Le gouvernement Christophe Joseph Marie Dabiré est connu depuis le 24 janvier 2019. Beaucoup attendus sur de nombreux fronts tels la Défense, la Sécurité et la Cohésion sociale, les membres du nouvel exécutif burkinabè devront travailler d’arrache-pied à satisfaire au mieux les attentes des populations. Radars Info Burkina a tendu son micro à des hommes politiques et responsables de mouvements de la société civile en vue de recueillir leur appréciation sur ce nouveau gouvernement.
Maître Bénéwendé Stanislas Sankara, président de l’UNIR/PS : « Quand on parle de gouvernement, il faut comprendre qu’il s’agit d’une équipe où chaque membre joue une partition sous la houlette du chef du gouvernement. Le Premier ministre va coordonner l’action sous l’égide du chef de l’Etat, qui donne les grandes orientations et les lettres de mission. Le choix des hommes répond certainement à des critères et à des objectifs que le président du Faso s’est fixés. La nécessité de réaménager a été dictée par les questions sécuritaires, la réconciliation nationale et la volonté de faire en sorte que le dialogue politique et social puisse s’instaurer. De ce point de vue, je crois que le choix de ce Premier ministre est judicieux. D’abord, il est d’une classe politique où il connaît déjà les hommes qui sont là et qui gouvernent. Il a été à l’Assemblée nationale, où je l’ai connu. Je trouve que c’est un homme très pondéré, respectueux et cela est très important pour communiquer avec tout le monde et instaurer le dialogue tant souhaité. Au niveau sécuritaire, nous pensons que quand on dit qu’on est en guerre, c’est l’affaire de tous les Burkinabè. Ce n’est pas parce qu’on aura mis un général, un caporal ou un civil à la tête d'un département ministériel qu’on pourra venir à bout d’une guerre asymétrique. C’est une lutte contre un système qui est barbare et qui est aux antipodes des valeurs de la démocratie. De ce point de vue, que l’on soit de la société civile, de l’opposition ou de la majorité, nous avons tous intérêt à faire chorus derrière les décideurs pour que les attaques djihadistes cessent. En effet, on a besoin de paix et de sécurité si on veut avancer sur les chantiers du développement. Ce réaménagement a aussi tenu compte des critiques de l’opposition et de la société civile ; il ne faut pas oublier qu’à un moment donné, des voix se sont levées pour demander le changement, et le constat est que le chef de l’Etat en a tenu compte. C’est la preuve aussi que c’est un démocrate qui écoute son peuple. Certains sont partis, d’autres sont restés et c’est tout à fait normal. N’oubliez pas non plus que nous sommes à l’orée de 2020. Par exemple, Simon Compaoré est le président par intérim du MPP, Clément Sawadogo est coordonnateur de l’APMP. Nous avons aussi besoin de sang neuf au niveau des forces politiques de la majorité pour nous mobiliser et nous préparer pour 2020. S’ils sont au gouvernement, ils n’ont pas les coudées franches et ne sont pas très disponibles. L’un dans l’autre, je crois que derrière les hommes, c’est le peuple burkinabè qui doit se mobiliser pour transcender les clivages pour que l’on aille loin. Monsieur Paul Kaba Thiéba a fait ce qu’il pouvait pendant trois ans. Rester trois ans à la tête d’un gouvernement, ce n’est pas aisé ; il faut donc le féliciter et saluer son œuvre. »
Chrysogone Zougmoré, président du MBDHP : « Comme on le dit généralement, c’est au pied du mur qu’on voit le maçon. Ce qu’il faut dire, c’est que par principe ce n’est pas le changement de personnes qui importe mais plutôt ce que ces personnes peuvent et doivent faire, en ce qui concerne notamment le gouvernement, pour satisfaire les aspirations du peuple. Nous avons actuellement pas mal de défis à relever, dont celui sécuritaire en premier. Nous avons également sur le front social une certaine ébullition. Nous attendons donc de ce gouvernement qu’il prenne à bras-le-corps les problèmes des populations et surtout qu’il œuvre à les résoudre. Nous espérons que les choix qui ont été faits l’ont été sur des bases solides et objectives et qui permettront de résoudre cette équation sécuritaire qui commence vraiment à poser des problèmes à l’ensemble du pays. Le plus important, c’est la volonté et la capacité des différentes équipes gouvernementales à résoudre les problèmes concrets des populations et ces problèmes, ils sont multiples. Sur le front de la vie chère, nous avons organisé une grande marche de protestation en novembre 2018 pour réclamer le retour des prix des hydrocarbures à leur niveau d’avant le 08 novembre 2018. Nous tenons toujours à ce point-là et à l’ensemble des éléments de la plateforme revendicative de la CCVC. Donc nous attendons particulièrement le gouvernement sur ce point-là. »
Adama Sosso, 2e vice-président de l’UPC : « D’entrée de jeu, nous félicitons ceux qui ont été nommés. Nous espérons qu’ils seront à la hauteur de la charge. Pour ce qui est du gouvernement, effectivement après le départ du Premier ministre Thiéba, on s’attendait à un chamboulement mais on pense véritablement que cela va venir. Peut-être que comme le Premier ministre vient d’arriver et qu’il ne connaît pas bien tous ceux qui étaient là, il a préféré conserver les gens pour un bout de temps avant de faire véritablement une opération. Mais déjà ce qui est positif, c’est qu’on avait au niveau de l’opposition souhaité depuis un certain temps qu’au niveau de la Défense et de la Sécurité il y ait changement de personnes. Déjà la semaine passée, c’est le chef d’état-major général des armées qui a été changé. Maintenant, c’est le ministre de la Défense qui l’a été. Donc nous espérons que si véritablement il y a de la volonté, les choses iront dans le bon sens. Mais tout cela dépend de la volonté du chef de l’Etat. C’est lui qui doit donner les orientations fortes. Et nous pensons que si les gens s’y mettent sérieusement, tout ira pour le mieux. Quand on tient compte du rôle du ministre de la Défense, si Chériff Sy est aussi déterminé qu’il l’a été à certains moments, il pourra certainement jouer son rôle. N’oublions pas qu’il a été le haut représentant du chef de l’Etat, ce qui fait qu’il a un peu cette casquette politique. S’il ne change pas véritablement sa manière de faire, il pourra s’en sortir. Mais tout dépend véritablement du commandant en chef. C’est le chef de l’Etat qui doit donner l’impulsion et pousser les gens au travail. De prime abord, nous n’avons pas de préjugés. Nous attendons de voir les décisions fortes qui seront prises dans le cadre de la lutte contre l’insécurité, le grand banditisme et pour la réduction du train de vie de l’Etat. »
Naaba Dabiret, secrétaire général de l’URD : « Nous sommes satisfaits du nouveau gouvernement. Le président a jugé bon de changer de Premier ministre, ce qui est dans ses prérogatives. Il n’y a pas de grand chamboulement au niveau gouvernemental, l’ossature gouvernementale reste la même. C’est vrai qu’il y a des changements au niveau de la tête d’un certain nombre de ministères qui d’ailleurs faisaient l’objet d’une réclamation au niveau des populations. Au regard des préoccupations de l’heure, les citoyens souhaitaient que certains responsables à la tête de certains ministères soient changés. Je parle de la Défense, de la Sécurité. C’est aussi parce que le président du Faso a jugé qu’il y avait matière à apporter du sang neuf à ce niveau-là. L’essentiel pour nous est que le gouvernement en place travaille dans le sens des besoins actuels des populations. Les questions liées à l’insécurité, au terrorisme, à la bonne gouvernance, nous pensons que ce sont des éléments essentiels sur lesquels portent les attentes des populations. Dans tous les cas, c’est un gouvernement qui fait dans la continuité de la mise en œuvre du programme du président. De ce point de vue, il n’y a pas de raison que nous ayons une autre appréciation, sauf si on n’était pas d’accord d’une manière générale avec les choses. Etant un parti qui n’est ni de la majorité ni de l’opposition, ce qui est fait de bien nous apprécions et ce qui est fait de mal également nous dirons ce qu’il en est. Notre préoccupation majeure est que le gouvernement puisse aider à trouver des solutions rapides aux questions d’insécurité, de terrorisme. Etant donné qu’il y a un front social en ébullition, il faut que le gouvernement soit disponible pour échanger et le Premier ministre a déjà annoncé à ce propos qu’il nouerait bientôt le dialogue avec les forces sociales et nous pensons que c’est une bonne chose. C’est grâce au dialogue que l’on pourra s’accorder sur un consensus minimum pour pouvoir faire face aux préoccupations et urgences majeures. »
Propos recueillis par Armelle Ouédraogo (Stagiaire)