C’est un secret de Polichinelle, aucun pays ne peut prétendre au développement, ni aller au tertiaire sans industrie. Pourtant, ces dernières années, les industries burkinabè, notamment les huileries sont moribondes. Elles traversent une période difficile liée à l’écoulement de leurs produits. Cette mévente qui les étouffe aujourd’hui est de l’ordre de 10 000 tonnes d’huiles repartis, entre les différentes huileries du pays, soit près de 10 milliards de stocks invendus. Si pour certains, afin de juguler cette crise qui menace les emplois et l’économie du pays, les producteurs locaux doivent mettre l’accent sur la qualité de leurs produits et sur une véritable stratégie commerciale afin de conquérir le cœur du consommateur burkinabè, d’autres par contre estiment que le mal est bien plus profond et mériterait par conséquent des solutions structurelles et durables, en l’occurrence la fermeture des unités clandestines et la régulation, à des conditionnalités en matière d’importation de l’huile.
Aujourd’hui, sur le marché burkinabè, on retrouve des huiles produites au plan national, des huiles importées et celles produites frauduleusement par des unités classiques. Mais au regard de la concurrence déloyale que subit les entreprises burkinabè, le marché est inondé d’huiles souvent sans précision de nature et de qualité douteuse, vendues à vil prix au détriment des huileries locales dont la qualité des produits est contrôlée par le laboratoire national de santé publique. Pourtant, les huiles produites clandestinement et vendues à bas prix évitent les services de contrôle. Ce tableau noir du secteur des huileries tue chaque jour les industries locales. En outre, la non-maitrise de l’approvisionnement du marché, principalement du fait des importations incontrôlées à la frontière (quantités, absence de contrôle de qualité et droits de douanes) et à la commercialisation (fiscalité intérieure : TVA 18% et BIC 2%) est aussi un des principaux maux qui agonisent les industries locales.
En cette année 2018, ce sont environ 10 000 tonnes qui sont stockés sans preneur. Les producteurs ne savent plus à quel saint se vouer et les emplois sont de jour en jour menacés. Face à l’ampleur du phénomène, des solutions structurelles et durables doivent être trouvées pour relever les huileries et les rendre viables.
En vue de résoudre ce problème, les membres du Réseau des importateurs et distributeurs d’huiles alimentaires ont remis ce vendredi 21 septembre 2018 au ministre du commerce, de l’industrie et de l’artisanat Harouna KABORE, un mémorandum de solutions qui permettrait aux huileries burkinabè d’être plus compétitifs. Au nombre de ces solutions, on note l’enlèvement du stock d’huile alimentaire et des aliments de bétail de la SN-CITEC et des unités industrielles de production d’huiles alimentaires respectant le cahier de charges des huileries et la règlementation économique en vigueur aux conditions convenues, l’établissement d’un partenariat sous l’égide du ministère du Commerce entre le Réseau des distributeurs et la SN-CITEC pour la promotion de la production et la commercialisation des huiles alimentaires au Burkina Faso, la limitation des autorisations spéciales d’importation d’huile aux seuls membres du présent Réseau par le ministère du Commerce.
Les 13 et 14 septembre dernier, dans le cadre de la protection des unités industrielles nationales légalement constituées, la Brigade Mobile de Contrôle (BMC) après une opération de contrôle, a mis sous scellés 19 huileries non conformes sur 21 à Bobo-Dioulasso.
Bien avant, le premier ministre Paul Kaba THIEBA s’était appropriée la question en conviant les différents acteurs du domaine à la réflexion afin de sauver les huiles burkinabè. Un décret a alors été adopté en Conseil des ministres, pour permettre au ministère du Commerce de disposer d’un outil règlementaire pour réguler l’importation de ces produits. Ainsi, l’huile alimentaire, l’oignon, les pneus et la pomme de terre font maintenant partis des produits soumis à une autorisation d’importation.
Si tous sont unanimes que les importations non contrôlées et les huiles produites clandestinement par des unités classiques tuent les industries locales, d’autres aussi appellent les huileries burkinabè à revoir leur copie afin d’attirer et de fidéliser le consommateur burkinabè. « On veut bien consommer par patriotisme, mais souvent les huiles produites par les industries burkinabè nous laissent perplexes, car il y a souvent de fortes odeurs de la matière première qu’est l’arachide ou le coton. Il faut donc que les producteurs travaillent à améliorer la qualité des produits », estime Minata OUEDRAOGO, ménagère.
Pour Ibrahim Cheik DAHANI, les huileries burkinabè en termes de qualité n’ont rien à envier à ses concurrents, mais pour se positionner, elles se doivent de mettre en place une véritable stratégie commerciale. « Il faut imiter les autres concurrents pour pouvoir vendre, c'est-a-dire fabriquer des sachets d'huiles de 100 francs CFA, 200 francs CFA ou 500 francs CFA et des bidons de 1litre qui seront à la portée de la population. Avec cela, ils verront dans 6mois la demande dépassera l'offre », suggère-t-il.
Le Burkinabè est aussi réputé être quelqu’un d’assez ouvert aux produits venant de l’extérieur au détriment de ceux produits localement par les petites et moyennes industries, qui de par leur existence contribuent à réduire le taux de chômage au Burkina Faso et à donner des étoiles à l’économie nationale. Le problème se situe donc aussi bien au niveau de la population qu’au niveau des autorités. Le patriotisme, c’est aussi consommer ce qui est produit localement afin de valoriser les industries et les produits locaux. Chaque Burkinabè se doit donc de consommer les huiles burkinabè qui respectent les normes de qualité en la matière afin de participer à cet effort national de résurrection des huileries burkinabè.
Aussi, si l’on ne peut pas empêcher l’importation d’huile, il faut tout de même que la réglementation en la matière soit respectée dans toute sa rigueur pour la sécurité des consommateurs et des industries locales.
Candys Solange PILABRE/ YARO