Sory Diabaté, Didier Drogba et Idriss Diallo sont les trois candidats déclarés pour succéder à Sidy Diallo, le président de la Fédération ivoirienne de football (FIF). Le jeudi 27 août 2020, la commission électorale a rejeté la candidature de Didier Drogba au motif que le double Ballon d’or africain ne remplit pas les conditions d’éligibilité, selon les textes qui régissent la FIF. Le lendemain, la Fédération internationale de football association (FIFA), estimant que ce verdict n’avait pas été rendu en toute impartialité, a demandé l’arrêt du processus électoral. Par la magie du Net, Radars Info Burkina a réalisé un entretien distanciel avec Fernand Dedeh, journaliste sportif ivoirien, pour en savoir davantage sur l’organisation de cette élection.
Radars Info Burkina (RB) : La FIFA a suspendu le processus électoral à la FIF le vendredi 28 août 2020, soit 24 heures après l’annonce de l’élimination de Didier Drogba de la course à la succession de Sidy Diallo. Quelle analyse faites-vous du déroulement du processus électoral à la FIF ?
Fernand Dedeh : La FIFA veut s’assurer que le processus électoral est régulier et surtout que la commission électorale a travaillé en toute indépendance.
Le processus électoral a connu un premier arrêt le 11 août 2020. La commission électorale avait alors achevé ses délibérations. Sam Etiassé, secrétaire général de cette commission, par ailleurs directeur exécutif de la Fédération, conformément aux statuts de la FIF, a refusé de rendre publiques les conclusions. Il estimait que la commission avait ignoré les textes de la fédération. Il a alors saisi Sidy Diallo, président de la FIF, qui n’est pas membre de la commission, violant ainsi le secret des délibérations. Le président de la Fédération, de son côté, invoquant des dysfonctionnements, a demandé au président de la commission d’analyser de nouveau les candidatures. Ce fut de nouveau le blocage. La fédération a alors décidé de suspendre la commission et a convoqué une assemblée générale extraordinaire à l’effet de recomposer ladite commission. Elle en a informé la FIFA mais celle-ci, après analyse des arguments de la FIF, a demandé l’annulation de l’assemblée générale extraordinaire et la reprise pure et simple du processus électoral.
Le 25 août 2020, la commission a repris ses travaux, mais blocage de nouveau ; mésentente entre le président et certains membres. Il claque la porte. Son départ est assimilé à une démission et la commission se réorganise et délibère. La FIFA intervient de nouveau et demande la suspension du processus électoral.
Aujourd’hui, tous les acteurs attendent le retour de la FIFA. Elle a demandé la mise à disposition de tous les documents nécessaires ; une espèce d’audit du processus électoral qui ne dit pas son nom.
La FIFA est intervenue parce que les Ivoiriens eux-mêmes ont compliqué une situation qui paraissait pourtant facile à gérer. Il fallait juste laisser la commission de recours connaître des éventuels manquements de textes.
RB : Quelle appréciation faites-vous du rejet de la candidature de Didier Drogba ?
Fernand Dedeh : Disons les choses comme elles sont : Didier Drogba est le président que chaque fédération en Afrique voudrait avoir. Il a un vécu, une aura, une notoriété. Il est un aimant capable d’attirer du monde dans les stades, les sponsors et donc d’aider à améliorer la vie des acteurs et des clubs. Seulement voilà : pour être candidat, il faut remplir les critères d’éligibilité. A ce niveau, Didier Drogba a éprouvé des difficultés réelles. D’abord, au niveau des clubs de première division et au niveau des groupements d’intérêt sportif. Au niveau des équipes de première division, au nombre des trois clubs exigés, il y en a un, l’Africa Sport, qui pose problème. Le même club a parrainé deux candidats à la fois. Le club est cogéré par deux dirigeants : l’un est président du comité directeur, l’autre est président délégué. Le premier a choisi le candidat Sory Diabaté, le second, Didier Drogba.
Au niveau des groupements d’intérêt sportif, les groupements des joueurs ont tourné le dos à Didier Drogba. Il s’est appuyé sur l’amicale des arbitres mais surtout sur la frange dissidente. Problème !
Les difficultés de Didier Drogba s’expliquent par sa stratégie. Il est adulé par le public, les réseaux sociaux se sont déchaînés en sa faveur mais les membres statutaires de la FIF, donc les électeurs, sont restés dans les starting-blocks.
RB : Comment rendre le processus électoral crédible ?
Fernand Dedeh : Le football ivoirien était divisé en deux groupes qui s’affrontaient. Et particulièrement, depuis le mois de novembre 2017. Les partisans de Sidy Diallo et les opposants réunis au sein du GX. Un troisième groupe vient de se créer, celui des partisans de Didier Drogba. Le fossé se creuse un peu plus ! Des problèmes de personnes, de confiance, d’orgueil et d’ego minent le football ivoirien.
Le processus électoral est du coup miné. La FIFA devra gérer avec dextérité pour éviter une crise plus profonde qui pourrait déboucher sur la mise en place d’un comité de normalisation.
Pour rendre le processus crédible dans la situation actuelle, il faut revenir aux délibérations du 9 août 2020 et ensuite laisser les candidats ou membres de la commission insatisfaits saisir la commission de recours. Ou alors, organiser une assemblée générale extraordinaire et mettre en place une nouvelle commission électorale.
RB : Quels sont les atouts des candidats déclarés à la course au poste de président de la FIF ?
Fernand Dedeh : Les candidats déclarés sont tous compétents et sont tous du moule de l’ex-président de la FIF, Jacques Anouma. Sory Diabaté et Idriss Diallo ont l’expérience de la gestion de la fédération, connaissent l’environnement national et international. Didier Drogba a pour lui son aura internationale, le bain de jouvence qu’il apporte au football ivoirien et, surtout, est porteur d’un projet : le retour des ex-internationaux dans la gestion du football national.
Les trois hommes auraient pu mutualiser leurs programmes, leurs moyens, leurs expériences dans l’intérêt du football ivoirien.
Propos recueillis par Aly Tinto