Depuis quelques jours, certaines localités du Burkina Faso ont reçu leurs premières pluies, signe de l’installation de la saison agricole. Après avoir labouré son champ, le paysan a le choix entre les semences améliorées et celles traditionnelles pour effectuer les semis. Suite à l’article sur les semences améliorées, Radars Info Burkina a approché l’Association pour la protection de la nature au Sahel (APN-Sahel), qui lutte pour la sauvegarde des semences traditionnelles. Selon Richard Minougou, coordonnateur de l’APN-Sahel, la semence relève de la souveraineté du paysan et il n’y a pas de sécurité semencière ni alimentaire quand on est dépendant d’une source extérieure.
« Pour nous, acteurs de l’agroécologie paysanne, les semences paysannes comprennent à la fois les semences traditionnelles et celles locales ainsi que les nouvelles semences développées par les paysans à travers la sélection ou d'autres méthodes de sélection et qui sont adaptées, cultivées et entretenues localement. Ce sont les paysans qui ont le pouvoir et le contrôle sur la production, l'épargne, la réutilisation et l'échange libre de ces semences paysannes », a expliqué dans un premier temps Richard Minougou.
Selon lui, plus de 85% des agriculteurs en Afrique utilisent les semences paysannes. Depuis une trentaine d’années, APN-Sahel travaille avec les communautés et d’autres acteurs à la sauvegarde et à la valorisation des semences paysannes. La raison principale en est que « les semences paysannes sont aujourd’hui menacées par les politiques agricoles nationales qui privilégient le système semencier formel (semences améliorées, hybrides et OGM), la biopiraterie, qui est l’une des pires formes de menaces pour les variétés traditionnelles de semences, et le changement climatique », a soutenu le coordonnateur de l’APN-Sahel.
Mais ceux qui prônent l’utilisation des variétés hybrides F1 attestent qu’elles sont une réponse à l’insécurité alimentaire due au changement climatique.
«Les semences séculaires sont résilientes et se sont toujours adaptées à leurs contextes agroécologiques depuis des millénaires. Elles répondent au mieux aux besoins des communautés qui en sont les propriétaires et libres d’échange. Si vous n’avez pas d’argent, vous ne pouvez pas accéder aux variétés hybrides, et si les conditions climatiques changent vous devez aussi changer de variétés. Dans certains cas, vous devez toujours retourner à la boutique pour acquérir ces semences. Il n’y a pas de sécurité semencière ni alimentaire si on est dépendant d’une source extérieure. Nous allons plus loin, car la semence relève de la souveraineté du paysan», a répondu M. Minougou à ce propos.
Les actions menées par l’APN-Sahel en vue de la sauvegarde des semences paysannes sont, entre autres, le développement de solutions de conservation in situ desdites semences (sur le site de production) grâce à la construction de banques de gènes et de banques de semences gérées de manière communautaire, la réalisation des évaluations participatives de la sécurité semencière dans différentes régions du Burkina avec les villages partenaires, la mise en œuvre, entre 2010 et 2020, dans quatre régions du Burkina, du programme de rayonnement de l’approche SOS (semences de la survie) en partenariat avec l’ONG canadienne USC Canada (devenue Seed Change). Enfin, sur le plan politique, l’APN-Sahel a contribué au plaidoyer pour la révision de la loi sur les ressources phylogénétiques du Burkina, notamment pour la reconnaissance des systèmes semenciers paysans, la prise en compte du droit des paysans de disposer et d’échanger librement leurs semences, etc.
Aly Tinto