Après le capitaine ZOUMBRI, c’était le tour du capitaine Abdoulaye DAO de passer ce mercredi 19 août 2018 à la barre du juge Seydou OUEDRAOGO pour dire ce qu’il savait des évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants. Le capitaine DAO au moment des faits était à la tête du groupement d’intervention et de sécurité (GIS), la compagnie chargée essentiellement en son temps de la sécurité du président du Faso. A l’instar des autres accusés, ce commandant de groupement ne reconnait pas les faits qui lui sont reprochés. Si l’arrestation des autorités de la Transition est survenue alors qu’il était en mission à Bobo-Dioulasso, il dit n’avoir pris conscience que cela était un coup d’Etat que lorsqu’il a eu connaissance de la déclaration du Conseil national de la démocratie (CND) portant le général Gilbert DIENDERE à sa tête.
Complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires, incitation à commettre des actes contraires au devoir et à la discipline, voilà les quatre charges qui pèsent sur le dos du capitaine Abdoulaye DAO, commandant du groupement d’intervention et de sécurité à l’ex Régiment de sécurité présidentielle (RSP) et par ailleurs le plus ancien et le plus gradé des officiers en exercice au RSP après que le général Gilbert DIENDERE et le colonel-major KERE avaient été démis de leur fonction pendant la Transition et que le lieutenant Yacouba Isac ZIDA ait été fait premier ministre.
Il ne reconnait aucun fait de ces faits et dit avoir travaillé dans le cadre de ses attributions classiques en tant que commandant de groupement. Selon son récit, il était à Bobo-Dioulasso depuis le 13 septembre 2015 pour des raisons de famille et de mission, puisque le 15 septembre, il devait se rendre à Banfora dans le cadre de ses attributions au RSP. L’arrestation donc des autorités de la Transition a eu lieu quand il était dans la capitale économique du pays. Quand il a eu vent de mouvements au RSP, il dit avoir appelé Ouagadougou, notamment le sergent KOUMBIA qui était sous sa coupole pour savoir ce qui se passait exactement. Mais, il dit n’avoir pas pu tirer grand-chose de son élément, sauf des craintes. Ce serait le sergent CISSE qui l’aurait par la suite informé au téléphone de l’arrestation du président Michel KAFANDO, du premier ministre Yacouba Isac ZIDA et de deux autres ministres. Voulant connaître l’identité des auteurs, le sergent l’aurait fait comprendre que ces arrestations ont été opérées par des éléments du RSP. Il aurait également eu une conversation téléphonique avec le major BADIEL qui n’a pas voulu rentrer dans les détails et qui répondait à chacune de ses questions par une malice de sourire. Au commandant KORGO, il aurait conseillé de faire attention face à ce qui se passait et de toujours se référer au colonel-major et au général Gilbert DIENDERE.
Son véhicule étant en panne et au regard de l’urgence du moment, il aurait fait des pieds et des mains pour rallier Ouagadougou le 16 septembre aux environs de 23h. Arrivé au camp après minuit, il se serait rendu directement au PC central dans le bureau du chef du corps pour prendre le pool de la situation. Il dit avoir trouvé une marée de soldats et il aurait immédiatement été convié à une rencontre des officiers du RSP avec les sages, composés de l’archevêque de Bobo-Dioulasso, de l’ancien président Jean Baptiste OUEDRAOGO et du Chef d’Etat major des armées. Ayant constaté que les problèmes posés par les uns et les autres étaient ceux que le corps connaissait depuis le début de ses crises en février, il aurait suggéré de laisser toutes les tergiversations et de trouver réellement des solutions, car cette fois-ci la crise était profonde. Pour lui, les problèmes soulevés étaient entre autres ceux relatifs aux carrières, à la sécurité et au fonctionnement du corps. Aussi, de ce qu’il retient de cette rencontre avec les sages, Monseigneur Paul OUEDRAOGO aurait signifié que c’était la vacance de l’appareil étatique qui le dérangeait beaucoup et il fallait qu’une solution puisse être trouvée, mais quelqu’un dans la salle aurait dit qu’ils l’assumaient et que même si c’était l’archevêque qu’on devait aller porter à la tête du pouvoir, ils allaient le faire ; mais Monseigneur aurait rétorqué que cela n’était pas de son rôle. Les sages seraient donc repartis sans qu’une solution à la crise ne soit trouvée.
Après cette rencontre des sages, le 17 septembre, le colonel-major KERE l’aurait instruit d’aller au PC, dans le bureau du chef de corps pour récupérer un document qui n’était rien d’autre que la déclaration du CND, mais qu’il dit ignoré en son temps le contenu. Le colonel-major lui aurait informé que cette déclaration sera lue à la télévision par le sous-lieutenant ZAGRE ; chose qu’il a contesté, car le désigné était un sous-officier, mais le colonel-major lui aurait rassuré que le général DIENDERE aurait donné son accord pour cela.
Il dit avoir eu par la suite le médecin colonel Mamadou BAMBA au téléphone à qui il a fait le point. Celui-ci se serait donc proposé de lire la déclaration. Laquelle proposition a été acceptée par le général quatre étoiles. C’est ainsi le colonel-major KERE l’a instruit d’aller remettre le communiqué au colonel BAMBA à la télévision nationale. Il dit n’avoir eu connaissance du contenu de cette déclaration et de la naissance du CND que lorsqu’un conducteur est venu dans le bureau du chef de corps où il était pour leur remettre une des chemises remis à la télévision au médecin colonel Mamadou BAMBA. « Dans la salle il y a eu froid lorsqu’on a pris connaissance de la déclaration », a-t-il affirmé. Une déclaration qui n’a pas convaincu le parquet militaire, car le médecin colonel BAMBA dans son procès-verbal a signifié que le capitaine DAO l’a appelé pour l’informer qu’il avait été celui qui a été désigné pour lire à la télévision la déclaration des putschistes. « Mon colonel, vous êtes désigné pour lire la déclaration. Il y avait un coup d’Etat. J’ai soupiré et je me suis retranché dans mon salon pour réfléchir s’il fallait que j’accepte ou pas », a déclaré le colonel BAMBA pendant l’instruction.
Selon lui, c’est plus tard, quand il était à la présidence que le colonel YONABA l’a approché pour l’informé que le président Michel KAFANDO n’était pas dans des conditions de détention dignes d’un président dans le bâtiment central. Il s’y serait donc rendu en compagnie du colonel YONABA. « J’y est vu le président KAFANDO et le ministre Réné BAGORO. J’étais vraiment gêné et choqué de l’état dans lequel j’ai trouvé le président. J’ai donc demandé qu’on le ramène à sa résidence. Le colonel-major KERE était de mon avis et le général DIENDERE n’a pas trouvé d’objection », a t-il expliqué. Il dit par la suite avoir échangé avec le premier ministre Yacouba Isac ZIDA et les deux autres ministres détenus et auraient pris les contacts de leurs familles afin de pouvoir récupérer des effets de première nécessité pour eux.
Selon ses dires, ce fut au cours de cette nuit qu’il aurait reçu l’information de l’arrivée des chefs d’Etat de la CEDEAO et compte tenu de ses attribution de commandant du GIS, il aurait donné des instructions afin que le cordon de sécurité soit mis en place à l’aéroport.
Le 18 septembre 2015, il soutient que le président du CND serait venu au camp dans la matinée et avec les chefs de corps et les officiers, il a demandé à ce que l’on neutralise les hommes, car il y avait des dégâts en ville. Après cette rencontre avec le général quatre étoiles, il dit avoir été toute la journée absorbée par l’arrivée des chefs d’Etat de la CEDEAO.
Les 19 et 20 septembre, il aurait accompagné le représentant des Nations Unis, Ibn CHAMBAS, Kadré désiré OUEDRAOGO et l’ambassadeur des Etats-Unis, MUSHINGUI sur instruction du colonel-major KERE pour voir le premier ministre détenu.
Il affirme aussi que le général serait revenu au camp pour expliqué que conformément aux négociations, il devrait remettre le pouvoir aux civiles. Ce qui a crée une grande inquiétude au sein de la troupe, car les éléments étaient anxieux quant à leur avenir et celui du général. Selon lui, l’information de la descente des autres garnisons sur le camp Naba Koom II et la mort du soldat Modeste e à Yimdi n’ont pas aussi facilité la tâche des chefs dans leur dynamique de rassurer et de convaincre la troupe d’accepter le désarmement.
A part du 23 septembre, il note que les commandants de groupement, notamment lui, étaient dans la dynamique de la mise en œuvre des accords de sortie de crise, lorsqu’ils ont appris la dissolution du corps par le Conseil des ministres. Une dissolution qui selon lui a fait que les hommes se sont sentis manipulés et trahis par les chefs, car eux ils s’évertuaient à leur faire comprendre que tout allait bien se passer et que les préoccupations allaient trouver une solution.
Quoi qu’il en soit, le capitaine DAO affirme que les crises à répétions exacerbaient les uns et les autres qui attendaient impatiemment de voir le bout du tunnel, lorsque le coup de force perpétré contre les autorités de la Transition a eu lieu. « Le coup d’Etat était plus qu’un coup de massue que nous avions reçu. Nous ne nous attendions pas à cela », a-t-il noté.
Confronté aux résultats de l’expertise de ses téléphones, le capitaine DAO ne reconnait pas certains messages qui lui sont imputés, car ne reconnaissant pas le numéro qui lui a été attribué par l’expert.
Il faut noter que déjà avant son grand déballage, son conseil Me Dieudonné BONKOUNGOU demandait au tribunal d’écarter la pièce i3 et toutes les pièces y référant, car elle stipule que le capitaine DAO était à la tête d’un commando, alors que celui-ci au commencement des évènements était en mission à Bobo-Dioulasso. Par ailleurs, Me BONKOUNGOU a dénoncé une inversion de la charge de la preuve, car jusqu’à présent, il n’y avait aucune preuve matérielle qui dise exactement ce qui est reproché à son client.
Candys Solange PILABRE/ YARO