En Afrique de l’Ouest, notamment au Burkina Faso, les chercheurs depuis plusieurs années se sont lancés dans la quête incessante de nouvelles armes contre le paludisme, car les méthodes classiques et traditionnelles de lutte contre la maladie ont montré leur limite. En effet, 9,8 millions de cas ont été enregistrés en 2016 au Burkina Faso, dont 4 000 décès. Pour venir donc à bout de cette tueuse, les chercheurs ont maintenant recours à la bio-ingénierie. Ainsi, dans leur laboratoire, ils cultivent des moustiques génétiquement modifiés importés d’Italie qui sont des mâles stériles dont le lâcher selon eux pourrait être la clé de cette pandémie. Si beaucoup émettent toujours des doutes quant à son impact sur la santé humaine, l’écologie et la chaîne alimentaire, l’Autorité nationale de biosécurité du Burkina Faso (ANB) a accordé son quitus aux scientifiques pour le lâcher de 10 000 de ces espèces inconnus dans les zones d’études. Egalement, avec la bénédiction du gouvernement, l’opération peut avoir lieu à tout moment.
Le 10 août dernier, l’Autorité nationale de biosécurité du Burkina Faso (ANB) donnait son aval aux scientifiques pour le lâcher de 10 000 moustiques, des Anopheles gambiae génétiquement modifiés dans le cadre de la lutte contre le paludisme par la bio-ingénierie. Ce lâcher devrait être « la première étape de l’étude, avant le test d’une technologie plus complexe, le forçage génétique, mise au point au début des années 2000 par l’Imperial College à Londres ». Les chercheurs ont annoncé aussi avoir reçu l’accord du gouvernement pour que l’opération ait lieu à tout moment de cette année ou de l'année suivante. Ce sera la première fois qu’un animal génétiquement modifié est libéré dans la nature en Afrique. De tels moustiques ont déjà été relâchés au Brésil et aux îles Cayman.
Toutefois, ces opérations doivent se faire avec l’accord des populations qui vivent dans les zones infestées et d’expérimentation. En mai 2018, six chefs du village de Bana, dans l’Ouest du pays, ont donné leur accord au projet. Ils viennent d’être informés de l’accord gouvernemental et devraient être les premiers à faire l’expérience de ces nouveaux moustiques.
Ces moustiques génétiquement modifiés sont des mâles stériles. Selon les scientifiques, lorsqu’ils s’accoupleront avec les femelles sauvages, les œufs ne pourront pas arriver à maturité. Ce qui signifie qu’il n’y aura donc pas de reproduction de moustiques. Mais pour avoir un impact massif, les chercheurs expliquent qu’il faut environ vingt descendances d’insectes, soit moins de deux ans de lâchers.
Mais il faut noter que le lâcher de ces insectes inconnus ne fait pas l’unanimité au sein de la population. « Moustiques génétiquement modifiés », « forçage génétique », « insectes auto-limitatifs », sont entre autres des qualificatifs donnés à ces moustiques par les écologistes burkinabè. D’ailleurs, le 2 juin dernier, le Collectif citoyen pour l’agro écologie a ainsi organisé une marche à Ouagadougou pour dénoncer le projet Target Malaria. « Qu’est-ce qui prouve qu’en modifiant le gène de l’insecte, on ne va pas créer des mutants qui transmettront d’autres maladies ? », se demandaient les organisateurs de cette marche qui estiment par ailleurs qu’en réduisant cette espèce, on risque de créer un vide écologique et déséquilibrer.
Dans cette même veine, lors d’une récente conférence de presse, la Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain (COPAGEN) « a réitéré son opposition à l’introduction des OGM, que ce soit pour des objectifs agricoles, alimentaires ou de santé ». Elle a dénoncé « la dissémination programmée de créatures aux propriétés largement inconnues » sachant que « la portée de moustiques mâles stériles serait potentiellement truffée de 50 femelles fertiles » qui pourraient potentiellement interagir « avec des insectes non-modifiés ».
Une pétition avait aussi été lancée. Elle insiste « sur le fait que la technique est onéreuse et que l’Homme intègre ne saurait être considéré comme un cobaye ».
Face à cette résistance, la balle était depuis lors dans le camp de l’ANB qui après avoir évalué les menaces potentielles pour l’environnement et la santé humaine et animale et les moyens de gestion prévus en cas de problème, a donc donné le 10 août dernier son autorisation pour le début de l’expérimentation.
En rappel, depuis 2012, le village de Surkoudiguin est le lieu d’expérimentation de ce projet dénommé Target Malaria, financé à hauteur de 70 millions de dollars (près de 60 millions d’euros) par la Fondation Bill et Mélinda Gates.
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