Suspendu hier dans la soirée, toujours avec en fond, les débats de forme, construits autour de la possibilité des juges à siéger, le procès a repris son cours normal dans la matinée de ce jeudi 22 mars 2018. Cette fois, les avocats de la défense n'ont pas quitté la salle, mais ils ont refusé de participer à l’examen des mémoires déposés par certains conseils, eu égard du fait que le président du tribunal Seydou OUEDRAOGO, n’a pas voulu apporter de réponses immédiates à la demande de récusation de Me Christophe BIRBA, portée sur sa personne et sur son conseiller Emmanuel KENENE.
Comme annoncé hier, le procès du putsch manqué de septembre 2015 a effectivement repris ce jeudi matin dans la salle des banquets de Ouaga 2000. C’est à 8h30mn GMT, que le président du tribunal Seydou OUEDRAOGO a ouvert l’audience avec en ligne de mire l’examen des différents mémoires déposés. Ce qui n’était pas du goût de la défense qui a exigé qu’en vertu de l’article 27 du code de justice militaire, le président statue d’abord sur la requête déposée hier par Me Christophe BIRBA, portant essentiellement sur des suspicions d’impartialité et d’indépendance des juges du tribunal militaires, puisque ces derniers ont été nommés par le ministre en charge de la justice, Réné BAGORO, par ailleurs constitué en partie civile dans cette affaire, et non désignés par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). « Le président doit statuer sur la requête d’hier de Me BIRBA, avant de pouvoir examiner les différents mémoires », a souligné d’entrée de jeu Me Mathieu SOME.
Mais, en invoquant l’article 50 du code de procédure pénale, le ministère public a débouté cette demande des conseils des accusés, car il estime que le président du tribunal n’a pas compétence à statuer sur sa propre récusation. En effet, pour lui, ce n’est pas au président du tribunal assis, de dire si elle est compétente ou pas à juger ce dossier, mais, au président de la cour d’appel, auprès duquel, une requête doit être déposée, qui est habilité à le faire.
Pour la partie civile, l’invocation encore ce matin de cette requête de Me BIRBA, est un retour à la case départ, car ces questions avaient été soulevées, débattues longuement et évacuées hier. Mais, quoi qu'il en soit, les avocats de la défense persistent et signent : il n y a pas de contradiction entre les articles 27 du code de justice militaire et 50 du code de procédure pénale. « Une loi générale ne peut pas déroger une loi spéciale. Le président du tribunal doit statuer, car ce serait un dénie de justice que d’user du silence ou de l’imperfection de la loi pour ne pas statuer », a déclaré Me BAYALA.
Face à cette insistance de la défense, le président Seydou OUEDRAOGO a noté qu’aucune disposition légale ne l’oblige à répondre immédiatement à cette demande de récusation soulevée par Me BIRBA et portant sur sa qualité de président de ce tribunal. C’est pourquoi, il a souhaité examiner d’abord les mémoires qui lui ont été soumis par certains avocats de la défense avant cette requête de récusation.
Suite donc à cette décision du président de continuer avec l’examen des mémoires avant d’apporter des réponses sur les suspicions portées en son encontre, la défense a demandé 30 mn de suspension afin de se concerter. Laquelle suspension a été accordée par le président du tribunal, sans pour autant recueillir l’assentiment du parquet qui la trouvait irrecevable, car la défense n’est pas constituée d’un collectif d’avocats, mais plutôt formée d’avocats constitués individuellement.
A la reprise à 9h30mn, les avocats de la défense sont restés campés sur leur position. « Nous n’allons pas participer à l’examen des mémoires, mais nous ne quitterons pas la salle comme le veulent nos collègues de la partie civile, car nous ne fuyons pas. Nous ne sommes pas là pour faire du spectacle, nous ne jouons pas, car il s’agit de nos droits », a déclaré Me BONKOUGOU. Face à cette décision de mutisme des conseils des avocats, « le parquet prend acte de la position de la défense, qui n’étonne d’ailleurs pas, car depuis le début de ce procès, tout est fait pour qu’on avance pas ».
C’est donc avec la partie civile que le président du tribunal a procédé à l’examen des différents mémoires concernés. Au total, pour cette première phase d’examen des requêtes, six (6) mémoires étaient sur la table des juges. Sur les six mémoires, quatre (4) ont été déclarés recevables dans la forme et rejetés dans le fond par le ministère public. La requête aux fins de sursis à statuer, déposée par le collectif des avocats constitués aux cotés de TRAORE Mamadou a été déclarée irrecevable par le ministère public, qui en vertu de l’article 578 estime que la saisine de la cour de cassation ne saurait être suspensive. Par conséquent, ce motif ne peut ordonner un sursis à statuer. Le mémoire déposé par Me Christophe BIRBA aux fins de demande de renvoi pour cause de saisine du Conseil d’Etat pour deux (2) recours, a lui été déclaré sans objet par le ministère public, car le Conseil d’Etat avait déjà vidé sa saisine et rejeté cette demande.
Les mémoires examinés, le président du tribunal a décidé de la suspension de l’audience, le temps pour les juges de délibérer sur les requêtes et sur la demande de récusation portant sur sa personne et son conseiller Emmanuel KENENE, soulevée hier par Me Christophe BIRBA. La reprise du procès est donc prévue pour le lundi 26 mars 2018 à 8h30mn .
Candys Solange PILABRE