L’Assemblée nationale a remis le mercredi 8 juillet 2020 au président du Faso un rapport de 19 recommandations. Au nombre de celles-ci figure le report des élections législatives d’un an pour « des raisons d’insécurité, de représentativité et de légitimité ». Mais du côté de la classe politique ainsi que des organisations de la société civile, des voix s’élèvent pour mettre en garde contre un éventuel « lenga », c’est-à-dire toute prolongation du mandat des députés. Pour s’enquérir de l’appréciation du citoyen lambda de ce projet de découplage des échéances électorales à venir, Radars Info Burkina a promené son micro dans la ville de Ouagadougou. Lisez plutôt.
Hamado Compaoré, sexagénaire, a affirmé sans détour ceci à propos du projet de prolongation de la mandature des élus nationaux : « Nous n’allons pas accepter cette recommandation des députés. Le 22 novembre prochain, il est prévu des élections couplées. Pourquoi vouloir dissocier les législatives des autres échéances électorales ? Dans ce cas, pourquoi ne pas reporter l’élection présidentielle également ? Ce serait plus logique ! De toute façon, le 22 novembre, c’est presque arrivé donc il faut s’en tenir au couplage des élections.»
« Ce n’est pas dans l’intérêt du peuple que nos parlementaires ont fait cette recommandation, c’est dans leur seul intérêt. Beaucoup d’entre eux espèrent pouvoir ainsi achever leurs chantiers si cette prolongation d’une année est validée. S’ils étaient sincères, vu la situation d’insécurité du pays ils auraient démissionné. S’ils savent ce qu’est la honte, ils doivent renoncer à ce projet de prolongation de la durée de leur mandat. Personnellement, je pense que c’est un plan du parti au pouvoir d’autant plus qu’à l’Assemblée nationale, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) est majoritaire. Si d’aventure au soir du 22 novembre Roch Kaboré perdait le pouvoir, ce serait la désolation totale pour eux. C’est pourquoi ils veulent qu’on aille d’abord à la présidentielle. Ainsi si le président Kaboré n’est pas réélu, son successeur devra dissoudre l’AN ; autrement il ne pourra pas diriger. Donc leur plan, à mon avis, c’est que même si Roch n’est pas réélu le MPP puisse rester aux affaires», analyse pour sa part Madi RCK, couturier.
Salif Ouédraogo, qui est en train de faire des achats au bord de la voie, nous lance : « Ce n’est pas normal. Ils n’ont même pas droit à un mois de plus à l’hémicycle ». « Qu’est-ce qui prouve que dans une année la crise sécuritaire sera terminée ? Il faut la tenue des élections couplées. Ou alors on n’organise aucune élection», estime, quant à lui, Mahamadi.
Aly Bilgo, attablé dans un restaurant où il prend son déjeuner avec des camarades, martèle : «Ils (NDLR : les députés) devront partir à la fin de leur mandat. Eux-mêmes savent qu’une prolongation n’est pas possible. Nous ne voulons pas qu’ils fassent un seul jour de plus à la fin de leur mandat. Ils vont partir et nous allons désigner, par le truchement des élections, ceux que nous voulons qu’ils les remplacent à l’hémicycle».
Quant à M. Traoré, il adhère à ce projet de découplage des élections. « C’est mieux de reporter les législatives en ce sens que dans certaines localités si les maires n’ont pas fui à cause de l’insécurité, ils sont morts. Donc ce serait très important de pacifier ces zones et permettre le retour des déplacés avant la tenue des législatives », argumente-t-il.
«Je suis favorable à cette proposition de l’AN. C’est la situation d’insécurité qui commande cela. Effectivement, il y a des localités où on ne peut plus mettre pied. Il faut voir la réalité en face. Si les législatives se tiennent à la même date que la présidentielle, l’opposition politique dira par la suite qu’il n’y a pas de représentativité. Les gens doivent se rappeler que le système de couplage des élections est récent », soutient un autre citoyen, M. Dianda.
Aly Tinto