Le phénomène du tabagisme a envahi l’autre moitié du ciel. Fumer n’est plus seulement une habitude masculine au Burkina Faso. La gente féminine s’adonne de plus en plus à cette pratique, une situation alarmante. Ainsi, à Ouagadougou, le tabac se conjugue désormais aussi au féminin. Il n’est plus rare de constater dans les artères de la ville des femmes en train de fumer la cigarette sans gène. Quelle en est la raison ? Comme F.O, nombreuses sont ces femmes pour qui « fumer est un mal nécessaire ».
Tout a commencé comme un jeu, il y a de cela dix (10) ans, en 2008, quand F.O n’avait que quatorze (14) ans. Cette adolescente se plaisait à observer sa grande sœur fumer, sans pour autant comprendre pourquoi elle le faisait. « Ma sœur fumait et je trouvais cela drôle, donc j’ai voulu essayer. J’ai aimé et c’est parti », explique F.O.
Elle ignorait la gravité de son geste. « C’est un cercle vicieux, tu rentres facilement et après tu te retrouves emprisonné », a-t-elle déploré. « Impossible » pour F.O aujourd’hui d’arrêter de fumer après plusieurs tentatives d’arrêt. La cigarette est pour elle un mal nécessaire. Aujourd’hui, elle termine à elle seule un paquet de cigarettes chaque deux jours, soit 10 bâtons par jour.
Du haut de ses 1m 70, cette jeune femme dit fumer en cachette. « Il y a de cela cinq (5) ans que mes parents ont su que je fumais. Je ne le fais pas chez moi, donc ils ne me voient pas souvent fumer. Ils savent que je fume, mais ils ne me voient pas le faire, donc difficile pour eux de me reprocher quelque chose. Maman c’est lorsque les couleurs de mes lèvres changent, elle me dit, ah tu as arrêté. Et quand ça recommence à noircir elle me dit ceci, je sens que tu as repris, je change de sujet de conversation en même temps », nous a-t-elle confié.
En Afrique et particulièrement au Burkina Faso, les us et coutumes empêchent les femmes de fumer, surtout au vu et au su de tout le monde. Celles qui fument sont le plus souvent stigmatisées. « Côté social ici ce n’est pas facile. Une fille qui fume automatiquement on te classe dans un cercle, on te traite de dévergondée, ou en général de prostituée. On est Africain, la femme africaine doit rester vertueuse », reconnait tout de même F.O.
Le tabagisme, un cercle vicieux
Il n’y a pas plus aveugle que celui qui refuse de voir ; a-t-on coutume de dire. Il est toujours inscrit sur les panneaux de publicité ou les boîtes de cigarettes, « abus dangereux pour la santé », mais cela ne semble pas freiner les fumeuses de cigarettes dans leur élan. « Le pire est que je suis consciente des méfaits de la cigarette sur mon organisme, mais ce n’est pas facile. Mon boulot me stress et lorsque je le suis, je veux fumer une cigarette. Lorsque je vois par exemple quelqu’un fumer ou que je sens la fumée quelque part, l’envie me prend. C’est un peu compliqué. J’abuse, je le reconnais, mais espérons que je puisse arrêter », affirme t-elle.
Pour F.O, la cigarette n’a pas actuellement un effet majeur sur sa santé, mais elle ressent souvent des douleurs au niveau de sa poitrine lors de ses séances de sport. Malheureusement, ces douleurs ne sont qu’une partie visible de l’iceberg. La cigarette est une tueuse silencieuse. Les conséquences du tabac sont nombreuses. Chez la femme elle peut entraîner des maladies cardiovasculaires, des cancers et des infections respiratoires. Le tabac provoque également des cancers spécifiquement féminins et a des effets nocifs sur la grossesse et la santé reproductive. Les femmes qui fument sont plus susceptibles de connaitre les problèmes de stérilité ou d’avoir du mal à tomber enceinte.
Le tabagisme pendant la grossesse accroît les risques de prématurité, de mortalité et de décès néonatal. Il accroit aussi chez les femmes le risque du cancer du col de l’utérus.
Judith TCHIMADI