Le 25 juin 2018, la Coordination des syndicats du ministère de l’économie et des finances (CS-MEF) suspendait son mot d’ordre de grève, enclenché depuis des mois, afin non seulement de répondre à l’appel à la trêve du président du Faso, Roch Marc Christian KABORE, mais aussi, montrer à l’opinion publique sa bonne foi et son esprit d’ouverture au dialogue. Toutefois, un mois après la reprise du travail, les lignes ne semblent pas avoir bougé du côté de la CS-MEF. En effet, ce mercredi 25 juillet 2018, réunie en Assemblée à la bourse du travail, la Coordination régionale de la CS-MEF a confié à ses camarades que le gouvernement continue de faire du dilatoire quant à la satisfaction de sa plateforme revendicative. C’est pourquoi, il est plus qu’urgent selon elle de mener la réflexion afin de mieux orienter la lutte et de ne pas se laisser laminer par le gouvernement.
Faire le compte rendu de la rencontre nationale tenue le vendredi 20 juillet dernier au niveau de la Coordination des syndicats du ministère de l’économie et des finances et recueillir les propositions des militants pour redonner de l’élan à lutte, c’était l’objectif visé par la Coordination régionale des syndicats du ministère de l’économie et des finances, en battant le rappel de ses troupes à travers l’organisation d’une Assemblée générale le mercredi 25 juillet 2018.
Pour Yacouba KIENTEGA, Secrétaire général du Syndicat national des agents des impôts et des domaines (SNAID), section Kadiogo, la coordination est une passerelle glissante pour le gouvernement qui veut vaille que vaille réduire les rémunérations et le personnel, faire intégrer des personnes à son profit à la fonction publique sans passer par un concours, prendre des réformes qui limitent les actions des travailleurs, privatiser et prendre le contrôle des structures s’achetant des actions. « Si notre lutte n’aboutit pas, soyez sûr que le lendemain tous les autres secteurs seront liquidés de la même manière. Voilà pourquoi aujourd’hui, tout le monde a le regard tourné sur cette lutte. Si elle aboutit, le gouvernement sera obligé de reculer à notre niveau et au niveau des autres travailleurs. Si elle échoue, dès le lendemain, le gouvernement va l’appliquer dans les autres secteurs. Il a beaucoup d’intérêt à ce que notre lutte échoue. Si nous flanchons la DGI sera comme la CNSS d’ici l’année prochaine », prévient-il. Pour la coordination, sa lutte actuelle a d’énormes enjeux. Du côté du pouvoir, il s’agit de se comporter en bon élève des institutions de Breton-Wood afin de continuer à bénéficier des prêts à outrance. C’est pourquoi, il n’est pas question pour elle que le gouvernement ait le dernier mot.
Le dilatoire du gouvernement continue
Durant ces trente jours de trêve accordée par la CS-MEF afin de permettre aux négociations de porter fruits, les responsables de la Coordination n’ont eu droit qu’à trois séances de discussion avec Paul Kaba THIEBA et son staff composé de quelques uns de ses ministres et de responsables coutumiers et religieux. Il s’agit notamment des rencontres du jeudi 28 juin 2018, du lundi 02 juillet 2018 et de celle du jeudi 05 juillet dernier. Des rencontres qui selon Yacouba KIENTEGA et ses camarades ont accouché d’une souris, car sur les sept points de revendication, seulement quatre ont trouvé un consensus. Les points de désaccords sont notamment le check off, le non respect des protocoles d'accord signés avant la conférence sur le système de rémunération des salaires des fonctionnaires et le statut sécurisant. Ces points de blocage sont imputables selon la coordination au gouvernement qui fait preuve de mauvaise foi et de dilatoire et la renvoie aux conclusions de la conférence nationale sur le système de rémunérations des agents de l’Etat. Pourtant, selon la CS-MEF, elle avait engrangé d’énormes acquis obtenus de hautes luttes, et ce, avant que cette question de remise à plat des salaires ne trotte dans l’esprit du pouvoir KABORE. « Après la suspension le 05 juillet, le premier ministre lui-même a reconnu qu’il y a des points de blocage et que ce n’est pas évident qu’au niveau du gouvernement il y ait encore des avancées. Pour lui, la solution c’est de se tourner vers les sages pour qu’ils interviennent à travers une médiation ». Toute chose qui dénote d’une mauvaise foi selon la Coordination, car des acquis obtenus au cas par cas par d’autres corps de la fonction publique sont en train d’être mis en œuvre, notamment la question de la fonction publique hospitalière.
Des responsables coutumiers et religieux pris faits et cause pour le gouvernement
Pour la section régionale de la CS-MEF, de ce qui revient lors de cette période d’accalmie, c’est que les autorités religieuses et coutumières chargées de la médiation pour une sortie de crise heureuse sont des sages à double casquettes. En effet, pour Yacouba KIENTEGA et ses camarades, ces personnalités en venant à la table de la médiation, ne sont pas venues avec une oreille d’écoute et un esprit de discernement. Leur objectif était d’arriver à ce que la CS-MEF signe un protocole d’accord avec le gouvernement, et ce, malgré ces points de blocage. « Ces sages à savoir les coutumiers et les religieux ont pris faits et cause pour le gouvernement. Ils ont rencontré la coordination le mardi 17 juillet après avoir rencontré le gouvernement le samedi 14 juillet. Quand ils ont rencontré la coordination, ils n’avaient pas de nouvelles propositions et ne sont pas venus pas venus vers nous avec l’idée de nous écouter et recueillir nos préoccupations et nos propositions. Ils sont venus nous demander de signer un protocole sur la base des quatre points d’accord trouvés avec le gouvernement », a expliqué le SG du SNAID, section Kadiogo. Ce qui convainc la Coordination, que ces sages ne sont pas des personnes neutres dans ce bras de fer. « Vous comprenez que c’est le gouvernement qui est là sans sa casquette de gouvernement », a déploré le responsable Kadiogo du SNAID.
Au-delà du parti pris, la CS-MEF estime qu’aujourd’hui les autorités coutumières et religieuses sont en train de jouer un très mauvais rôle à savoir celui de diaboliser les fonctionnaires en général et ceux du ministère de l’économie et des finances et du développement en particulier. « Nous fréquentons les lieux de culte à savoir les Eglises, les temples et les mosquées et nous avons aussi une oreille pour écouter et faire la part des choses de ce qui y est dit. Ces deux dernières semaines, les prêches et les homélies n’ont aucun rapport avec Dieu, mais s’attaquent uniquement aux fonds communs », a regretté Yacouba KIENTEGA.
Quoi qu’il en soit, la Coordination se dit toujours debout et ne compte pas plier l’échine devant le gouvernement, car étant convaincue de la légitimité de ses revendications. Elle appelle donc ses camarades des toutes les sections régionales du pays à faire des propositions en tenant compte des enjeux de la lutte, afin que d’ici janvier 2019, « date de la mort » ou de la suppression de certains avantages, le vent de la victoire souffle en sa faveur.
Candys Solange PILABRE/ YARO