dimanche 24 novembre 2024

Formation du nouveau gouvernement : Les attentes des syndicats attendent sur la table

bassl24 heures après la formation du nouveau gouvernement, les appréciations vont bon train. Pour les uns, il a une bonne configuration, pour les autres on pouvait mieux faire. Radars info Burkina a rencontré le secrétaire général de la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B), Bassolma Bazié, pour s’enquérir de sa perception et de ses attentes de ce gouvernement.

Radars Info Burkina (RIB) : Quelle appréciation faites-vous de la configuration du 1er  gouvernement de Christophe Dabiré ?

Bassolma Bazié (BB) : Nous avons toujours dit que l’organisation syndicale faisant partie de la société civile, elle n’a pas pour rôle de conquérir et gérer le pouvoir d’Etat. Et de ce point de vue, elle n’est pas consultée pour la mise en place d’une équipe gouvernementale. C’est pourquoi il faut interpeller les uns et les autres pour qu’ils sachent raison garder et éviter les confusions de rôles. Quand on nous dit qu’il y a des représentants de la société civile dans un gouvernement, c’est ne pas comprendre car une société civile ne peut pas être juge et partie à la fois. Le deuxième aspect, une équipe gouvernementale est composée sur la base d’un certain nombre de critères définis par ceux qui ont nommé ces ministres. De ce point de vue, nous ignorons les éléments sur la base desquels ils ont été nommés, et également le contenu des lettres de mission qui leur ont été assignées. Par conséquent, il est tout à fait logique que nous ne puissions pas nous prononcer sur des individus et leurs nominations. Par contre, nous devrions avoir sereinement conscience que notre rôle de contre-pouvoir nous interpelle à rester en veille : interpeller, faire des propositions si nécessaire et résister si toutefois ça ne va pas du tout. De ce point de vue, nous attendons ce gouvernement à l’œuvre dans la mesure où au nom de la continuité de l’Etat, ce gouvernement vient trouver sur la table un certain nombre de préoccupations qui l’attendent. Nous pouvons citer la réintégration des policiers et militaires et GSP (garde de sécurité pénitentiaire) radiés. En outre, la mise en œuvre des protocoles d’accord concernant les enseignants, les travailleurs des ministères de la Santé, de l’Economie et des Finances et bien d’autres accords. Nous pouvons, en troisième lieu, citer la question de la réduction du train de vie de l’Etat. Nous insistons depuis longtemps sur la question de suppression des institutions budgétivores, multiples, voire inutiles, qui se piétinent les unes les autres en termes de rôle. Donc nous ne savons pas réellement quel est leur impact sur la cohésion sociale dans la mesure où, bien qu’elles existent, il y a la fracture sociale qui grandit de jour en jour. Nous avons aussi estimé qu’il faut respecter les normes qui régissent la vie dans notre pays, notamment le respect de l’ordonnance du 24 mai 2013 qui limite l’impôt qui est perçu sur les hydrocarbures à 50 F au niveau du super au lieu des 125F que l’Etat perçoit de nos jours.  Nous avons donc interpellé le gouvernement afin qu’il fasse en sorte qu’il y ait la relecture du Code du travail dans lequel on permet de renouveler le contrat à durée déterminée N fois en son article 52. Nous avons son article 148 également qui permet la réduction du temps d’allaitement de la femme quand elle accouche, l’article 74 à 76 qui permettent de limiter les dommages et intérêts d’un travailleur quand il est abusivement licencié et nous avons le fait qu’on peut au nom de cette même loi, recruter un travailleur aller le placer dans une société comme un esclave, recevoir de l’argent en son nom et pratiquement lui verser moins de la moitié qui lui revient ; c’est de l’esclavage et c’est condamnable. C’est tout cet environnement qui clochardise les travailleurs et maintient les jeunes dans la société sans travail et constitue un terrain fertile au recrutement des terroristes. C’est pourquoi nous disons qu’il faut qu’on ait le courage d’éviter de mettre à la lettre comme des perroquets en termes de répétition les décisions qui sont prises par les institutions internationales, notamment le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, l’Organisation des Nations unies, l’UEMOA, la CEDEAO qui elles-mêmes ne sont pas exemptes de critiques. Il faut que nos dirigeants prennent conscience qu’ils ont été élus par leur peuple pour travailler pour ce dernier.  Ce sont des éléments que nous allons combattre sans faillir dans notre rôle. Car si nous faillons, l’histoire va nous juger et nous aurons à rendre compte aux générations futures.

Le 03 janvier 2019 dans votre intervention, vous avez conditionné la trêve sociale demandée par le chef de l’Etat à la diminution du salaire perçu par certains ministres et à la suppression de certains postes, notamment celui de ministre d’Etat rattaché à la présidence du Faso et celui de haut représentant du président du Faso. Ce qui semble avoir été réglé, vu la configuration de l’actuel gouvernement. Êtes-vous prêt à accorder cette trêve sociale ?

BB : D’abord, je vous dis que la trêve sociale doit découler d’une justice sociale. Et les causes qui devraient permettre de constater de façon pratique que cette justice sociale est effective, c’est non seulement les préoccupations que je viens de vous citer, mais aussi la prise en compte de ces institutions et les postes de complaisance qui ont été créés. C’est vrai qu’avec la nomination des membres du gouvernement actuel, nous n’avons pas encore entendu parler de l’existence ou de la persistance de l’existence du poste de haut représentant du chef de l’Etat tout comme le ministère d’Etat rattaché à la présidence du Faso. Une chose est de ne pas en entendre parler, mais une autre est de ne pas tomber dans la naïveté et croire que comme on n’en a pas parlé ils n’existent plus. Nous n’avons pas encore eu de rencontre ou de document officiel du gouvernement nous informant de manière formelle que ces postes n’existent plus. Parce que dans ce pays il y a eu plusieurs accords signés et non mis en œuvre. En témoignent les multiples grèves que nous vivons depuis ces dernières années. Nous avons plutôt besoin d’actes concrets pour croire que ce qu’ils sont en train de dire, c’est de l’effectivité. Ce que l’on peut constater, c’est qu’il y a eu des dénominations de ministères qui ont changé, ce qui implique assez de ressources financières pour les cachets, les panneaux  d’indication et tout ce qui s’ensuit comme emblèmes. Cela ne traduit pas une volonté de diminution du train de vie de l’Etat convainc que ce ne sont pas les propos, mais les actes et l’exemplarité qui importent.

cgtb logoQuel commentaire faites-vous de l’érection du ministère de la Défense et de celui de la Sécurité en ministères d’Etat ?

BB : Nous l’avons dit et nous le répétons, ce n’est pas changer le nom d’un ministère qui va conférer l’efficacité. Si l’on nomme même quelqu’un ministre auprès de Dieu et que l’intéressé n’a aucune moralité intrinsèque, ce ne sont pas les gesticulations qui peuvent conférer l’efficacité à son département ministériel. En ce qui concerne  les forces de défense et de sécurité, vous savez que pour mener un bon combat il faut être moralement et psychologiquement rassuré. Mais il se trouve qu’à ce niveau, la hiérarchie n’est pas un exemple ; les gradés ont un peu exemplaire et peu rassurant pour ceux qui doivent aller au front et combattre. Vous avez une armée qui va perdre le combat à 50%. Voilà pourquoi nous exigeons qu’il y ait un toilettage au niveau de notre armée. Car il y a des colonels et des généraux qui sont assis dans des bureaux, qui circulent dans des V8 et il y a ceux qu’on envoie sur le terrain, c’est pratiquement des gens qui sont nés d’un père paysan, d’une mère ménagère pendant qu’on cajole d’autres dans des bureaux feutrés. Il faut rappeler que sous le régime de Blaise Compaoré, la presse avait fait un travail formidable en dénichant des gens qui ont fait des commandes de matériel de piètre qualité ; en témoigne l’intervention sur l’avenue Kwame Nkrumah où un gendarme a péri parce qu’un bouclier balistique n’a pas tenu. Quand on est face à des situations du genre, psychologiquement ces agents FDS ne peuvent pas tenir. Donc ce n’est pas en donnant un nom ronflant à une personne qui vient d’être nommée qui doit permettre de conquérir l’efficacité, mais la moralité intrinsèque des individus. L’autorité d’un individu ne se confère pas par l’arrogance, la suffisance mais par l’exemplarité.

A votre avis, comment ce gouvernement peut venir à bout de l’incivisme qui va grandissant dans notre pays ?

BB : Nous avons toujours dit que pour restaurer l’autorité de l’Etat, il faut que les dirigeants soient eux-mêmes des exemples en termes de respect des lois et des textes. Parce que quand vous venez violer des décrets qui confèrent des émoluments, vous les violer pour en créer d’autres pour mieux se satisfaire, vous n’êtes pas des repères pour conférer l’autorité de l’Etat. Vous ne pouvez pas conférer l’autorité de l’Etat en jetant des fonctionnaires dans les tréfonds du pays en vindicte populaire  en disant que ce sont eux qui bloquent le développement de ce pays. Quand il y a des crimes de sang et des dossiers pendants en justice et que certaines personnes en sont écartées de manière diplomatique, c’est compliqué de restaurer l’autorité de l’Etat. Voilà pourquoi je termine en disant actuellement que tous ceux qui chantent sur les toits qu’actuellement il y a l’incivisme, la jeunesse est incivique, il faut comprendre que cette jeunesse n’est pas tombée du ciel. Elle nous regarde et nous observe, qu’est-ce qui est fait au quotidien ? C’est cela que  celle-ci duplique.

Propos recueillis par Saâhar-Iyaon Christian Somé Békuoné

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