dimanche 24 novembre 2024

Commerce dans l’administration : « C’est une concurrence déloyale qui ruine les petits commerçants que nous sommes », Aboubacar OUEDRAOGO, commerçant

32378493 153977062126440 7881300979985940480 nLe commerce est devenu une pratique courante dans l’administration publique burkinabè et ce, au mépris de la loi qui pourtant est claire là-dessus. Il s’agit de l’article 40 alinéa 2 de la loi 081 du 24 novembre 2015 qui dispose que « le fonctionnaire ne peut exercer des activités commerciales ou lucratives autre que la commercialisation de ses activités littéraires, scientifiques, artistiques et agro-pastorales non industrielles, ni avoir par lui-même ou par personnes interposées, sous quelque dénomination que ce soit, à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, dans une entreprise dont il a ou avait l’administration, la gestion ou le contrôle. La pratique aurait même le vent en poupe si l’on en croit certains ». Pour comprendre un peu plus sur cette pratique illégale mais tolérée, Radars Info Burkina est allé à la rencontre de ceux qui côtoient ces commerçantes d’un autre genre, puisque l’écrasante majorité de ceux qui s’adonnent à la pratique sont des femmes. Nous sommes aussi allés à la rencontre des commerçants qui subissent d’une manière où d’une autre cette pratique qui est désormais si banale qu’elle en vient à passer inaperçue.

 

Pagnes, habits, friandises, jus etc., tout y passe ! De plus en plus dans les administrations au Burkina Faso, on assiste à une prolifération d’un commerce atypique si bien qu’à l’heure de pause dans certains services, les agents ne sont plus obligés de se rendre dans les restaurants. Ils y trouvent tout « sur place » c'est-à-dire avec une collègue qui en plus de son travail de fonctionnaire, a décidé de faire autre chose pour comme on le dit, « arrondir les fins de mois » comme nous l’ont confié certaines « vendeuses » qui ont requis l’anonymat. Bien qu’illégale, la pratique se perpétue et les auteurs ainsi que les collègues de travail ne semblent s’en offusquer outre mesure ; sauf quand la question est posée en aparté. On comprend alors que nombre de fonctionnaires non vendeurs désapprouvent une pratique qui peut nuire au bon fonctionnement de l’administration.aboubacar

Aboubacar OUEDRAOGO, commerçant : « Le commerce auquel certains agents s’adonnent nous cause beaucoup de problèmes. Mais, nous assistons impuissamment au fait qu’il se perpétue. J’estime que ce sont nous commerçants qui de par notre organisation qui donnent des verges pour se faire battre. C’est vrai que nous avons des syndicats, mais ils ne sont pas si forts et leurs responsables ne sont pas impactés par le commerce des fonctionnaires. C’est surtout nous autres « petits » commerçants qui en pâtissons ».

Mahamadi ZONGO, Service Direction des ressources humaines au ministère de la santé : « Il n’y a pas d’ambigüité du moment où un fonctionnaire n’a pas le droit de faire du commerce à fortiori dans l’administration comme l’intitule la loi 081. Si la pratique perdure, je me dis que cela doit être dû  à des difficultés de dysfonctionnements et de laxisme de l’administration. Et tant que ce laxisme va continuer, la pratique va toujours perdurer. Il faut que des sanctions soient prises contre ceux qui s’adonnent à cette pratique ».

 millogo

Christian Bernard MILLOGO, Informaticien au MENA : « Si l’Etat appelle quelqu’un pour faire une activité, tu n’as plus le droit de mener une autre activité. Mener une autre activité cause problème à deux niveaux : cela emmène les agents à délaisser leurs tâches pour lesquelles ils sont payés  pour s’adonner à d’autres activités. A la limite, ceux qui s’adonnent à ce commerce peuvent le faire hors des jours et heures de services. Je ne les condamne pas, mais j’estime qu’il y a des priorités  à faire. Des contrôles devraient être faits pour mettre fin à la pratique, mais c’est surtout aux agents de faire leur examen de conscience ».

Valentin COULIDIATY : « L’administration n’est pas un marché. Supposons qu’un jour un document se perde avec les attroupements qu’on  observe souvent dans les bureaux. Je pèse mes mots mais faire du commerce dans l’administration, c’est de la pure arnaque. Il faut que les premiers responsables des administrations prennent leurs responsabilités ».

Zakaria, OUEDRAOGO, commerçant : « Les grands commerçants n’ont pas connaissance du tord que ça nous fait. Je me souviens qu’une année, nous avons posé le problème puisque nous avons savons aussi que la loi interdit la pratique. Mais depuis plus rien. C’est du sabotage de notre activité et une concurrence déloyale puisqu’eux ne payent ni taxes, ni impôts, ni patentes. C’est l’économie qu’on tue parce qu’il nous arrive de tenir par devers nous des zakariamarchandises sans pouvoir les écouler et ils en partie responsables ».

Pierre OUEDRAOGO, fonctionnaire au MINEFID : « Le commerce devrait être banni dans l’administration, parce qu’entre être fonctionnaire ou commerçant, chacun devra choisir. Les textes sont clairs là-dessus, un fonctionnaire n’a le droit de faire du commerce nulle part et encore moins dans l’administration publique. Il faut que des mesures soient prises pour dissuader les éventuels intervenants. Je constate pour ma part que loin de régresser, la pratique gagne en ampleur surtout au niveau des femmes qui emmènent des pagnes ou même de la nourriture souvent pour vendre à leurs collègues ».

Soumana LOURA

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