Réunis autour d’un "Conseil national de restauration", un groupe de militaires gabonais ont pris le contrôle de la radio d'Etat et appelé le peuple à un soulèvement populaire ce lundi 07 janvier 2019. Le 03 janvier dernier, le Burkina Faso a lui aussi célébré le 59e anniversaire du soulèvement populaire de 1966 qui a renversé le président Maurice Yaméogo. Les 30 et 31 octobre 2014, une insurrection populaire a également mis fin au régime Compaoré. Quel est le contenu sémantique des vocables « soulèvement » et « insurrection » ? Quels sont leurs ressemblances et dissemblances ? Pour y répondre, nous avons tendu notre micro au professeur Mahamadé Sawadogo, enseignant de philosophie politique à l’université Ouaga 1 professeur Joseph Ki-Zerbo.
RIB : Comment peut-on définir le soulèvement populaire et l’insurrection populaire ?
Pr Mahamadé Sawadogo : Ces deux termes peuvent se définir comme la manifestation d’un sentiment d’indignation et de réprobation face à une situation. Ce sont deux mouvements de protestation collective contre un fait. Ils ont à peu près les mêmes caractéristiques.
RIB : Pour vous, quels sont les traits qui les caractérisent ?
Pr Mahamadé Sawadogo : En 1966, il y a eu effectivement une protestation collective populaire qui a entraîné le départ du président Maurice Yaméogo. Le mouvement de protestation à cette époque était dirigé par les Syndicats, qui manifestaient contre certaines mesures financières prises par le pouvoir d’alors. En 2014, il y a également eu une protestation populaire qui a renversé le régime Compaoré. Cette manifestation a découlé d’un fait politique, en l’occurrence la tentative de modification de l’article 37 pour prolonger le nombre de mandats présidentiels. La lutte ayant conduit à l’insurrection populaire avait comme meneurs des acteurs politiques, principalement les partis politiques d’opposition. Avec l’entrée en scène des organisations de la société civile, des syndicats et de la rue, la lutte a pris une autre tournure qui a conduit à l’insurrection populaire. En somme, dans les deux cas il y a eu des manifestations conduites par des organisations syndicales, s’agissant du soulèvement, et des organisations politiques, concernant l’insurrection, lesquelles ont mobilisé ensuite toute la population.
RIB : Quelle nuance peut-on faire entre ces deux mouvements de protestation ?
Pr Mahamadé Sawadogo : La nuance que l’on peut entrevoir essentiellement, partant de l’histoire de notre pays, se situe sur les plans matériel et financier. Pendant le soulèvement, il n’y a pas eu de perte notable. Par contre, l’insurrection populaire a eu une dimension plus profonde, car sur les plans de l’incidence matérielle et symbolique, beaucoup de pertes ont été enregistrées. Il y a eu en outre une répression qui a entraîné des pertes en vies humaines, sans compter que des édifices publics, à l’exemple de l’Assemblée nationale, ont été incendiés. Par ailleurs, des biens de notables ont été saccagés. Quand on fait le point de tout cela, on peut en conclure que l’insurrection populaire est une forme de protestation populaire d’une portée plus grande que le soulèvement populaire.
Propos recueillis par Saâhar-Iyaon Christian Somé Békuoné