Il s’est creusé un écart de compréhension entre la CEDEAO et les populations de ses pays membres. La posture qu’adopte cette institution sous-régionale à chaque évènement politique majeur d’un de ses pays membres est incomprise par les populations, qui se montrent de plus en plus hostiles à elle. Du Burkina Faso au Mali en passant par la Guinée, c’est l’ensemble des citoyens de l’espace communautaire qui s’indignent des décisions de ladite communauté. En tout cas le moins qu'on puisse dire, c'est que beaucoup d’interrogations requièrent des réponses.
Le ressenti des populations des pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) face à l’attitude des responsables de cette institution est visiblement amer. Des populations qui voient leur misère s’accroître dans une totale indifférence de l’institution sous-régionale qui commence à fulminer lorsqu’un chef d’Etat, vomi par son peuple, se trouve en difficulté. Quel genre d’institution est cette CEDEAO qui refuse de condamner les entorses faites à la justice d’un pays ? Est-on tenté de se demander face à ce qu’il a été de voir en Côte d’Ivoire et en Guinée en 2020 (à l’occasion des élections présidentielles) et récemment au Mali avec le cas des 46 mercenaires ivoiriens.
Lorsqu’Ibrahim Boubacar Keita a été victime d’un coup d’Etat applaudi par l’immense majorité des Maliens, qui étaient dans les rues pour réclamer sa démission, la CEDEAO a brandi la carte de la menace contre le Mali. Elle aurait rengainé son arme lorsqu’un compromis, qui lui était plus favorable qu’au peuple malien, a été trouvé. A situations semblables, les mêmes phénomènes s’observent. C’est ainsi que Ba N’Daw va être à son tour victime d’un coup d’Etat. Cette fois-ci, la CEDEAO va durcir le ton et aller jusqu’à mettre à exécution sa menace, au mépris des souffrances du peuple malien, parce que la situation semblait échapper à son contrôle. Plusieurs individus vont s’indigner de la cruauté des décisions adoptées par cette institution. Beaucoup ont accusé la CEDEAO de vouloir mettre le peuple malien dans la misère afin de le pousser à s’en prendre au pouvoir en place et pouvoir revenir en « pompier pyromane », comme le qualifie l’artiste ivoirien Alpha Blondy.
Le scénario malien n’allait pas tarder à s’inviter au Burkina Faso avec le coup d’Etat perpétré contre Roch Marc Christian Kaboré en janvier 2022. Contre toute attente, le tombeur de ce dernier allait avoir la bénédiction de la CEDEAO qui se met tout de suite à sa disposition pour l’accompagner. Parmi les préoccupations posées par l’institution, le retour à un ordre constitutionnel normal passe au-dessus de l’amélioration de la situation sécuritaire ou autre situation, aussi vitale soit-elle. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le communiqué de l’institution sous-régionale aux premières heures du coup d’Etat lancé contre Damiba. En effet, dans ledit communiqué (du 30 septembre 2022), la CEDEAO, tout en jugeant inopportun le coup d’Etat, a déclaré qu’il intervient à un moment où des progrès ont été réalisés, en brandissant le chronogramme de la transition, au mépris de la dégradation accrue de la situation sécuritaire sous le régime de Damiba. Les entorses faites à la justice burkinabè en ramenant l’ex-président du Faso, Blaise Compaoré, n’ont pas été une préoccupation majeure pour l’institution, qui semble avoir fermé les yeux face aux cris de détresse des peuples et face aux lanceurs d’alertes.
Face à de telles situations, comment convaincre de la bonne fois de cette institution, qualifiée par certains d’institution satellite ou de défense des intérêts des chefs d’Etat. Face à ce qui se joue au sein des pays de la sous-région, la CEDEAO se construit peu à peu et, dans cette construction, la nécessité de revoir certaines copies, sinon la majorité, s’impose. Il est indéniable qu’elle comporte d’énormes avantages pour la sous-région, mais la mission se veut holistique, ce qui s’accompagne de garde-fous.
Etienne Lankoandé