Dans quelques heures, s’ouvre dans la salle des banquets de Ouaga 2000, le procès du procès du putsch manqué du 16 septembre 2015 contre les autorités de la Transition. Les généraux Gilbert DIENDERE et Djibrill BASSOLE sont considérés comme les cerveaux de cette affaire. Eux et 83 autres personnes devront répondre, notamment, d’« atteinte à la sûreté de l’État », de « trahison » et de « meurtre ».
Cela fait maintenant trois (3) ans que le peuple burkinabè assoiffé de justice attend que toute la lumière et les responsabilités soient situées sur le putsch manqué de septembre 2015. A partir de demain 27 février 2018, cette soif de justice et de vérité va commencer à s’étancher, car s’ouvre, le procès de ce coup de force. Pour la circonstance, c’est la salle des banquets de Ouaga 2000 qui va se muer en la chambre de jugement du tribunal militaire pour qu’enfin des langues puissent se délier. En effet, durant ce procès, nombreux sont les Burkinabè qui seront suspendus aux lèvres des généraux Gilbert DIENDERE et Djibrill BASSOLE, considérés comme les cerveaux de l’affaire, des 83 autres accusés et des témoins. « Nous attendons que la lumière soit faite, la vérité dite et que les réparations et indemnisations aux parents des martyrs et aux blessés soient faites », a espéré le président de l’ABCE, Honoré SAWADOGO, au cours d’une conférence de presse tenue la semaine dernière.
Des témoins, il y en de bonnes factures qui ont été à la barre par le général Gilbert DIENDERE. Il y a entre autres, le président du Faso, Roch Marc Christian KABORE, le Cardinal Philippe OUEDRAOGO, le pasteur Mamadou KARAMBIRI, le Mogho Naaba Baongo, des hauts responsables de l’armée et l’ancien président de la Transition Michel KAFANDO et son premier ministre Yacouba Isaac ZIDA.
Il faut noter que les accusés risquent tous de lourdes peines au terme de ce procès censé durer plusieurs mois, selon des sources judiciaires. En effet, le général Gilbert DIENDERE qui avait pris la tête du coup d’État, et les autres personnes poursuivies sont notamment accusés d’attentat à la sûreté de l’État, meurtres, coups et blessures volontaires. Le général Djibrill BASSOLE, ancien chef de la diplomatie, lui, est lui poursuivi pour trahison sur la base de l’enregistrement d’une conversation téléphonique qu’il aurait eue avec le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume SORO, dans laquelle celui-ci semble affirmer son soutien au putsch de septembre 2015.
Au regard de la portée de ce procès, des voix s’élèvent déjà, pour mettre en garde contre toute velléité obscure de compromettre d’une manière ou d’une autre la bonne tenue de ce procès, qualifié même de « procès du siècle » par certains. « Au-delà des ayants droit des victimes et des blessés, ce procès interpelle l’ensemble des démocrates, patriotes et révolutionnaires et appelle à la plus grande vigilance », a fait savoir le président du Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP), Chrysogone ZOUGMORE, la semaine dernière au cours d’une conférence de presse. Mais du reste, il voit l’ouverture de ce procès comme une victoire d’étape. « C’est un test grandeur nature de crédibilité de notre système judiciaire, de ses acteurs impliqués dans ce procès, et sa capacité à rendre justice », a-t-il précisé lors de cette sortie médiatique.
En outre, pour l’Association des blessés du coup d’État du 16 septembre 2015 (ABCE), le procès qui s’ouvre « donne l’espoir de panser (leurs) blessures et d’envisager une réconciliation ». Ce procès devra donc être l’opportunité pour les accusés de « reconnaître leurs torts et demander pardon au peuple », a estime le secrétaire général adjoint de l’ABCE, Christophe LOMPO, lors d’une conférence de presse organisée également la semaine dernière.
Toutefois, pendant que la Nouvelle alliance pour le Faso (NAFA), parti de Djibrill BASSOLE, « dénonce une mainmise de l’exécutif sur le tribunal militaire », le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), parti au pouvoir, lui, « dénonce des manœuvres de récupération politicienne ». « Trop de décisions iniques et arbitraires ont été prises à mon encontre en violation flagrante de mes droits pour que je fasse confiance à la justice militaire », a confié Djibrill BASSOLE dans un entretien accordé au quotidien privé Le Pays.
Pour certains analystes, le procès du putsch de 2015 pourrait lever le lièvre sur des affaires non résolues depuis une vingtaine d’années. Il s’agit notamment de l’assassinat du président Thomas SANKARA, en 1987 et du journaliste d’investigation Norbert ZONGO en 1998, dans lesquelles les noms du général DIENDERE, considéré comme « la boîte noire du régime Compaoré » et de certains membres du défunt Régiment de sécurité présidentiel (RSP), garde prétorienne de Blaise Compaoré sont souvent cités.
En rappel, c’est le 16 septembre 2015, que des soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’ancienne garde rapprochée du président déchu Blaise Compaoré, avaient tenté de renverser le gouvernement de la Transition. Le général DIENDERE, ancien chef d’état-major de Compaoré, avait alors pris la tête du « Conseil national pour la démocratie » (CND), un organe mis en place par les putschistes. Mais le peuple burkinabè debout comme un seul homme et soutenu par les forces loyalistes avait dit non à ce coup de force qui venait de se perpétrer alors que le pays tentait doucement de se relever après l’insurrection populaire d’octobre 2014, qui avait poussé « l’homme fort de Ziniaré » a prendre la clé des champs, un vendredi midi.
Candys Solange PILABRE/ YARO