Le 03 janvier 1966, l’on assistait, seulement six ans après son indépendance, au premier soulèvement populaire depuis la reconstitution de la Haute Volta, actuel Burkina Faso. Consécutif à une situation économique et sociale délétère, ce mouvement a emporté le premier président, Maurice Yaméogo. C’était la première fois en Afrique qu’un peuple arrivait à faire tomber un régime à une ère où n’était toléré que le parti unique. Retour sur les faits qui ont conduit à ce soulèvement.
Les évènements du 03 janvier 1966 ont fait suite à des mesures sur les plans économique, politique et social prises par le président d’alors, Maurice Yaméogo. Premier président à la tête de la république depuis 1958, il a travaillé à l’élimination de l’opposition parlementaire par l’instauration d’un régime de parti unique. Candidat unique aux élections d’octobre 1965, il est réélu par 99,97% des voix. Lors des législatives du 07 novembre, la liste unique imposée remporte 99,89% des suffrages. Le 05 décembre, sa formation politique, l’UDV/RDA, sort victorieuse lors des élections municipales organisées. Il lui était également reproché l’adoption de politiques étrangères tous azimuts. En juin 1961, il est le premier chef d’Etat africain à se rendre en visite en Israël. Voyage au cours duquel il signe un traité d’amitié et d’alliance. Dans ses relations avec la France, il signe deux accords militaires dont le second du 24 octobre 1964, permet à la France le triple droit de survol, d’escale et de transit sur le territoire burkinabè. Aux mois de mars et d’avril 1965, il fut le premier chef d’Etat africain accueilli à la Maison-Blanche.
Le climat social se dégradait jour après jour. « Pour empêcher toute résistance, les libertés démocratiques et syndicales étaient restreintes à travers l’interdiction des syndicats, l’interdiction de tout regroupement et réunion, la mise en résidence surveillée et des recherches policières contre les responsables syndicaux. Au titre de sa gestion autocratique du pouvoir, peuvent être cités entre autres : les expulsions de la Haute Volta de deux responsables syndicaux guinéen et sénégalais parce que soupçonnés d’être des communistes. L’adoption par l’Assemblée nationale de la loi 26/AN du 07 juillet 1962 portant Code du travail, laquelle loi interdisait aux étrangers la direction de syndicats de travailleurs en Haute Volta. La loi du 27 avril 1964, faisant obligation aux organisations syndicales des travailleurs de fusionner en une centrale syndicale unique qui devrait être sous le contrôle du parti unique, parti-Etat, l’UDV/RDA », explique Nongo Grégoire Traoré, secrétaire général du Syndicat national des agents des impôts et des domaines (SNAID). En 1964, le président divorce de son épouse pour se remarier le 17 octobre en grande pompe avec Miss Côte d’Ivoire Nathalie Monaco. Il effectue alors un voyage de noces dans les Caraïbes et à Coppa Cabana au Brésil.
La situation économique, quant à elle, était marquée par une gestion approximative des deniers publics. Tout au long de sa présidence, Maurice Yaméogo a sollicité des ressources extrabudgétaires dont une grande partie lui a été accordée gracieusement par le Trésor français, le Ghana et la BCEAO. Malgré tous ces concours, les déséquilibres budgétaires de l’Etat n’ont pu être comblés. Pour l’année 1965, le président décide alors de prendre des mesures plus draconiennes. Il nomme le 08 décembre aux Finances Raphaël Méda, qui va impulser ces réformes à travers la loi de finances 1966 votée le 30 décembre 1965 qui prenait d’importantes décisions à savoir :
- L’abattement des salaires des fonctionnaires de 20% ;
- La réduction de 16 % des pensions des anciens combattants ;
- La diminution des allocations familiales de 1500F à 700F ;
- L’augmentation des recettes budgétaires en relevant de 10% l’impôt forfaitaire sur le revenu et en supprimant le tarif préférentiel sur les importations ivoiriennes ;
- Le blocage des avancements sur deux ans pour les travailleurs de la fonction publique.
Face à ces mesures d’austérité, les centrales syndicales lancent une grève générale qui est suivie par l’ensemble de la population, malgré l’état d’urgence décrété le 1er janvier et les manifestations et grèves interdites. Sur les pancartes on pouvait lire « Du pain, de l’eau et de la démocratie ». Le mouvement qui a su faire bloc contre cette loi de finances a réalisé le soulèvement populaire du 03 janvier 1966 qui entraîna la chute du premier régime. Malgré quelques résistances, Maurice Yaméogo va finir par céder face à la mobilisation de plus de 40 000 personnes.
Armelle Ouédraogo