Seydou Richard Traoré est passé du statut d’étudiant-musicien à celui de cadre de la Banque mondiale. Ensuite, il fut enseignant dans une université de Suède avant de créer sa propre entreprise. Grâce au succès de celle-ci, il concrétisa une promesse de jeunesse qu’il s’était faite en mettant sur pied Seydoni productions. Plus de 20 ans après la création de ce label qui a produit de grandes voix, il rêve désormais de le hisser au niveau mondial, aux côtés de géants de la musique tels que Sony et Universel Music Group. Radars Info Burkina s’est intéressé au portrait de M. Traoré. Lisez plutôt.
Si faire le plein de la maison du Peuple relève d’un exploit dont s’enorgueillissent quelques artistes burkinabè de nos jours, il importe de rappeler qu’à la fin des années 70, des artistes tels Seydou Richard Traoré, qui n’était qu’un étudiant qui faisait de la musique à ses temps libres, jouaient déjà dans cette grande cuvette de 3 000 places à guichets fermés.
En 1979, M. Traoré met fin à sa carrière d’artiste au profit de ses études. « Lorsque je me suis rendu aux Etats-Unis pour mes études, je ne pouvais pas faire les deux. Il me fallait faire un choix. J’ai donc dû mettre en veilleuse ma carrière d’artiste et c’est bien dommage», nous a-t-il relaté.
Le jeune Voltaïque de l’époque passe quelques années au pays de l’Oncle Sam à étudier l’économie. A la fin de ses études, il est engagé à la Banque mondiale. Après quelques années de service, il se rend en Suède où il est engagé en tant qu’enseignant à temps plein dans une université avant de se lancer dans les affaires.
Si Seydou Richard Traoré a déposé le micro, il n’oublie cependant pas les difficultés auxquelles lui et ses collègues artistes de l’époque étaient confrontés. «Nous étions obligés de nous rendre au Bénin, en Côte d’Ivoire ou en France pour faire enregistrer nos chansons», nous confie-t-il.
Grâce aux revenus qu'il tire des entreprises qu’il a créées, Seydou Traoré offre en 1994 aux artistes burkinabè un label qui leur permet d’enregistrer, de produire, de dupliquer et de distribuer leurs créations. « Vous pouvez avoir des manuscrits mais tant que votre livre n’a pas été édité, vous n’êtes pas encore un auteur. Seydoni productions a permis à plusieurs personnes qui avaient des maquettes d’être reconnues comme artistes. »
A en croire Seydou Richard Traoré, son label a produit en 1 an plus d’artistes que le Burkina Faso en a eu en 39 ans. «De 1999 à 2000, nous avons sorti plus de 350 albums alors qu’entre 1960 et 1999, le Burkina n’a pu enregistrer que 65 albums. Beaucoup de gens avaient des maquettes mais ils n’avaient pas la possibilité de sortir d’album. L’avènement de Seydoni a permis à plusieurs personnes de devenir artistes», a-t-il affirmé.
En 2015, ce label a célébré ses 20 années d’existence avec plus de 1500 œuvres musicales réalisées au profit d’artistes de plusieurs nationalités. Au nombre de ceux-ci on peut citer Bil Aka Kora, Idak Bassavé, le groupe Yeleen ainsi que Georges Ouédraogo (Ndlr : surnommé le Gandaogo national), dont M. Traoré ne cesse de louer le talent.
L’une des grandes voix de la musique africaine dont le P-DG Traoré est également fier du passage à Seydoni Burkina est le reggeaman ivoirien Tiken Jah Fakoly. En effet, l’artiste a passé plusieurs semaines à enregistrer son mythique album critique, intitulé « Coup de gueule », à Ouagadougou.
Toutefois, on se demande si le P-DG de Seydoni productions a pu rentabiliser son investissement. A cette question, ce dernier répond par la négative. « Seydoni n’a pas pu recouvrer l’investissement qu’il a fait», nous a-t-il dit. Mais loin de se décourager, M. Traoré affirme que son rêve est désormais de conquérir l’espace musical mondial.
« Mon souhait est de passer à l’échelle mondiale. Nous avons essayé cela en nous installant en Côte d’Ivoire, mais nous avons dû fermer à cause de la crise. Nous nous sommes également installés au Mali, sauf qu’on nous considère là-bas comme une entreprise burkinabè alors que leur Etat n'est pas disposé à soutenir les entreprises étrangères», nous a dit Seydou Richard Traoré.
Voici ce que Papus Zongo, acteur averti de la culture burkinabè, pense du P-DG de Seydoni productions : « Il n’est pas donné à tout le monde d’investir si grandement dans la musique, d'autant plus qu'il y a beaucoup d'autres secteurs rentables. Mais M. Traoré a eu de la vision sur le long terme. C’est un homme pragmatique.»
Pendant plusieurs années, Seydoni productions a contribué à révéler de talentueux artistes à travers le Burkina. Cette maison de production qui ne tarit pas de créativité mérite bien le soutien de l’Etat burkinabè, à l’heure du numérique. Cela contribuerait grandement au rayonnement du secteur musical burkinabè au niveau mondial, comme le souhaite du reste Seydou Richard Traoré, son P-DG.
Péma Néya