Au Burkina Faso, la religion traditionnelle est désormais prise en compte dans l’Observatoire national des faits religieux (ONAFAR), à l’issue du Conseil des ministres du jeudi 6 août 2020. Radars Info Burkina s’est penché sur une communication de Bétéo Denis Nébié, chargé de recherche à l’Institut des sciences de la société (INSS-CNRST), intitulée : «Quelle contribution des chefs coutumiers et traditionnels dans la promotion des pratiques culturelles positives pour le renforcement de la cohésion sociale ?»
« S’il est vrai que chaque société devrait être forte sur ses propres bases, comment Kamita pourrait-elle faire pour conjuguer la tradition à la modernité ? Avec une tradition forgée depuis nos aïeux sur une vision du monde grégaire et une modernité orientée essentiellement sur l’individualisme, le mariage peut-il prendre ? Contrairement à ce qu’on pourrait penser de prime abord, cela me semble possible ! Premièrement parce que, même si nos ancêtres n’avaient pas subi le sort qui a été le leur, ils auraient tout de même vécu jusqu’aujourd’hui. Deuxièmement parce que la réalité de l’être humain, est de vivre dans des groupes qui se sont toujours rencontrés à un moment ou à un autre de leur histoire. La conclusion logique est que la manière dont nos ancêtres auraient réagi et se seraient adaptés, c’est à nous de le faire aujourd’hui. Même s’ils auraient eu, il est vrai, beaucoup plus de facilité à s’adapter que nous, étant leurs fils, nous pouvons également relever le défi », a indiqué le Bétéo Denis Nébié.
Comment procède-t-on quand un problème survient dans la communauté ?
Selon le chargé de recherche, quand un problème survient, il faut d’abord rechercher sa cause, sa nature, son origine, ses implications éventuelles sur la société, etc. « Pour ce faire, le chef de terre convoque les notables du village à l’endroit dit des ancêtres et leur annonce son intention de se renseigner sur ledit problème. Le lendemain, il envoie ses « fɩra » consulter. Ceux-ci savent où aller, ayant une longue expérience », a-t-il précisé.
Après le diagnostic du problème, vient la recherche de la solution. « Dans notre zone, cela se passe de la manière suivante : les notables sont avertis qu’il y a un problème qui doit être solutionné. Si cela concerne une personne, une famille, un quartier ou un groupe particulier, celle-ci ou celui-ci sort le premier pour se rendre à l’endroit où les débats vont être menés, c’est-à-dire à la place des ancêtres. Tout le reste du village sort rejoindre les premiers arrivés. Le plus ancien du village et sa suite saluent le chef de terre. Il explique ensuite qu’il a été convié à une rencontre sur un problème à résoudre. Le chef de terre est ensuite invité à décliner le motif de la réunion. Tour à tour, ceux-ci prennent la parole pour donner leur point de vue sur le problème, les explications du devin, ainsi que leurs avis respectifs sur les perspectives de la question à résoudre. Toutes ces interventions sont ponctuées de vœux et de souhaits formulés auprès des ancêtres, de la terre, de la forge, du marigot, de la montagne, de la brousse, etc. A la fin de leurs interventions, le chef de terre invite le détenteur du couteau, qui est en l’occurrence toujours un neveu, à faire les sacrifices indiqués par le devin. A la fin, le chef de terre et le plus ancien formulent des vœux pour l’atteinte des objectifs du sacrifice ainsi que pour la santé et la paix dans le village», a donné en guise de détails M. Nébié.
En matière de leçons à tirer de ces procédures, « la première est que pour un problème du village ou d’un de ses groupes particuliers, tout le monde est présent. Personne ne peut soutenir qu’il a été évité pour quelque raison obscure que ce soit. La procédure ayant été scrupuleusement respectée, l’adhésion ne peut être que générale. La seconde leçon qui dérive de la première est qu’il s’établit une confiance entre les membres de la communauté. Il ne viendrait alors à l’esprit de personne de ne pas respecter la suite des évènements. Une autre leçon est que tout le monde a communié à travers le produit du sacrifice en mangeant ensemble. »
Pour le chargé de recherche, l’Etat est responsable de chacun de nous, « dans notre entièreté (physiquement et spirituellement) ! ». « Cela signifie également que tous, nous devrons accepter que si nous sommes de telle ou telle croyance, de telle ou telle confession, c’est parce que nous sommes d’abord vivants et en bonne santé. L’Etat a donc l’obligation de contraindre, s’il le faut, chacun de nous à respecter ces vérités élémentaires. Il faudrait que notre Etat crée des structures qui obligent chacun à rester correct sur cette question », a-t-il souligné.
Pour finir il recommande à nos dirigeants la consultation des devins. « Selon un proverbe de chez nous, les problèmes surprennent rarement celui qui fréquente les devins, car ils avertissent avant de survenir ! Il est évident que ce serait faire preuve de paranoïa que de passer tout son temps chez des devins qui, avec la mondialisation, sont pour la plupart devenus des charlatans. Mais ne serait-ce que périodiquement, il est bon de recourir à ces intermédiaires qui peuvent réellement être utiles. Je suis conscient de la réaction que les gens auront à cette proposition. Mais à un certain moment, il faut savoir assumer ses responsabilités », a-t-il conclu.
Aly Tinto