samedi 23 novembre 2024

Le Burkina de 1960 à nos jours: « Il y a pas mal de valeurs humaines que nous avons perdues », Simon Ouédraogo, 73 ans, inspecteur du travail à la retraite

ssmon 2Le Burkina Faso fête ce 5 août 2021 les 61 ans de son accession à l'indépendance. A cette occasion, Radars Info Burkina a tendu son micro à Simon Ouédraogo, 73 ans. Il est inspecteur du travail à la retraite et président de la Maison des retraités Antoine-Nanga à Ouagadougou. Il revient sur cette époque des indépendances et dépeint les changements considérables intervenus depuis lors au pays des hommes intègres. Selon ce septuagénaire, « il y a pas mal de valeurs humaines que nous avons perdues ».

Simon Ouédraogo est né en avril 1948. A l’époque des indépendances, ce septuagénaire était au CM2. C’est par le biais de nos instituteurs d’école que lui et ses amis ont eu vent de la proclamation des indépendances. Originaire de Zagtouli, localité située à quelques encablures de la capitale burkinabè, Simon Ouédraogo explique que ce n’était pas tout le monde qui avait la possibilité d’avoir un poste radio et que c’est son directeur d’école à l’époque, Jacques Kiba, qui leur a expliqué le sens de l’indépendance. « Jusqu’en 1961 nous chantions toujours l’hymne national français », fait remarquer Siméon Ouédraogo. « Pour ce qui concerne les changements intervenus de 1960 à nos jours, c’est au niveau de l’alphabétisation que nous étions assez ouverts sur le monde. Nous avons appris que le monde ne se limitait pas à la Haute-Volta de l’époque. Nous savions qu’il y avait aussi d’autres pays qui accédaient à l’indépendance Dans un premier temps, c’était l’euphorie mais on ne savait pas exactement ce que l’indépendance signifiait. Il fallait peut-être être un fonctionnaire pour savoir comment fonctionnait l’administration, le changement qui a pu se faire depuis cette indépendance. Elèves que nous étions à l’époque, nous avons commencé à comprendre l’indépendance vers les années 1968-1969, année où nous aussi nous avons commencé à travailler comme cadre de l’administration générale pour servir à la fonction publique. »

Les mœurs ont-elles évolué ? Voici la réponse de notre interlocuteur à cette question : « Aujourd’hui, on peut dire qu’avec les moyens de communication qui ne sont pas seulement sous le contrôle des parents, les enfants aussi s’éduquent avec la télé et le téléphone portable. On peut dire qu’aujourd’hui, les parents sont désorientés par rapport à l’avance que les enfants ont prise. Ils contestent ce qu’on leur avait appris dès le bas âge. C’est un peu décevant. Aujourd’hui, l’être humain n'a plus de valeur. A l’époque on pouvait passer un long temps sans entendre que quelqu’un a été tué dans le village mais aujourd’hui tous les jours on n’entend que des nouvelles d’assassinats, des cadavres sont déterrés, on tue des gens pour leur prélever des organes.  Aujourd’hui, les gens se comportent comme des animaux. Sur le plan moral, de 1960 à nos jours, ce n’est plus la même chose. Il y a pas mal de valeurs humaines que nous avons perdues. »

Qu’en est-il de la crise de l’éducation ? « A notre époque, le maître d’école était presque comme un dieu. Aujourd’hui on voit des parents faire irruption dans des classes pour menacer des enseignants, ce qui n’est pas normal. Aujourd’hui un élève du primaire veut se mêler des programmes que le gouvernement met en place. On ne sait pas avec quelle expérience un élève du primaire peut distinguer ce qui est bon de ce qui est mauvais dans un programme scolaire. On a l’impression que les jeunes d’aujourd’hui sont trop impatients de remplacer les autorités en place alors que chacun doit être patient et attendre son temps », a répondu le septuagénaire.

Bessy François Séni

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