En 2016, il a remporté le concours international de chocolat en Côte d’Ivoire, un prix qui, de facto, fait de lui le « maître du chocolat » en Afrique. André Bayala, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a du talent à revendre dans ce domaine. Mais comment un Burkinabè peut-il être chef chocolatier alors que le Burkina Faso n’est pas producteur de chocolat ? Des réponses dans cette interview accordée au « chef André ».
Radars Info Burkina (RB) : Depuis combien de temps êtes-vous dans le domaine de la chocolaterie ?
André Bayala (AB) : Ma formation en chocolaterie remonte à 18 ans. Mais depuis 5 ans, je suis maître chocolatier indépendant.
RB : En 2016, vous avez remporté le concours international de chocolat en Côte d’Ivoire. Parlez-nous davantage de cette distinction.
AB : C’est un prix continental et je l’ai obtenu à l’issue d’une compétition ayant regroupé des chocolatiers africains. J’ai été sélectionné de façon inattendue puisque le comité d’organisation, qui avait séjourné au Burkina, n’y avait pas trouvé de chocolatier. Il m’a rencontré après avoir vu mon curriculum vitae et j’ai ainsi été retenu pour la compétition, qui s’est déroulée à Abidjan. Pendant les épreuves, les autres candidats ne m’ont pas du tout prêté attention pour la simple raison que je venais d’un pays non producteur de chocolat. Cela a été un avantage pour moi et j’ai ainsi pu m’imposer.
RB : Où avez-vous suivi votre formation en chocolaterie ?
AB : Ma formation s’est passée en deux étapes : j’ai d’abord suivi une formation de chocolatier en Côte d’Ivoire et ensuite j’ai eu une formation de théobromeur, c’est-à-dire de fabricant de chocolat à partir de la fève, à Genève en Suisse. Ce sont deux choses différentes mais que les gens ont tendance à confondre.
RB : Quel était votre objectif quand vous vous lanciez dans ce domaine, étant donné que le Burkina n’est pas un pays producteur de cacao ?
AB : Ce qui m’a vraiment attiré dans le domaine du chocolat, c’est une histoire vécue lorsque j’étais à Genève. Un jour, j’ai vu du chocolat au sésame que j’ai voulu acheter mais je me suis tout de suite rendu compte qu’il était hors de prix. Et je leur ai dit que le sésame ne coûte pas cher chez moi et ils m’ont répliqué que là-bas c’était de l’or. Et dès que je suis rentré après ma formation, en voulant me lancer dans le chocolat j’ai pensé tout de suite aux produits locaux. Beaucoup disent que le chocolat ne fait pas partie de nos habitudes, qu’il est hors de prix mais il fallait simplement identifier le chocolat que je fais à l’image du Burkinabè. Présentement, nous avons du chocolat au sésame, au soumbala et à la noix de cajou. Et lorsque les clients viennent, ils sont émerveillés parce qu’ils voient leur image à travers ce chocolat. Ce qui fait que les gens s’y attachent.
RB : Etes-vous sollicité pour des formations ici au Burkina ?
AB : Il y a beaucoup de jeunes qui ont demandé à être formés dans le domaine du chocolat, ce que nous faisons. Mais la plupart viennent de l’étranger, notamment de la Côte d’Ivoire, où j’ai en projet de former 3500 femmes à la transformation de la fève en chocolat. Au Cameroun, au Congo et au Kenya aussi, j’ai des demandes de formation. La plupart de mes vidéos sont diffusées dans ces pays et ayant vu que nous avons commencé au Burkina, qui ne produit pas de cacao, ces personnes ont envie de se former dans le domaine du chocolat.
RB : Quels sont vos projets dans un futur proche ?
AB : Nous avons réussi à implanter une boutique. Le deuxième programme lié directement à la boutique du chocolat, c’est l’ouverture d’un centre de formation sur les métiers de bouche. Ces deux programmes sont liés et la boutique est le projet pilote du centre de formation. Le centre pourra accueillir des apprenants de la sous-région. Leur apprentissage sera basé sur comment faire la pâtisserie de façon professionnelle, comment faire la transformation de la fève jusqu’au chocolat et comment transformer le chocolat en différents détails. L’installation de ce centre pourrait prendre 5 ans. Parallèlement, nous aimerions ouvrir d’autres centres au niveau sous-régional et à l’international. Nous allons former des jeunes afin d’assurer la relève, car je compte me retirer d’ici là.
RB : A votre avis, pourquoi êtes-vous moins sollicité dans votre propre qu’ailleurs ?
AB : Cela ne date pas d’aujourd’hui. La première raison est que beaucoup d’Africains se sont juste limités à l’exportation du cacao et n’ont jamais pensé à sa transformation. Pourtant, cela n’est pas difficile. Le mythe de la transformation de la fève en chocolat s’est alors installé, ce qui a poussé beaucoup de personnes à ne pas s’intéresser au chocolat. La deuxième raison est que beaucoup ne cherchent pas à comprendre ce qu’est le cacao, ils préfèrent fondre le chocolat et le transformer. Or, pour obtenir du chocolat, il y a tout un processus à suivre et pour le maîtriser, il faut être formé. Je suis en train de mettre un programme sur place avec la coopération hollandaise visant à mettre sur pied des champs de cacao de Madagascar, car c’est le meilleur cacao au monde.
RB : Votre dernier mot ?
AB : A mes débuts, beaucoup ont trouvé mon projet utopique d’autant plus que le Burkina ne cultive pas de cacao. Pourtant, la Suisse par exemple est un pays qui n’a pas de champs de cacao mais elle produit les meilleurs chocolats au monde. Produire du cacao et transformer le cacao sont deux choses différentes. Mon souhait à l’endroit de nos autorités est qu’elles m’épaulent pour que notre pays soit un pays producteur de cacao à l’avenir. Certains ont dit que la culture du cacao ne réussit pas au Burkina mais j’ai fait ma propre expérience. J’ai planté plusieurs pieds et j’en ai distribué plusieurs. Notre pays est favorable à la production du cacao. Par exemple la zone de la boucle du Mouhoun jusqu’à la frontière du Mali est une zone favorable à la culture du cacao. J’attire l’attention des autorités sur l’intérêt d’exploiter ces zones pour la culture du cacao.
Elza Nongana (Stagiaire)