En ce 5e et dernier jour d’interrogatoire du colonel-major Boureima Kiéré dans le cadre du procès du coup d’Etat de septembre 2015, l’accusé est resté droit dans ses bottes. Au cours des évènements du 16 septembre et jours suivants, il dit avoir travaillé d’arrache-pied aux côtés de la hiérarchie militaire pour une sortie de crise apaisée, et ce, dans l’intérêt supérieur de la nation. Pour lui, la signature qu’il a apposée sur le communiqué faisant du général Gilbert Diendéré le président du Conseil national de la démocratie (CND) ne fait nullement de lui un complice des putschistes.
Ce mercredi 21 novembre 2018, le colonel-major Boureima Kiéré, chef d’Etat-major particulier de la Présidence du Faso au moment de la prise du pouvoir par les putschistes en septembre 2015, s’attelait de nouveau à convaincre la religion du juge Seydou Ouédraogo et de ses pairs que contrairement à ce que les avocats de la partie civile et le parquet affirment, il est blanc comme neige dans le coup d’Etat de septembre 2015. En effet, les avocats de la partie civile, notamment Me Séraphin Somé, disent attacher un prix fort au communiqué signé par le colonel-major Kiéré, faisant du général Gilbert Diendéré, chef des putschistes, le président du Conseil national de la démocratie (CND), organe dirigeant des putschistes. Cela, car pour lui, ce communiqué est l’acte matériel consacrant l’atteinte à la sûreté de l’Etat. « La signature de ce communiqué est un acte essentiel dans la consommation et l’atteinte à la sûreté de l’Etat », a-t-il insisté avec véhémence. Mais pour l’accusé, il y a apposé sa signature sous les ordres du général Diendéré, sans pour autant en connaître toute la teneur. Egalement, il soutient que sa signature n’a pas été un élément essentiel dans la consommation du putsch d’autant plus que la proclamation de naissance du CND a été lue sans qu’aucune signature n’y soit apposée. « Si j’étais réellement engagé dans cette mouvance des putschistes, je n’allais pas seulement mettre des initiales au bas du communiqué, mais j’allais en plus de ma signature y mettre mon nom, mon prénom et mon grade afin de lui donner plus de valeur », s’est-il défendu.
Autres faits qui montrent la culpabilité de cette grande figure de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), selon les avocats de la partie civile, ce sont les messages téléphoniques que l’accusé a reçus ainsi que la mission héliportée de récupération de matériel de maintien d’ordre qu’il a dirigée au cours des évènements. Pour Me Somé, ces SMS ne le dédouanent pas, mais montrent à suffisance qu’il était dans le mouvement des putschistes. « On n’envoie pas des SMS de stratégies de consommation de coup d’Etat à quelqu’un qui y est opposé », a-t-il estimé. Egalement, pour ce défenseur des victimes, le matériel de maintien d’ordre avait pour unique but de restreindre les libertés et d’empêcher toutes contestations, afin de pouvoir asseoir le pouvoir du CND. Une thèse réfutée par l’accusé et son conseil qui estiment que c’était une mission militaire, puisqu’ayant eu la bénédiction de la hiérarchie militaire. . « A la réunion de la commission de réflexion et d’aide à la décision (CRAD), le commandement militaire n’a pas refusé que le général fasse venir du matériel militaire de maintien d’ordre qui était d’ailleurs destiné à la police et à la gendarmerie », a insisté le colonel-major Kiéré. Si la partie civile et le parquet estiment que c’est le général Diendéré et le colonel-major Kiéré qui ont commandité l’envoi de ce matériel, l’accusé s’est, lui, inscrit en faux contre cette allégation. Selon lui, c’est le commandement militaire, notamment le chef d’Etat-major de la gendarmerie, le colonel Tuandaba Marcel Coulibaly, qui a demandé du matériel de maintien d’ordre pour éviter les débordements et sécuriser les personnes et les biens eu égard de ce qui était advenu durant l’insurrection populaire d’octobre 2014. « C’est le chef d’Etat-major de la gendarmerie, le colonel Tuandaba Marcel Coulibaly qui, lors de la réunion de la commission de réflexion et d’aide à la décision (CRAD), qui a demandé du matériel de maintien d’ordre. C’est le commandement militaire qui a donc exprimé le besoin. C’est ce qui a motivé la mission héliportée. En plus du matériel de maintien d'ordre, il a demandé une réquisition au général Diendéré pour l'utilisation du matériel. On ne demande pas une réquisition à son subordonné. Si la police et la gendarmerie ont demandé des réquisitions, c'est qu'elles reconnaissaient ce nouveau pouvoir dirigé par le général Diendéré », a-t-il révélé.
Pour Me Mireille Barry et Me Traoré, conseils de l’accusé, cette situation a pu avoir lieu, parce que la hiérarchie militaire n’a pas pu dire au Premier ministre d’alors, le colonel Yacouba Isaac Zida, qu’il n’avait plus aucune forme de commandement dans l’armée. Toute chose qui pour eux montre que l’armée doit rester neutre face à la politique pour éviter certaines situations malheureuses. Pour eux, leur client n’a commis aucune infraction dans les évènements qui ont eu lieu le 16 septembre 2015 et jours suivants, car il n’a fait que suivre les instructions du chef d’Etat-major des armées qui était de rester et de faire en sorte que cette crise ait une issue heureuse.
En outre pour Me Traoré, le commandement militaire est resté dans un flou de légalisation et d’accompagnement du général dans son putsch, même s’il ne veut pas s’assumer. « Accompagner, ce n’est pas seulement parler. Ça se passe aussi dans les actes matériels. Le commandement a légalisé et accompagné le général. La hiérarchie aujourd’hui ne s’assume pas et c’est malheureux. Le procès-verbal du chef d’Etat-major général des armées, de la gendarmerie et du DG de la police comporte des contradictions et des contre-vérités », a-t-il déploré.
Quoi qu’il en soit, le colonel-major Kiéré estime avoir pris la bonne couverture durant ces évènements. Pour lui, c’est avec tact et dextérité qu’il a géré la crise en travaillant à ce qu’il n’y ait pas de résistance à l’intérieur afin d’éviter le pire au Burkina Faso.
En rappel, dans ce procès, il est accusé de complicité d’atteinte à la sûreté de l’Etat, de complicité de coups et blessures volontaires. A la barre ce mercredi matin, il a cédé sa place au bâtonnier Mamadou Traoré, poursuivi lui également pour les mêmes chefs d’accusation.
Candys Solange Pilabré/ Yaro