Près de 2 milliards FCFA d’achats de terminaux de prises de pari ont été faits depuis 2015 sans aucun contrat et des irrégularités relatives au non-respect des dispositions du manuel de procédures et de la réglementation sur les achats publics ont été constatées dans la gestion 2017 de la Loterie nationale burkinabè (LONAB). Des clubs régulièrement autorisés à exercer leurs activités ont aussi été fermés d’autorité depuis juin 2016 du fait de conflits d’intérêts, de favoritisme et de concurrence déloyale avérés entre certains agents de la LONAB tenanciers de clubs et d’autres promoteurs de clubs. Autant d’irrégularités de cette société d’Etat, mentionnées dans le rapport 2017 de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE-LC) remis au président du Faso le 4 janvier 2019.
C’est suite à une dénonciation anonyme adressée à l’institution de Luc Marius Ibriga qu’une mission de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE-LC) a levé le lièvre sur des malversations et des irrégularités au niveau de la nationale des jeux de hasard. Cette dénonciation faisait cas d’irrégularités dans la passation et l’exécution du marché d’acquisition de terminaux de prises de PMU’B en 2015, des autorisations illégales, irrégulières et inéquitables d’ouverture et de fermeture de clubs PMU’B et des interventions irrégulières et autres subventions faites par la LONAB.
Après des mois d’audit, les contrôleurs ont pu s’apercevoir que plus que des allégations, cette plainte de l’anonyme était fondée. En effet, pour la première dénonciation, le principal constat fait par l’ASCE-LC est que près de 2 milliards FCFA d’achats de terminaux de prises de paris ont été faits depuis 2015 sans aucun contrat avec tout ce que cela comporte comme risques de malversations. Les principales infractions suspectes sont le favoritisme dans la sélection du fournisseur CM3 et la surfacturation des prestations de ce dernier. Face à cette situation, le contrôleur d’Etat recommande au directeur général de cette société d’Etat mise en cause de formaliser dans les meilleurs délais l’acquisition des terminaux par un contrat à ordre de commande. Le cas échéant, la procédure d’achat devrait être entièrement reprise.
Pour la deuxième dénonciation, les contrôleurs ont constaté que des clubs régulièrement autorisés à exercer leurs activités ont été fermés d’autorité depuis juin 2016 du fait de conflits d’intérêts, de favoritisme et de concurrence déloyale avérés entre certains agents de la LONAB tenanciers de clubs et d’autres promoteurs de clubs. Ce qui est une violation de l’article 94 du statut du personnel de la LONAB qui interdit aux agents d’ouvrir des clubs. Pourtant, certains agents de la LONAB disposent de clubs PMU’B ouverts en leur nom et au nom de leurs proches. Une victime de ces fermetures illégales et irrégulières qui a souhaité garder l’anonymat nous a confié sa mésaventure. « Mon kiosque PMU’B a été fermé sans justification en 2016 et je n’étais pas la seule dans le cas. Nous étions une vingtaine de personnes à voir nos kiosques fermés sans raison. Nous avons fait une délégation pour aller à la LONAB, afin de comprendre les raisons de ces fermetures. Je vous assure que jusqu’aujourd’hui aucune raison valable ne nous a été donnée. On nous a seulement fait tourner en rond. J’ai abandonné la lutte, car j’ai failli me retrouver en prison. Avec cela, ils m’ont désarmé donc je laisse Dieu me rendre justice maintenant », affirme-t-elle avPar ailleurs, une rivalité entre les agents LONAB tenanciers de clubs et leurs collègues non propriétaires de clubs est aussi constatée. Ce qui pose du coup un sérieux problème interne de gestion du personnel, qui corrobore les éléments de la dénonciation.
Pour rétablir la justice et l’équité, les auditeurs, dans leurs recommandations, ont souhaité que le directeur général fasse le point exhaustif de tous les clubs appartenant ou suspectés appartenir à des agents de la LONAB afin de procéder à leur retrait. Ces clubs retirés feront par la suite l’objet d’un appel à concurrence conformément aux dispositions en vigueur. Pour carrément décourager les agents indélicats, ils ont demandé que des sanctions soient dorénavant prises à l’encontre de ceux qui fouleraient aux pieds les dispositions du statut du personnel de l’institution en vigueur, notamment l’article 94. L’ASCE-LC exige aussi la réouverture sans délai des nouveaux clubs fermés en 2016 (mais régulièrement ouverts) et ce, conformément au cahier des charges de la LONAB qui doit être applicable à tous (anciens et nouveaux clubs) sans discrimination.
Ces investigations des hommes de Luc Marius Ibriga a permis de mettre à nu les anomalies dans les autorisations d’ouverture de clubs PMU’B ; lesquelles autorisations sont empreintes de discrimination et de favoritisme. En vue d’assainir le secteur, les enquêteurs exigent la libéralisation sans délai des ouvertures des nouveaux clubs PMU’B et que soit garanti le jeu de la libre concurrence entre les différents promoteurs. Pour ce faire, ils recommandent que les conditions d’ouverture de clubs ne comportent que les seules exigences de sécurité et de garanties financières. Ce qui signifie que tout demandeur remplissant ces conditions doit obtenir sans autres conditions l’autorisation d’ouverture et d’exercice.
Dans son audit, l’autorité de contrôle a aussi révélé que la tenue de la comptabilité générale de la LONAB comporte des insuffisances et que la gestion financière et comptable de cette société ne présente pas une assurance raisonnable de bonne gestion suivant les lois et règlements en vigueur en la matière au Burkina Faso. Elle en veut pour preuves les irrégularités constatées comme le non-respect des dispositions du manuel de procédures et de la réglementation sur les achats publics. Ce non-respect fait peser sur le directeur général et le directeur de l'Administration et de la Logistique (DAL) de fortes présomptions de favoritisme et de malversations sur un certain nombre de marchés passés de 2015 à 2017.
Pour ce qui est des divers autres appuis et dons accordés par la LONAB, la mission a constaté un vide réglementaire dans la définition de l’éligibilité des activités et des bénéficiaires, d’une part, et dans les prérogatives du directeur général, d’autre part. Dans ce contexte, elle note que le risque de malversations, notamment de favoritisme et de détournement, est élevé.
Pour plus de transparence dans la gestion des finances, l’ASCE-LC recommande au patron de la nationale des jeux de hasard de mettre à contribution le commissaire aux comptes et d’exiger de lui toutes les prestations entrant dans le cadre réglementaire de ses attributions. Avec l’appui du chargé de contrôle interne, l’autorité de contrôle souhaite que le directeur général veille aussi au respect strict du manuel de procédures en vigueur et, le cas échéant, qu’il procède à sa relecture.
Il ressort aussi de ce rapport 2017 de l’ASCE-LC que la LONAB ne dispose pas de délibération de son Conseil d’administration définissant les seuils de pouvoirs d’approbation des marchés entre le directeur général (DG), le Président de conseil d’administration (PCA) et le Conseil d’administration (CA), conformément au décret 2008. Cela étant, les enquêteurs recommandent de rédiger et de faire adopter par le Conseil d’administration, dans les plus brefs délais, une délibération définissant les seuils de pouvoirs d’approbation des marchés entre le DG, le PCA et le CA, conformément au décret 2008.
Candys Solange Pilabré/ Yaro