Le président du CICR, Peter Maurer, est en visite au Burkina Faso depuis le 12 septembre. A sa 2e visite au pays des hommes intègres, il s’est rendu dans la ville de Kaya qui accueille 102 494 personnes déplacées internes sur les 1 013 234 que comptait le pays à la date du 8 août 2020, pour s’imprégner des problèmes humanitaires de la région. Radars Info Burkina a profité de l’occasion à Kaya pour s’entretenir tour à tour avec Dominik Stillhart, directeur des Opérations du CICR, et Patrick Youssef, directeur régional pour l'Afrique au CICR, sur le dialogue confidentiel qu’entreprend le CICR avec chacune des parties au conflit et sur d’autres sujets d’actualité.
Selon Patrick Youssef, le dialogue et la confidentialité avec toutes les parties au conflit sont essentiels. «C'est un outil pour permettre à nos équipes d’agir en toute rapidité, voire en toute flexibilité, pour pouvoir accéder aux populations en détresse et dans le besoin », a-t-il indiqué.
L’intérêt de ce dialogue, c'est la capacité du CICR à négocier des accès, afin d'accéder aux populations les plus vulnérables qui habitent non seulement dans les régions contrôlées par le gouvernement mais aussi par les groupes armés non étatiques. En procédant ainsi, le CICR veut également s’assurer du respect des principes du Droit international humanitaire (DIH) par les porteurs d’armes étatiques ou non étatiques.
Cette confidentialité est-elle synonyme de complaisance ?
« Bien sûr que non. Nous ne sommes qu’un acteur humanitaire. Nous ne sommes pas un acteur qui va imposer des sanctions aux groupes armés, qui va assurer une fraternité, une amitié avec les groupes armés.
Notre rôle est, comme le monde entier le sait depuis 157 ans, de dialoguer avec toutes les parties au conflit. Notre neutralité et notre impartialité nous imposent tout simplement un dialogue, même si ce dialogue ne plaît pas à ceux qui critiquent cette approche. Encore une fois, nous portons la voix des vulnérables, de ceux qui ne doivent pas être déçus par une action humanitaire, qui ne doivent pas voir seulement des acteurs humanitaires agir dans les endroits contrôlés par les armées nationales mais aussi sur l’entièreté du territoire. Il faut avouer qu’il y a dans le monde environ 60 millions de personnes qui vivent sous le contrôle des groupes armés. A travers le monde, nous dialoguons avec 465 groupes armés ; c’est notre mode opératoire», a soutenu le directeur régional pour l'Afrique au CICR.
Pour lui, le CICR tente toujours d’expliquer cette approche confidentielle et c’est un travail qui exige beaucoup de rigueur. « Lors de la signature des Conventions de Genève le 12 août 1949, qui constituent les piliers du DIH, les guerres étaient entre Etats. Aujourd’hui, la plupart des guerres sont entre les groupes armés non étatiques et les Etats. Donc la qualité du dialogue et le pourquoi du dialogue doivent être expliqués rigoureusement à tout le monde, les populations y incluses», a expliqué Patrick Youssef.
L’accès aux personnes vulnérables ne se fait pas sans difficultés, mais selon Dominik Stillhart, directeur des Opérations du CICR, pour l’instant des interventions par avion sur le terrain ne sont pas envisagées.
« Notre approche, c’est d’essayer toujours de travailler sur la base d’accords avec toutes les parties au conflit qui contrôlent le territoire. Donc nous sommes en constante négociation avec tout le monde pour avoir accès au maximum de personnes vulnérables. On essaie plutôt par voie terrestre car par avion ce n’est pas efficace et ça coûte extrêmement cher et on ne peut transporter que de petites quantités d’aide humanitaire. Donc on doit vraiment essayer de travailler sur l’accès des axes principaux comme on l’a réussi dans quelques endroits au Nord et à l’Est du pays», a-t-il confié.
Dans un article d’Emmanuel Dupuy paru en début août 2020 dans le média français Valeurs actuelles, des accusations sont portées contre le CICR au Burkina Faso. Dominik Stillhart a souligné qu’il est important de comprendre l’approche du CICR en tant qu’organisation neutre, impartiale et indépendante. «Pour avoir accès aux populations dans la détresse, on a besoin d’accords, de garanties de sécurité pour pouvoir travailler. C’est ainsi que nous cherchons, partout où nous sommes dans le monde, à mener ces négociations, mais le but de ce dialogue avec les différents groupes, c’est toujours l’accès aux populations en détresse et dans le besoin », a-t-il conclu.
Aly Tinto