000 hommes. L’hypothèse est que la tectonique politique des relations internationales va certainement bouger.    Mais on n’a pas de preuves pour affirmer que les militaires ont des relations privilégiées avec  la Russie.

RB: Lors du rassemblement du  vendredi 21 août à la place de l’Indépendance, on pouvait lire sur plusieurs pancartes des éloges à la Russie. Quelle appréciation faites-vous de la politique étrangère russe au Mali ?

Mohamed Amara : 89 soldats nigériens ont été tués à Chinégodar. Ce n’était pas la première fois au Niger, au Burkina et au Mali qu’un nombre important de soldats tombe dans les attaques. Donc il y a eu un sentiment anti-Occident  qui s’est développé et qui était à l’origine du sommet de Pau le 13 janvier. Par la suite,   la Task force Takuba (Forces spéciales européennes) pour le Sahel a été créée. Déjà dans  ces manifestations anti-Occident,m on voyait les pancartes russes et d’autres puissances étrangères.  Je pense que c’était une façon de dire si les puissances occidentales ne peuvent pas nous aider à nous sortir de ce bourbier, pourquoi nous ne nous tournerions pas vers d’autres puissances ?  Mais je pense que les relations sont telles aujourd’hui avec la France et les pays du Sahel qu’il est très difficile de voir cela comme un retournement de situation. Cela peut être perçu par contre comme un sentiment de défiance.

A chaque fois que la situation est tendue entre les anciennes puissances coloniales et les Etats africains, il y a cette envie de liberté, de défiance. Mais au regard des relations actuelles, ces sentiments ne peuvent pas perturber aujourd’hui les rapports historiques entre la France et ces Etats.

Interview réalisée par Aly Tinto  

krikaÀ quand la fin des coups d’État en Afrique ? Certains répondront :  lorsque les présidents seront de véritables exemples de démocratie vertueuse. Sauf que cette affirmation n’a de pertinence que dans le lexique des théoriciens qui ignorent les réalités de la gouvernance. Existe-t-il au monde un seul dirigeant qui soit un véritable symbole de consensus ? Il faut avoir la franchise de l’admettre, en raison de sa nature humaine, aucun responsable politique n’est parfait. Les meilleurs dans le domaine le sont parce qu'ils ont appris de leurs multiples erreurs et su rectifier le tir.

Ibrahim Boubacar Keita peut être relativement perçu comme un piètre président africain qui aura été quelque peu sourd à la grogne qui était de plus en plus persistante dans les rues de Bamako. Il n’en a pas fallu plus pour que l’irréparable se produise. C’est ainsi que dans la nuit du mardi 18 au mercredi 19 août, des militaires, sous la houlette d’Assimi Goita, ont « débarqué » ce président démocratiquement élu. Les militaires du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) fraîchement créé par la junte ont donc profité des manifestations persistantes des civils, qui étaient pain béni pour eux, pour prendre le pouvoir. Et on peut affirmer sans risque de se tromper que l’opération n’a pas été spontanée mais planifiée en amont. La garde présidentielle était infiltrée par des éléments des forces spéciales pour faciliter la prise de la résidence présidentielle. Pour mettre dans l’embarras la communauté internationale, les nouveaux « hommes forts » du pays décident de ne pas mentionner le terme « putsch » dans leurs déclarations.

Démission forcée

Assimi Goita et ses hommes insistent et obtiennent d’IBK sa démission séance tenante sous peine de s’en prendre violemment à sa famille, véritable talon d’Achille du désormais ex-locataire du palais de Koulouba. Leur premier acte d’intimidation consistera à faire saccager et piller le domicile de son fils, Karim Keita.  Ils multiplient les déclarations et bloquent le fonctionnement des institutions. L’économie, déjà chancelante, est ainsi mise à rude épreuve. Pourtant après plusieurs années de tergiversations le Mali était enfin sur la bonne voie de la démocratie ; une éclaircie malheureusement compromise par les agissements de groupes armées avec la bénédiction ambiguë de grandes puissances qui jouent un double jeu dans le pays de Soundjata Keita.

Le retour incessant des militaires au pouvoir traduit la boulimie de ces derniers. De nombreux officiers ou chefaillons militaires africains caressent de plus en plus le secret espoir qu’un jour ils seront PRESIDENTS. Un indigeste mélange d’incivisme, de naïveté et de manipulation des civils leur en donne l’opportunité. A quoi sert-il d’organiser des élections aujourd’hui pour ensuite restituer le pouvoir à une bande de copains armés avec la bénédiction de civils d'ordinaire instrumentalisés ? N’existe-t-il pas d’autres moyens de destitution des dirigeants incompétents ? Une chose est sûre, ces putschs à répétition profitent aux grandes puissances. Pour s’en convaincre il convient d’observer ce qui se passe en Libye. L’exécution de Kadhafi, minutieusement planifiée par la France, continue d’avoir des conséquences incommensurables sur la zone sahélo-saharienne. 

Le Burkina et le Gabon : écoles de résistance aux putschs

Le mercredi 16 septembre 2015, vers 14h30, à quelques jours du lancement de la campagne présidentielle, des militaires de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle tentent de s’emparer du pouvoir sous le prétexte d’une exclusion du scrutin présidentiel de certains partisans du pouvoir déchu de Blaise Compaoré. Pourtant le sujet avait fait l’objet d’un vote au Conseil national de la transition (instance parlementaire postinsurrection). Le président de la Transition, Michel Kafando, et certains membres de son gouvernement sont alors pris en otage au palais présidentiel. Devant cette nième forfaiture perpétrée par un groupuscule de soldats, les populations, avec l’appui de la grande majorité des forces armées et de défense, sous la médiation avisée du Mogho Naaba Baongo, réussissent à rétablir l’ordre constitutionnel. Les Burkinabè, de 1966 à 2014, ont fini par être saturés des avènements cycliques des putschs qui impactaient de manière drastique le développement de leur pays. En rappel, ce coup de force du général Diendéré et de ses hommes avait même été qualifié de coup d’État « le plus bête du monde ». Mais c’était compter sans le ridicule de certains putschistes du continent. Le 7 janvier 2019, le commandant-adjoint de la Garde républicaine gabonaise, le lieutenant Ondo Obiang Kelly, prend la tête d'un commando à Libreville, et tente de renverser le régime démocratiquement élu du président Ali Bongo, en convalescence au Maroc. Ils déclarent l'instauration d'un Conseil national de restauration à la télévision nationale et appellent les populations à manifester dans les rues. Leur exhibition ne dépassera pas ce cadre. Ils seront arrêtés ainsi que leurs complices.

En somme, dans un État de droit, il importe de laisser le président aller au terme de son mandat s'il a été démocratiquement élu. Il appartient aussi aux institutions du pays de mettre en place des mécanismes susceptibles d’abréger le mandat d’un élu qui se serait illégalement et illégitimement illustré.

Les démocraties dont les pays d’Afrique s’inspirent, telles que la France, les Etats-Unis et l’Angleterre, en sont la parfaite illustration. Sinon comment expliquer que suite aux violentes manifestations des gilets jaunes, l’armée française n’ait pas mis un terme au pouvoir d’Emmanuel Macron ? Donald Trump, en dépit de ses nombreuses frasques et de ses manquements dans la gouvernance, résiste à la loi de la rue. Ses élucubrations racistes en réaction à la mort de George Floyd, un Afro-Américain âgé de 46 ans, le 25 mai 2020, provoquée par Derek Chauvin, un policier blanc de Minneapolis, aux États-Unis, n’étaient pas suffisantes aux yeux des Américains pour exiger une intervention de l’armée à son encontre. Les procédures de destitution sont régies sous d’autres cieux par des textes. En Afrique, elles le sont par la loi des armes. 

Une armée républicaine ne doit pas abuser des manifestations et des bouleversements sociaux pour s’ouvrir la voie royale de la présidence. Les coups d’État sont le plus souvent des coups d’éclat qui ne sauraient être la panacée à la mauvaise gouvernance en Afrique.

Pour dissuader d’éventuels putschistes, la communauté internationale et précisément les organisations ouest-africaines doivent rétablir IBK dans ses fonctions de chef de l’État. Mieux, les instigateurs de cet « assassinat de la démocratie » doivent être mis aux arrêts et sanctionnés conformément aux textes en vigueur au Mali. C’est l’ultime acte, la lueur d’espoir qui pourrait sauver ce pays et bien d’autres d’une usurpation contre-productive orchestrée par des soldats politiquement trop ambitieux.    

De la Côte d’Ivoire à la Guinée en passant par le Sénégal, le cas de Bamako doit faire cogiter.

Kandobi Yeda  

mlg uneAu Mali, un coup d’Etat a mis fin au régime d’Ibrahim Boubacar Keïta  (IBK)  le 18 août 2020. Les militaires mutins promettent d’assurer la continuité de l’Etat et d’organiser des élections « dans un délai raisonnable ». La rédaction de Radars Info Burkina s’est entretenue avec Mélégué Maurice Traoré, président du Centre parlementaire panafricain et du cabinet Africa Consult & Performances, pour avoir sa lecture de la situation en cours au Mali et s’enquérir des éventuelles répercussions de ces événements sur le climat politique des pays voisins. 

Radars Info Burkina (RB) : Président Mélégué Traoré, pouvez-vous vous présenter aux lecteurs de Radars Info Burkina ?

Mélégué Traoré (MT) : Je dirige le Centre parlementaire panafricain à Ouagadougou, qui appuie tous les Parlements sur le continent.  Je suis aussi le président du cabinet Africa Consult & Performances.

Nous faisons beaucoup de formations en légistique, en procédures parlementaires. La plupart des agents des protocoles d’Etat en Afrique de l’Ouest et Centrale sont formés dans ce centre. J’ai aussi été président de l’Assemblée nationale du Burkina, ministre et ambassadeur.

RB : Est-ce que la situation au Mali pourrait avoir des répercussions sur le Burkina Faso en termes de sécurité ?

MT : Cette situation était prévisible. Au départ, elle ne l’était pas. Mais ce genre de situation de crise qui traîne en Afrique se termine toujours par un coup d’Etat militaire ; surtout que le camp militaire de Kati au Mali est mythique à cause du nom Soundiata Keïta qu’il porte mais également parce que c’est la principale base militaire dans la zone. Je ne crois pas que cette situation aura un effet immédiat sur le Burkina Faso : ni au Burkina ni au Niger qui sont les deux pays voisins.  Je ne pense pas qu’elle aura des répercutions.

RB : Ce changement de régime avec des militaires qui prennent une fois de plus le pouvoir au Mali pourra-t-il impacter véritablement la lutte contre le terrorisme ? Ces militaires mutins reprochent un certain nombre de choses au régime déchu, notamment la non-prise en compte d’un certain nombre de besoins matériels, militaires ainsi que la corruption.

MT : Je ne crois pas qu’il aura un impact. Je connais bien le Mali, j’ai des parents là-bas. Je connais quasiment tous les hommes politiques de ce pays, qu’ils soient de l’opposition ou de la majorité. Je crois que la question malienne est beaucoup plus profonde qu’un simple changement de gouvernants. C’est l’Etat malien qu’il faut refonder complètement. La question de la corruption au Mali est très profonde. C’est valable dans tous nos pays, mais je pense qu’au Mali elle est encore plus profonde. Il me semble qu’il faudra aujourd’hui une espèce de conférence nationale où les gens se posent les vraies questions, acceptent de répondre ensemble, mais en forgeant une vision commune de l’avenir. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Au Mali au niveau de la classe politique ainsi qu’au niveau de l’armée, chacun a son agenda. En plus, il y a une telle interférence entre la sphère militaire et la sphère civile dans ce pays que je ne crois pas que cette situation va changer grand-chose en ce qui concerne la lutte contre les terroristes. Toutefois, il est possible que si de nouvelles élections sont organisées et qu’il y a un nouveau gouvernement, ce gouvernement se donne vraiment un agenda national qui ne soit pas la sommation des préoccupations de groupes. C’est vrai que ça peut changer quelque chose. Sinon ce qui se pose actuellement comme problème au Mali, c’est la question même de l’Etat. Qu’est-ce que l’Etat malien exactement ? En quoi il existe véritablement aujourd’hui ?

mlg 2En droit un Etat, c’est un territoire, une population, un système de gouvernement. Mais cette définition ne veut pas dire grand-chose du point de vue pratique. Un Etat, c’est aujourd’hui une gouvernance efficace et qui répond aux besoins des populations. Cela suppose également une vision commune  de la classe politique. Il faut certainement qu’à un moment donné au Mali tout le monde accepte qu’il existe un seul Mali et non 2. Il n’y a pas un Mali à Bamako et un autre à Kidal. Tant que cette façon de faire n’aura pas changé, je crains qu’un simple changement de gouvernants ne puisse modifier les choses.

RB : A qui profite alors ce énième putsch ?   A l’armée malienne ou aux groupes terroristes en présence sur le territoire ?

MT : Sûrement pas à l’armée malienne. Chaque fois qu’on a des changements de ce genre, ils profitent à ceux qui ne sont pas dans le mainstream de l’Etat, c’est-à-dire aujourd’hui les terroristes. Parce que quoi qu’on fasse, ce sont eux qui ont le plus grand intérêt à l’inexistence de l’Etat malien. En plus, un pays ne peut pas se développer par une série de coups d’Etat à répétition, par une succession de transitions.  Il y a un minimum de continuum dans le  temps qui permet à l’Etat d’exister et d’être efficace. Maintenant une situation de transition  peut nous surprendre. Si c’est positivement, tant mieux. Mais je suis sceptique là-dessus.

RB : Certaines voix ont commencé à dire que certains chefs d’Etat ont commencé à trembler certainement, vu la situation au Mali. En effet, le président IBK venait d’être élu avec un pourcentage assez considérable à la tête du pays. Est-ce qu’on ne crée pas un précédent en faisant partir de la sorte un chef d’Etat récemment élu ?

MT : On peut certainement se dire que ça peut se produire ailleurs. Mais personnellement je ne crois pas que cela aura une influence quelconque. Vu la manière dont nos Etats sont gouvernés, ce n’est pas de là-bas que viendront les changements dans nos différents pays.  

RB : Est-ce qu’on pourrait dire qu’Alpha Condé en Guinée et Alassane Dramane Ouattara en Côte d’Ivoire, eu égard à l’évolution de la situation au Mali, doivent craindre pour leur régime ?

MT : Je ne le pense pas parce que nos pays sont certes voisins mais très différents du point de vue des traditions et pratiques politiques. Ça dépend toujours du chef de l’Etat et de la force du parti qui le soutient. Même si généralement l’expérience a montré que quand on renverse un chef de l’Etat on ne voit pas ses militants sortir pour le défendre. Donc il ne faut pas trop compter sur la force du parti.  Mais il n’est pas sérieux pour l’opposition politique en Côte d’Ivoire de dire que juridiquement le président Ouattara n’a pas le droit de se présenter. Ce n’est pas vrai. Il n’a pas le droit de se présenter à l’élection présidentielle à venir, s’il ne s’était agi que d’une révision constitutionnelle. Mais si vous acceptez dès le départ qu’il s’agit d’une nouvelle Constitution, il n’y a pas de raison qu’il ne puisse pas se représenter.

A propos de la limitation du nombre de mandats à deux, de mon point de vue ce n’est pas toujours très réaliste. En effet dans un pays africain où le mandat dure 5 ans, le président qui accède au pouvoir sait qu’il a au maximum 10 ans à faire. Les 5 premières années, il apprend.  La deuxième moitié, il sait qu’il va partir si bien qu’il détourne le plus possible. Tout le monde a copié aux Américains la limitation du nombre de mandats sans trop y réfléchir. Aux Etats-Unis, un consensus était vraiment fait au sein de la classe politique et dans la société.

Mais dans les autres pays, personne n’a jamais discuté des deux ans.

Je pense que pour la Côte d’Ivoire, ils feront les élections. En Guinée également, tel que je connais Alpha Condé, il va les faire probablement. Ce n’est pas la situation au Mali qui peut impressionner Alpha Condé.

RB : Comment voyez-vous la suite des évènements au Mali ?

MT : Nous sommes dans des Etats souverains. Ce n’est pas la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui dirige le Mali. La CEDEAO n’a aucune compétence pour les affaires intérieures du Mali, l’ONU non plus. S’il y a des changements, ils ne peuvent venir que de la dynamique interne. La CEDEAO peut toujours dire ce qu’elle veut mais ce sont les Maliens qui décideront.  

En ce qui concerne les intentions des militaires, pour le moment j’ai l’impression qu’ils ont des ambitions limitées, ce qui est déjà bien. Mais même quand ils auront fait de nouvelles élections comme ils le veulent, il faudra certainement à un moment donné s’arrêter et se demander ce qu’est l’Etat malien. Où est-ce qu’on veut aller ? La question de l’Etat malien restera posée.

Propos recueillis par Richard Tiéné et Aly Tinto 

 

opti unAprès 7 ans à la tête du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a été contraint à la démission ainsi qu’à la dissolution de l’Assemblée nationale et du gouvernement le mardi 18 août 2020. Les militaires mutins, qui ont annoncé la création du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) ce jour, mercredi 19 août, promettent d’assurer la continuité de l’Etat et d’organiser des élections « dans un délai raisonnable ». Pour une analyse de cette nouvelle page de l’histoire du pays de Soundiata Keïta, Radars Info a pris langue tour à tour avec Siaka Coulibaly, analyste politique, Me Apollinaire Kyelem de Tambela, avocat et directeur du Centre de recherches internationales et stratégiques (CRIS), et Michael Shurkin, analyste politique senior à la Corporation RAND, qui travaille particulièrement sur la sécurité en Afrique de l'Ouest, précisément dans le Sahel.

Selon Siaka Coulibaly et Me Kyelem, ce qui arrive au Mali était prévisible. «Le pays sombrait dans le chaos. Les militaires, qui sont le rempart de la sécurité, ne pouvaient continuer de soutenir un pouvoir qui n'avait plus d'emprise ni sur le pays, ni sur la population. Ils auraient manqué à leur mission », a réagi l’homme de droit.

« J’avais aussi annoncé ce dénouement lors d’une émission sur les ondes de la radio nationale le 2 août 2020. Le M5-RFP et les jeunes manifestants étaient déterminés à aller jusqu’au bout. Après la manifestation du 18 juillet qui a vu la mort de onze manifestants, selon l’ex-Premier ministre Boubou Cissé, l’opinion malienne profonde avait basculé en défaveur d’IBK. 

opti 2Ce n’était donc, dès lors, qu’une question de jours pour qu’il quitte le pouvoir. Il ne faut surtout pas considérer l’issue malienne comme une prise de pouvoir des militaires sur le modèle des années 80 (coups d’Etat secs). La partie consciente de l’armée s’est sentie responsable d’une situation nationale en sérieux péril », a soutenu pour sa part Siaka Coulibaly.

S’agissant de l’évolution de la situation, Me Kyelem a affirmé que le pays connaîtrait un nouveau départ. « Les nouveaux dirigeants maliens sauront éviter les erreurs que la transition burkinabè a commises. La transition ne devrait pas devenir un régime politique influencé par un groupe d’intérêt partisan particulier qui tirerait profit de la situation pour régler des comptes à ses adversaires ou se tailler la part du lion. Cette fois-ci, l’émergence d’une jeunesse de plus en plus consciente est une garantie de sauvegarde de l’indépendance malienne en matière de politique intérieure », a avancé Siaka Coulibaly.

« Une nouvelle histoire commence pour le Mali. Mais elle peut trop ressembler à l'ancienne, surtout si elle donne naissance encore une fois à un régime inefficace, mené par des dirigeants qui cherchent à se maintenir au pouvoir et à s'enrichir », a affirmé Michael Shurkin.

opti 3La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a pris hier mardi des sanctions contre le Mali. « Les militaires n'ont fait que répondre aux aspirations de la population. Les prétendues sanctions de la CEDEAO ne peuvent donc se justifier. Il revient aux peuples de prendre leur destin en main et à la CEDEAO de s'adapter aux aspirations des peuples si elle veut conserver sa crédibilité », a critiqué Me Apollinaire Kyelem. 

M. Coulibaly abonde dans le même sens et estime que les dirigeants ouest-africains doivent savoir raison garder et que la sagesse prédomine dans leurs décisions envers le Mali

«La CEDEAO devrait prendre le temps de bien étudier la situation au Mali avant de prendre quelque décision que ce soit. Dès lors qu’une démission formelle du président en exercice est disponible, juridiquement, la situation n’est plus à considérer comme un coup d’Etat classique. C’est la jurisprudence Burkina Faso octobre 2014, et elle devrait s’appliquer au Mali présentement. Des sanctions contre le Mali ne vont-elles pas favoriser les terroristes ? Sans compter la dimension économique », s’est-il interrogé.

Le Mali, à l’instar de ses voisins du Sahel, traverse une situation d’insécurité sans précédent et selon Michael Shurkin, les impacts de ces éléments sur la stabilité du pays peuvent être graves. « Le coup diminue la légitimité de l'Etat et pour l'instant, l'Etat n'a pas de direction. Il est essentiel que la junte et les autres dirigeants se mettent en accord vite pour rebâtir le gouvernement. Mais cela va être difficile. La junte parle d’organiser des élections, mais même organiser des élections dans un pays avec tant d'insécurité est un grand défi », a-t-il expliqué.

Aly Tinto

jrnl uneIbrahim Boubacar Keïta a finalement été contraint à la démission ainsi qu’à la dissolution de l’Assemblée nationale et du gouvernement le mardi 18 août 2020 à minuit après son arrestation et celle de plusieurs officiels par les militaires. Très tôt mercredi matin, ces mutins ont justifié leur acte par la mauvaise gouvernance, l’insécurité grandissante dans le pays et annoncé la création du Comité national pour le salut du peuple (CNSP). Ils promettent d’assurer la continuité de l’Etat et d’organiser des élections « dans un délai raisonnable ». Radars Info Burkina a pris contact avec Séga Diarrah, journaliste et analyste politique malien, pour avoir sa lecture de la situation qui prévaut actuellement dans son pays.

Radars Info Burkina (RB) : Etes-vous surpris de la situation qui prévaut au Mali depuis hier mardi ?

Séga Diarrah (SD) : Non. L'irruption des militaires sur la scène politique pour « débloquer » la situation était prévisible. Le président Keita a refusé pendant plusieurs semaines d'écouter les cris de détresse du peuple malien. Face à l'échec de la médiation de la CEDEAO, les soldats ont donc décidé d'agir pour « débloquer » le pays.

jnl 2RB : Ce coup de force est-il un sursaut d'honneur dans l'armée malienne pour siffler la fin de la récréation après le récent rapport des experts de l'ONU qui accuse la direction de la Sécurité de l’Etat et plusieurs de ses hauts responsables d’avoir entravé le processus de paix ?

SD : Absolument. Je pense que la diffusion du rapport de l'ONU a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.

RB : Peut-on parler de connexions entre les militaires et le M5-RFP ?

SD : Pas vraiment. Cependant, le premier discours des militaires est rassurant. Ils ont juste achevé la révolution citoyenne et pacifique lancée par le M5 RFP pour éviter des pertes en vies humaines.

jnl 3RB : Etes-vous optimiste quant à l'évolution de la situation ?

SD : Oui, j'ai confiance en avenir du Mali. Rien ne sera plus comme avant, car le peuple malien est un peuple déterminé et qui reste debout.

RB : Mais n’y a-t-il pas des raisons d’être inquiet, d’autant plus que les militaires n'ont pas établi de calendrier clair de la suite des événements ?

SD : Non, je pense qu’il est trop tôt pour parler de calendrier. Les militaires ont parlé de concertations. Il est donc souhaitable d’attendre quelques jours avant la mise en place des organes de transition, qui doivent être inclusifs et représentatifs.

RB : Les sanctions de la CEDEAO sont-elles justifiées, vu que le chef de l'Etat a démissionné ?

SD : Depuis le début de la crise, la CEDEAO n’a pas voulu comprendre la demande du peuple malien. Cette organisation sous-régionale est devenue un syndicat de chefs d’État. Le président Keita a démissionné. Si une transition civile et citoyenne se met en place, il n’y a pas de raison de maintenir les sanctions.

Interview réalisée par Aly Tinto

 

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