Malgré le fait qu'hier une bonne partie des avocats de la défense ait pour la deuxième fois quitté la salle d’audience, le procès se poursuit en toute sérénité. La liste des témoins examinée et la lecture de l’arrêté de renvoi faite, il reste à présent l’étape majeure de ce procès : l’interrogatoire de Gilbert DIENDERE et des 83 autres, afin que toutes les responsabilités soient situées dans ce coup de force perpétré contre les autorités de la transition le 16 septembre 2015, qui a d’ailleurs coûté la vie à treize (13) personnes et blessés des dizaines autres. Selon le tribunal, cela devrait commencer le 6 avril prochain.
Depuis l’ouverture du procès du putsch de septembre le 27 février dernier, les tractations sur les vices de forme constituent le menu qui est servi tous les jours aux populations burkinabè. Lesquelles sont impatientes de voir les débats de fond commencer. Cette soif de savoir qui a fait quoi et surtout, qui a ordonné de tirer sur la population lors des évènements du 16 septembre 2015, sera bientôt étanchée. En effet, à l’audience de ce samedi 30 mars 2018, le président du tribunal Seydou OUEDRAOGO, a annoncé que les interrogatoires commenceront le 6 avril prochain.
Mais pour en arriver à là, on a dû assister à de vraies tractations sur les vices de forme et de procédures. A coups d’articles, chaque partie essayait de défendre ses positions. Les avocats de la défense, après avoir été déboutés de toutes les exceptions et irrégularités soulevées, ont été obligés de continuer les débats à leur corps défendant, jusqu’au vendredi 30 mars 2018, où le tribunal a rendu son jugement sur l’examen des listes de témoins présentées par le parquet militaire et certains accusés.
De ce jugement, seulement trois (3) listes de témoins ont été retenues. Il s’agit de celle du parquet militaire, composée de quarante-deux (42) témoins dont un expert, des accusés Nobila SAWADOGO (trois témoins) et S. Médar BOUE (trois témoins). Les témoins des généraux Gilbert DIENDERE et Djibril BASSOLE, du lieutenant K. Jacques LIMON, d’Ardjouma KAMBOU, de Rélwendé COMPAORE, d’Abdoulaye DAO, de Léonce KONE, d’Hermann YAMEOGO et du commandant Abdoul Aziz PORGO ont été rejetés par le tribunal, car les accusés, conformément aux articles 106, 116 et 118 du code de justice militaire ne leur ont pas notifiés.
Pris donc entre le marteau et l’enclume, les avocats de la défense après concertation ont demandé une suspension d’au moins deux (2) mois pour citer leurs témoins. Laquelle demande a été rejeté par le tribunal, car pour lui, accepter cette demande reviendrait à mettre en cause la décision qu’elle a rendu qui invalidait ces dits témoins. Aussi, pour le ministère public, l’invalidation de ces témoins ne biaiserait nullement aucune des parties, car selon l’article 118 du code de justice militaire, le tribunal peut à tout moment faire comparaître un témoin s’il juge que son témoignage aiderait à la manifestation de la vérité.
Ce énième refus du tribunal fut une pilule difficile à avaler par la plupart des avocats de la défense, qui du reste, ont opté pour la politique de la chaise vide en quittant la salle d’audience. Seulement cinq avocats sont restés dans la salle pour assister leurs clients. Il s’agit de Me Halidou OUEDRAOGO, de Me Issaka ZAMPALIGRE, de Me Mamadou SOMBIE, de Me Mamadi SAWADOGO et de Me OUATTARA. « Le procès n’est pas équitable. Ils ne veulent pas entendre nos principaux témoins. Le parquet biaise ce procès et le tribunal le suit. On commence à cacher la vérité. Nous allons attendre jusqu’à ce que nos principaux témoins soiebnt cités à comparaître », a déclaré Me Takoré Bernard GUIZOT, un des avocats du général Gilbert DIENDERE.
Quoi qu’il en soit, cette désertion massive de la salle d’audience n’a pas empêché le même jour, la lecture de l’arrêt de renvoi qui fait au total cent quatre-vingt-seize (196) pages. Cette lecture a pris fin ce samedi matin. Après, s’en est suivi l’examen des différentes demandes de mise en liberté provisoire qui étaient au nombre de quatre (4). Il s’agit de celle de Lahou Mohamed ZERBO (pour raisons familiales), de B. Roger KOUSSOUBE (pour assister sa femme malade), du soldat Abdoul COMPAORE (qui a usé de la liberté provisoire dont il jouissait pour se rendre dans le cadre du service, en mission au Mali, et ce, malgré la citation à comparaître le 27 février qu’il a reçu avant son départ le 05 février pour le Mali. Ce qui a obligé le parquet en application de l’article 150, à le maintenir à nouveau en détention par ordonnance de prise de corps) et d’Aminata GUELWARE (pour raison de santé et pour l’éducation de son enfant). Toutes ces demandes ont été rejetées par le tribunal, car étant mal fondées, excepté, celle du soldat Abdoul COMPAORE qui a été renvoyée pour vérification.
Autre rebondissement majeur que l’on peut noter dans ce 7e épisode du feuilleton judiciaire Gilbert DIENDERE et 83 autres, c’est la récusation par deux avocats de la défense de leur mandat. En effet, Me Halidou OUEDRAOGO (qui n’a pas quitté hier la salle d’audience) a décidé de se déporter du dossier de son client le bâtonnier Mamadou TRAORE à cause de divergence de point de vue qu’il a avec celui-ci. Quant à Me Issaka ZAMPALIGRE (qui n’a aussi pas quitté la salle d’audience), lui, récuse son mandat, car le déroulé du procès ne va pas en droite ligne avec ses convictions professionnelles, son entendement du droit.
Malgré tout, l’audience reprendra le vendredi 6 avril 2018 à 9h, avec cette fois, l’interrogatoire des accusés, l’étape la plus attendue par bon nombre de Burkinabè.
Candys Solange PILABRE/ YARO