dimanche 24 novembre 2024

Hospitalité burkinabè : « Il y a quelque chose qui m’attire dans ce pays ; c’est comme un aimant et c’est cet aimant qui me fait toujours revenir », Macange Ngasca

IMG 20181105 WA0001Du 26 octobre au 04 novembre dernier, Ouagadougou a vibré au rythme du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO). Ainsi, dix jours durant, l’art et l’artisanat africains se sont exprimés sous toutes leurs formes. A la faveur de cette grand-messe, des participants venus des quatre coins du monde ont déposé leurs valises sur le sol burkinabè. Au nombre de ceux-ci, il y a Macange Ngasca, artiste camerounaise vivant en France. Malgré la psychose consécutive à la recrudescence des attaques terroristes au pays des hommes intègres, cette  citoyenne du monde  a tenu à vivre l’art et l’artisanat africains sur le sol burkinabè à l’occasion de cette biennale. Interrogée par Radars info Burkina, la passionnée d’art n’a pas tari d’éloges sur le Burkina Faso, sa population et son salon dédié à l’artisanat.

Radars info Burkina : Le Burkina Faso est un pays qui a conquis votre cœur dès la première fois où vous y avez posé vos valises. Qu’est-ce qui vous a le plus plu dans ce pays ?

Macange Ngasca : Il faut déjà situer le contexte. Je suis venue ici en 2007 et je suis repartie en 2009 dans le cadre du travail. Ce qui m’a le plus plu, c’est cette facilité de contact avec les gens, le sourire vrai qui illumine tous les visages. C’est là que j’ai compris l’expression « pays des hommes intègres ». Ici, tout le monde était prêt à me donner un coup de main, prêt à m’aider à trouver une solution dès le moindre tracas. J’ai été dans d’autres pays, mais il n’y avait pas cette chaleur et cette symbiose des cœurs. Il y a quelque chose qui m’attire dans ce pays ; c’est comme un aimant et c’est cet aimant qui me fait toujours revenir.

RIB : Cette fois, vous êtes revenue à l’occasion de la 15e édition du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou. Comment appréciez-vous cette grand-messe de l’art et de l’artisanat africains ?

MN : Je pense que l’une des richesses du Burkina Faso est le fait que dans ce pays, on s’intéresse à la culture. Qui dit art dit culture ; les deux vont de pair. Les deux années que j’ai passées ici m’ont beaucoup marquée. J’ai aimé participer à ce rendez-vous  de l’art et de l’artisanat africains.  Ce qui me plaît dans ce salon, c’est la richesse des œuvres exposées et cette  diversité,  tant sur le plan humain que celui productif. Il y a tellement de choses à voir : l’art capillaire, l’art vestimentaire, l’art culinaire, etc. Il y a un peu de tout et de toutes les nationalités. C’est vraiment un rendez-vous à vivre absolument.

RIB : Au regard de cette diversité et de cette symbiose culturelle que vous avez pu voir au fil des éditions. Est-ce qu’on peut dire aujourd’hui que l’artisanat et l’art burkinabè, et plus généralement africains, sont en marche et que les pays peuvent vraiment compter sur cet art pour le développement ?

MN : Je pense que s’il y a autant de gens qui répondent présents à ce rendez-vous culturel, c’est tout simplement parce que le salon a acquis ses lettres de noblesse. Aujourd’hui, il est connu partout dans le monde, que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe. Sur tous les continents, quand on parle du SIAO, on n’a même pas besoin d’expliquer. Pour la petite histoire, j’ai été à certains endroits reculés de la France où j’ai retrouvé des œuvres de bonne facture. J’ai, par exemple, demandé à un monsieur qui en détenait un où il avait trouvé un article de si bonne facture et il m’a répondu que c’était au SIAO. C’est dire donc que même au fin fond de la Bourgogne, j’ai retrouvé des œuvres qui venaient du SIAO.

RIB : Outre le contexte économique qui est difficile, cette 15e édition du SIAO se tient dans un contexte sécuritaire particulièrement difficile en raison de la recrudescence des attaques terroristes. Est-ce que ce contexte sécuritaire ne vous a pas fait réfléchir à deux fois avant de vous décider à poser vos valises au Burkina Faso pour le SIAO ?

MN : Malheureusement, aujourd’hui on vit dans cette psychose, peu importe l’espace géographique dans lequel on se trouve. Vous avez suivi le drame du Bataclan et tout ce que la France subit aujourd’hui comme attaques, tant du fait de personnes solitaires que de celui de groupes terroristes.  Cela est la preuve qu’en réalité, on n’est en sécurité nulle part et même qu’on est en insécurité partout. Si nous acceptions de vivre dans la peur, je pense que ce serait attribuer à ces individus malveillants une victoire qu’ils ne méritent pas. Je pars du principe que dès qu’on naît, on est assez vieux pour mourir et qu’on peut trouver la mort partout. C’est pourquoi je ne vais pas arrêter de vivre sous prétexte qu’il y a des fous qui sont là pour nous empêcher de respirer et qui veulent prendre en otages nos loisirs. C’est à nous aussi de leur prouver que nous n’avons pas peur et que nous vivrons malgré cette psychose. C’est le message que nous devrions leur envoyer, mais cela ne signifie pas que nous prenons des risques inutiles. En toute franchise, je me suis sentie en sécurité pendant cet événement. On était fouillé à au moins dix endroits différents. Le dispositif sécuritaire déployé au SIAO m’a vraiment rassurée.

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                            Macange Ngasca, artiste camerounaise, exprimant sa joie d'être sur le sol burkinabè

RIB : Vous êtes une habituée du SIAO ; qu’est-ce que vous pouvez faire comme proposition pour améliorer cette grand-messe de l’art et de l’artisanat africains les années à venir ?

MN : J’ai fait partie des privilégiés qui montraient patte blanche et accédaient sans grande difficulté au site du Salon. A l’inverse, certaines personnes étaient obligées de faire la queue pendant des heures, attendant qu’on leur dise : « Sésame, ouvre-toi ». Mais cela est dû au contexte sécuritaire qui fait qu’on est fouillé partout et à tous les niveaux ; les fouilles étant minutieuses, le temps d’attente est long. Beaucoup trouveront que le petit bémol à la réussite du Salon, ce sont les files d’attente. En outre,  autour de moi j’ai entendu des gens se plaindre du coût des produits exposés. Mais avec un peu de recul, on se dit que cela est peut-être dû aux coûts des stands, du transport et du séjour. Quoi qu’il en soit, c’est d’abord un rendez-vous culturel, humain un rendez-vous du donner et du recevoir.

RIB : Vous l’avez dit, le Burkina Faso est un pays que vous portez dans votre cœur. Quel vœu formulez-vous pour ce pays que vous chérissez tant ?

MN : Je tiens à remercier ce peuple, et cela me vient du fond du cœur. Je n’ai pas de mots assez forts pour dire merci au Burkina Faso, car ce pays a une identité, une âme. Mon souhait serait que le Burkina Faso ne perde pas ce fil d’amour. C’est cela qui fait sa spécificité au niveau africain, voire mondial. S’il y a un pays où on peut facilement poser ses valises et recevoir un sourire de tous les gens qu’on croise, c’est bien le Burkina Faso. Mon souhait également, c’est que ce pays vienne à bout du terrorisme, car il ne mérite pas toutes ces attaques qu’il subit au quotidien. Il mérite plutôt la stabilité économique, politique et sociale.

Propos recueillis par Candys Solange Pilabré/ Edwige Sanou

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