La représentation nationale a adopté une loi portant institution du Service national patriotique le 17 août dernier, service ayant existé auparavant sous la dénomination de Service national populaire (SNP), devenu plus tard le Service national de développement (SND). Est-ce la renaissance du Service national populaire de la Révolution ? Quel sort sera réservé au Service national patriotique après la lutte contre le terrorisme ? Serge Bayala, membre de la société civile, et Alouna Traoré, conseiller juridique de Thomas Sankara, ancien membre des Comités de défense de la révolution (CDR), donnent des éléments de réponse.
Pour Serge Bayala, acteur de la société civile, le service national patriotique est une bonne chose qui a même tardé à venir. « Au regard du contexte actuel d'insécurité, c’était un impératif. J’apprécie positivement cette réforme du Service national de développement (SND) qui devient un programme national du service patriotique », dit-il.
Selon ses explications, au moment de la révolution, appelé Service national populaire, ce programme avait pour mission « de faire du citoyen burkinabè un acteur civiquement ancré dont on ne doute pas des valeurs morales et spirituelles. Ledit programme visait en outre à armer patriotiquement le Burkinabè pour en faire un fidèle compagnon de sa patrie et non un traître à la république comme on l'observe à travers les différents actes de corruption à haute échelle en anticipant sur la dégradation des valeurs républicaines. Il avait également pour objet de doter chaque citoyen qui est appelé à servir l'Etat d'un minimum de capacités militaires à même de lui permettre d'assurer sa propre sécurité et d'avoir des réflexes basiques individuels et collectifs en matière de sécurité pour défendre son pays ».
Interrogé sur les éventuels inconvénients de ce SNP, il répond que lorsqu’on dote quelqu'un de capacités, il peut en faire un bon ou mauvais usage.
« C'est en cela qu'il est nécessaire de plonger le citoyen dans les valeurs morales avant de lui donner les aptitudes militaires afin qu'elles ne soient pas utilisées contre la république ou les populations dans les actes de grand banditisme, de braquage ou de terrorisme », a-t-il indiqué.
En outre pour M. Bayala, il est bien que le programme soit spécifié aux différents corps socioprofessionnels de la fonction publique mais il serait encore mieux qu’il prenne en compte la masse des jeunes qui ne sont pas éligibles aux concours, car le défi de la construction du citoyen patriotique est général. « Il est nécessaire pour le menuisier, le plombier, bref, indispensable pour tout le monde. Donc on ne peut pas le restreindre à une petite catégorie de gens. Que le gouvernement trouve donc une modalité de prise en compte de la grande majorité silencieuse des masses paysannes, des jeunes au chômage. Cela pourrait être une aubaine pour eux car en plus d'être réservistes, ils pourraient mettre cette compétence au service des sociétés privées de gardiennage », défend-il.
Selon Alouna Traoré, naguère conseiller juridique de Thomas Sankara et ancien membre des Comités de défense de la révolution (CDR), « celui qui se noie s'accroche à tout car il vaut toujours mieux faire quelque chose que rien. Donc le Service national patriotique est l’école pour apprendre à aimer son pays et le patriotisme doit bien s’y cultiver ».
A l’en croire, le mal du service national populaire sous la révolution est qu’il était adressé à une certaine catégorie de gens. « C'était la préférence des instruits au lieu de prendre en compte toute la jeunesse instruite et non instruite ».
Ainsi, il pense qu’il n'y a pas de différence entre le service national populaire sous la révolution et le service national patriotique aujourd’hui, hormis la tranche d'âge qui a évolué à 35 ans et plus.
C’est pourquoi il estime que le service national patriotique gagnerait à s’occuper aussi de ceux qui n’ont pas été à l’école, notamment ceux qui sont sur les sites aurifères, dans les villages, les marchés, etc.
« Il faut s’occuper de cette jeunesse pour ne pas manquer le coche. L’appel patriotique concerne toute la jeunesse, toutes tendances confondues, tous ceux qui sont capables de défendre la patrie. Il faut que le SNP soit vraiment populaire, à la portée des masses fondamentales », a-t-il notifié.
De plus, il soutient qu’il faut reformuler le SNP, dénonçant la question de la rémunération des « appelés ». « Quand on aime, on donne ce qu’on a de plus cher, on se sacrifie pour sa patrie. Que le SNP inculque donc ces valeurs de noblesse, d’amour de la patrie et qu’il soit un creuset de formation de tous au métier des armes, car les peuples conscients assurent leur propre sécurité », a-t-il souligné.
Toujours selon Alouna Traoré, même après la guerre, le service national patriotique devrait se poursuivre, car il y va de la sécurité du pays.
Flora Sanou