Ils sont nombreux, ces fans de football en Afrique qui ne ratent aucun match de la Ligue européenne des champions, qui connaissent les noms des différents joueurs, l’histoire des clubs, qui ont des valises pleines de tee-shirts de leur joueur préféré mais qui ignorent quasiment tout sur les clubs africains et leurs championnats. Radars Info Burkina a voulu comprendre pourquoi les Burkinabè, à l’image d’un grand nombre d’Africains, ne s’intéressent pas vraiment à leurs championnats.
S’il est vrai que la coupe d’Afrique demeure l’une des compétitions qui suscite de l’engouement à l’échelle continentale, voire mondiale, le championnat africain, quant à lui, peine à se hisser au niveau des grandes ligues et coupes à travers le monde. Et les populations africaines sont devenues de grandes consommatrices des championnats de ligues ou des coupes qui se jouent à des milliers de kilomètres de chez elles et auxquels elles n’ont accès que par le canal des médias traditionnels ou des réseaux sociaux. Pourtant, à l’échelle continentale, c’est-à-dire quasiment dans chaque ville africaine, on trouve un ou plusieurs clubs dont les matchs et l’actualité passent presque inaperçus.
Ibrahim Diallo est journaliste sportif à Radio Burkina. S’il se réjouit des performances de certains clubs ces dernières saisons, notamment Salitas FC, Rahimo FC ou l’ASEC de Koudougou, qui donnent aux amateurs de football des raisons de croire à une grande évolution de cette discipline sportive au Burkina, il remarque toutefois que plusieurs clubs ont une évolution en dents de scie et cela, pour diverses raisons. « Le manque d’organisation et de moyens financiers de ces clubs fait que leurs performances ne sont pas constantes. Les infrastructures de certains clubs laissent à désirer. »Des réalités qui font que les clubs les mieux nantis recrutent les meilleurs joueurs des clubs en difficulté.
Une autre réalité de certains clubs africains est qu’ils ne rêvent que de vendre aux clubs occidentaux ou d’Asie leurs meilleurs joueurs, organisant ainsi une sorte de fuite des talents africains au profit des championnats étrangers. Combien sont-ils en effet, ces joueurs africains qui font rayonner les ligues européenne, chinoise et qatarie des champions ? « Le manque de moyens fait qu’effectivement certains clubs africains vendent leurs meilleurs joueurs aux autres championnats, mais la réalité aussi est que tout joueur espère avoir un bon club, un bon salaire pour pouvoir venir en aide à sa famille et à ses amis», explique Ibrahim Diallo.
Amidou Zongo est un fan des championnats européens, dont il avoue d’ailleurs avec fierté maîtriser l’histoire et l’actualité. A la question de savoir quelle est son appréciation du football africain, voici sa réponse : « Notre football ne progresse pas ; c’est comme nos matchs de quartier. Il n’y a pas d’enjeu. On ne recrute pas de grands joueurs pour attirer les gens dans les stades. Au contraire, les quelques joueurs que les clubs ont, ils les vendent. Comment voulez-vous qu’on parte suivre des matchs alors que nous-mêmes pouvons faire mieux que certains de ces joueurs. »
Et Aziz Traoré de renchérir : « On a toujours un pincement au cœur de voir nos grands joueurs soulever des foules dans les stades à Barcelone, Chelsea ou à Madrid. On aurait souhaité que ce soit en Afrique. Mais en même temps, reconnaissons que si Drogba, Etoo, Mané et bien d’autres joueurs étaient en Afrique, ils n’auraient pas ce qu’ils ont aujourd’hui. C’est ça aussi, l’Afrique. On veut bien suivre nos championnats africains, mais le niveau n’y est pas. »
Enfin, les matchs et autres activités du championnat africain sont très peu diffusés sur les médias, même nationaux, contrairement aux championnats des autres continents qui bénéficient d’une très grande couverture médiatique, de chaînes d’information continue entièrement consacrées à cela. « On se contente de laisser la presse sportive appeler à la médiatisation des matchs. Au niveau de la fédération, on ne voit pas véritablement d’effort de médiatisation du Faso foot et du championnat burkinabè. »
Autant de contraintes qui ont un impact négatif sur l’affluence des supporteurs dans les stades lors des matchs, selon Ibrahim Diallo, qui ajoute que le niveau de l’équipe nationale compte également dans l’évaluation du niveau des championnats. Car, dit-il, beaucoup de gens évaluent le niveau des clubs et du football burkinabè à partir de la performance des Etalons.
Le football est devenu un véritable business : vente de gadgets, de tickets, de maillots, salaires et transferts de certains joueurs à des montants astronomiques sont là pour en témoigner. Une industrie qui, si elle est bien gérée et exploitée, peut contribuer énormément au développement socio-économique et à la cohésion au Burkina Faso.
Pema Neya (Stagiaire)