Amnesty international a procédé ce mercredi 7 avril 2021 au lancement de son rapport mondial annuel 2020 au cours d’une conférence de presse à l'institut français de Ouagadougou. En ce qui concerne la situation des droits de l’homme au Burkina Faso, l’organisation internationale estime que les groupes armés se sont livrés à une violation des droits humains à travers des homicides et des enlèvements. Les forces de sécurité (FDS Ndlr) auraient, quant à elles, procédé à des exécutions extrajudiciaires et commis des actes de torture. Cette rencontre était animée par Yves Boukari Traoré, directeur d'Amnesty International, Fatimata Ouédraogo, coordinatrice jeunes et genre, et Moussa Ouédraogo, coordonnateur éducation aux droits humains.
Selon Amnesty international, des affrontements entre groupes armés ont éclaté régulièrement et la population civile a subi des attaques, souvent sous-tendues par des considérations ethniques et susceptibles de s’apparenter à des crimes de guerre. Depuis le début de l’année, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) maintenait un blocus de la ville de Djibo, dans la province du Soum (région du Sahel), restreignant l’accès à ladite localité et la circulation des personnes sur 37 kilomètres.
Le rapport d’Amnesty international indique qu’en mars, les koglweogo, un groupe armé d’« autodéfense », ont effectué des raids sur 3 villages du département de Barga (région du Nord), tuant au moins 43 habitantes et détruisant des bâtiments. Le même mois, au moins 10 civils qui se trouvaient à la mosquée dans le village de Cissé (région du Sahel) ont été emmenés et tués par des hommes armés non identifiés, selon les médias. En mai et en août, au moins 45 personnes ont trouvé la mort lorsque des assaillants non identifiés ont ouvert le feu sur des marchés à bétail dans la ville de Kompienbiga et le village de Namoungou (région de l’Est). En juillet, le maire de Pensa et 10 autres personnes ont été tués ; entre les villes de Barsalogho et de Pensa (région du Centre-Nord), leur convoi est tombé dans une embuscade tendue, semble-t-il, par des membres du GSIM. Un mois plus tard, Souhaib Cissé, leader de la communauté musulmane de la province du Soum, a été enlevé par des hommes armés alors qu’il rentrait chez lui, à Djibo. Son corps a été retrouvé quatre jours plus tard à la périphérie de la ville. Le droit à l’éducation était fortement restreint du fait des attaques armées perpétrées par le GSIM et l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) contre des établissements primaires et secondaires. Des élèves, des étudiantes et des enseignantes étaient fréquemment menacés de violences. Le ministère de l’Éducation nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales a indiqué que 222 professionnelles de l’éducation avaient été « victimes d’attaques terroristes » entre janvier et avril. Selon l’UNICEF, environ 3 000 établissements scolaires étaient fermés en avril pour des raisons de sécurité.
L’organisation internationale n’a pas passé sous silence les exécutions dites extrajudiciaires perpétrées par le Groupement des forces antiterroristes (GFAT). En effet, le 9 avril, à Djibo, 31 personnes ont été arrêtées et exécutées par des membres dudit groupement lors d’une opération. Bien que les autorités aient annoncé l’ouverture d’une enquête sur ces homicides, qui pourraient constituer des crimes de guerre, aucune autre information n’avait été rendue publique à ce sujet, précise le rapport.
D’autres tortures et mauvais traitements ont été infligés par les forces de l’ordre. Le 11 mai, des gendarmes, accompagnés de « volontaires », ont arrêté au moins 25 personnes dans un marché de la ville de Kpentchangou (région de l’Est) et les ont placées en détention. Le lendemain matin, 12 d’entre elles ont été retrouvées mortes dans leurs cellules au poste de gendarmerie de Tanwalbougou. La gendarmerie a nié toute responsabilité dans ces décès. Cependant, selon les survivants, libérés en juin, ces 12 hommes sont morts après avoir été sévèrement battus par des gendarmes. Les autorités ont affirmé qu’elles diligenteraient une enquête, mais aucune information à ce sujet n’avait été communiquée publiquement à la fin de l’année.
Amnesty international, citant le HCR, indique que les violences fondées sur le genre, y compris les viols, les mariages précoces ou forcés ainsi que la prostitution et les autres formes d’exploitation et d’atteintes sexuelles, se sont multipliées en raison du conflit. Il était difficile pour les victimes d’obtenir de l’aide car les services prodiguant des soins de santé sexuelle et reproductive étaient souvent perturbés par le conflit, voire inexistants. De plus en août, selon le HCR, on dénombrait un million de personnes déplacées à l’intérieur du pays en raison du conflit. Les camps pour personnes déplacées ou réfugiées étaient la cible d’attaques lancées par les différentes parties au conflit. En mai, des militaires ont roué de coups 32 personnes réfugiées dans le camp de Mentao (région du Sahel). Cela faisait suite à une attaque contre l’armée le jour même, qui avait causé la mort d’un soldat, et dont les auteurs se seraient réfugiés dans le camp. Selon Amnesty international, le HCR a appelé les autorités à enquêter sur ces faits et celles-ci ont répondu que des hommes armés se trouvaient dans le camp. En octobre, 25 personnes déplacées ont été tuées dans une embuscade tendue par un groupe armé près de la ville de Pissila (région du Centre-Nord). Les survivants ont indiqué que les assaillants avaient exécuté les hommes après les avoir séparés des femmes et des enfants, qui avaient ensuite été relâchés.
Amnesty international souligne par ailleurs une atteinte aux droits à la vérité, à la justice et à des réparations au cours de cette période. Selon elle, en février, le commandant des koglweogo dans la province du Namentenga (région du Centre-Nord), Boureima Nadbanka, a obtenu du tribunal de grande instance de Kaya une remise en liberté provisoire. Cet homme avait été arrêté en décembre 2019 dans le cadre d’une enquête sur les homicides illégaux de 50 personnes et les disparitions forcées de 66 autres. Les faits s’étaient déroulés dans le village de Yirgou (province du Sanmatenga) en janvier 2019. La procédure engagée à l’encontre de Boureima Nadbanka n’avait pas connu de développement significatif à la fin de l’année.
Amnesty international pense aussi que le droit à la liberté d’expression et de réunion a aussi pris un coup dur en 2020. En janvier, une voiture appartenant à Yacouba Ladji Bama, journaliste d’investigation et rédacteur en chef du Courrier confidentiel, a été incendiée devant le domicile de ce dernier. Selon des syndicats de journalistes, cette attaque avait pour objet de le dissuader de continuer à dévoiler des affaires de fraude et de corruption. Le même mois, le conseil municipal de Ouagadougou a interdit arbitrairement un sit-in devant le palais de justice, organisé par le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC). Le CISC dénonçait le fait que les autorités ne rendent pas justice s’agissant des 50 personnes tuées par les koglweogo à Yirgou en janvier 2019. En août, les autorités ont empêché des partisans du président destitué Blaise Compaoré de manifester, leur refusant l’accès à la maison du Peuple, à Ouagadougou, où devait se tenir leur rassemblement, sans aucune justification officielle.
Le rapport annuel 2020 d’Amnesty international en ce qui concerne le Burkina Faso précise en outre qu’il y a eu atteinte au droit à la santé des travailleuses et des travailleurs. Ainsi, souligne-t-il, en mars le Syndicat national des travailleurs de la santé humaine et animale (SYNTSHA) s’est dit préoccupé par l’impréparation du pays face à la pandémie de COVID-19 et a appelé les pouvoirs publics à protéger davantage les professionnels de la santé en première ligne. Le SYNTSHA a régulièrement dénoncé le manque d’investissements dans les infrastructures et le non-respect par l’État de l’accord de 2017 visant à améliorer les conditions de travail du personnel soignant.
Synthèse de Bessy François Séni