« Sopal », « Koutoukou », « Quimapousse », « Gin », « Eperon », « Pastis », « Stricker », sont autant de liqueurs frelatées qui font le bonheur de nombreux jeunes. Tueurs silencieux, ces alcools frelatés volent pourtant la jeunesse et compromettent l’avenir des adeptes. Ces esclaves de ces breuvages mortels, ont à la fleur de l’âge, leur ticket de la mort en poche, en attendant une crise cardiaque ou une cirrhose du foie pour les pousser dans leurs cercueils. M.K, technicien audiovisuel de son état, fait parti de ces alcoolo-résistants qui ont choisi de convoler en justes noces avec les liqueurs frelatées, et ce au grand damne de son épouse, qui par la force des choses s’est résignée à vivre avec cette rivale.
Nombreux sont les jeunes burkinabè qui quotidiennement « se saoulent la gueule» avec les liqueurs frelatées au péril de leur vie. M.K, technicien audiovisuel, malgré son niveau d’instruction acceptable fait parti de ces jeunes qui ont choisi de se tuer à petit feu en se faisant esclave des alcools frelatées. Il a jeté son dévolu sur ces aides à mourir vendus dans les boutiques à liqueur, les kiosques à café, dans les cabarets, les bars et les gargotes, à cause de son coût moins élevé et de son accessibilité : A 25 francs CFA, 50 francs ou à 100 francs CFA, il peut s’offrir la boule ou le goulot de liqueur qui fait l’objet de ses plaisirs. Et le plaisir, c’est qui pousse notamment ce jeune technicien aux milles talents à boire, même si souvent les difficultés de la vie sont aussi la cause de son gueule de bois. « Je bois pour plusieurs raisons. Souvent, c’est parce que j’ai des problèmes dans ma vie de couple et dans mes activités professionnelles que je m’en vais prendre des boules pour oublier ou me défouler. Mais, la plupart du temps, je bois pour le plaisir », nous confie t-il.
Squelettique, les joues boursoufflées, le visage gras, les yeux rougis comme la couleur du feu vif, les lèvres rougissantes, le tout enveloppé d’une peau pâle sur laquelle se dessinent ses vertèbres, M.K du haut de ses 1m70, la trentaine révolue, aime le monde dans lequel l’alcool l’emporte. « En fait, quand tu es en état d’ivresse, tu te dis que tu es fort, tu crois raisonner mieux qu’en étant sobre », se défend t-il. Mais, ce monde magique dans lequel il croit être en état d’ivresse, ne le fait pourtant pas ignorer le mal qu’il fait autour de lui à cause de sa dépendance aux frelatés. En effet, il a conscience que son addiction aux liqueurs frelatées impacte négativement sur sa vie de foyer et sur ses activités professionnelles. « Ma femme se plaint tout le temps, mais elle n’y peut rien. Sur le plan professionnel, j’ai à maintes reprises résilié certains contrats, car je n’avais plus le temps d’aller dans une gargote pour me prendre une boule de liqueur ».
Son addiction a aussi des répercussions sur sa vie sociale. « Quand tu bois régulièrement, tu ne peux plus prendre une décision, parce que tu te dis que sans l’alcool, tu ne peux rien résoudre comme problème. Pourtant, l’homme qui prend l’alcool essaie de tisser des relations avec des gens dans les kiosques à liqueurs et autres gargotes. Ce qui lui fait payer à boire aux gens, et après il se trouve ruiner et cela joue sur sa vie conjugale, parce qu’une personne qui se retrouve à boire du matin au soir dans un kiosque à liqueur n’aura plus rien à donner à sa famille. Cela joue aussi sur l’entourage, car les gens te prennent pour un vaurien », explique-t-il. Mais face à tout ce désastre causé dans sa vie, cette liqueur incolore d’une forte odeur et d’un goût à faire des grimaces, continue de l’attirer fortement.
Tout comme M.K, ils sont nombreux ces jeunes qui sont pris dans le piège de cette tueuse silence que représente l’addiction aux liqueurs frelatées. Toutefois, d’un consommateur à un autre les causes de la dépendance varient. Les soucis, la détresse, la pauvreté, la misère, le chômage, le plaisir et la mauvaise compagnie, sont autant de facteurs qui sont utilisés pour justifier l’abus des alcools frelatées.
Mais, à l’image de M.K, technicien audiovisuel et instruit, le chômage ou la pauvreté ne saurait expliquer cette addiction. C’est la recherche du plaisir effréné, qui a emprisonné le technicien dans ce cercle vicieux. Un plaisir malsain qui conduit indéniablement au tombeau, à cause des conséquences néfastes sur la santé. En effet, ces méfaits vont de la déformation physique, la perte d’appétit chronique, la dépendance à plein temps, la dépression mentale, les vives agitations, les douleurs abdominales, l’hypertension artérielle, les troubles gastriques, la cirrhose du foie, l’hépatite, la crise cardiaque, à la mort du consommateur. A cela, s’ajoutent les répercussions sur le travail, la situation financière et la détérioration des rapports avec les membres de la famille et avec les amis.
Ce phénomène mérite donc d’être pris au sérieux, car il affecte la santé publique, la sécurité et le développement dans toutes ses dimensions. Pour venir à bout de ce fléau qui consume et tue la jeunesse, il est nécessaire d’éduquer, de responsabiliser et sensibiliser sur les dangers de ces liqueurs frelatées. Faute de quoi, ils seront toujours nombreux, ces esclaves des alcools frelatés, à être chaque année des candidats sérieux à la mort, amputant ainsi le Burkina Faso de son moteur de développement, qui est la jeunesse dans la sobriété.
Edwige SANOU
Alexiane YAMEOGO stagiaire