Le lupus ou lupus érythémateux systémique est une maladie chronique auto-immune qui consiste en un dérèglement du système de défense de l’organisme. Les travaux du premier rhumatologue burkinabè réalisés il y a une dizaine d’années ont permis de révéler qu’une personne sur deux cents consultations est lupique. Un taux de prévalence non exhaustif dû à plusieurs raisons (peu de rhumatologues, cas pris en charge par d’autres disciplines, etc.). Quels sont alors les causes, les manifestations et les éléments déclencheurs de cette pathologie ? Existe-t-il un traitement ? Le lupus peut-il entraîner le décès du malade ? Autant de questions auxquelles Fulgence Kaboré, médecin rhumatologue au CHU de Bogodogo, répond dans cette interview.
Radars Info Burkina (RB) : Pouvez-vous nous dire ce qu’est le lupus ?
Docteur Fulgence Kaboré (FK) : C’est une maladie auto-immune, il s’agit d’un dérèglement du système de défense de l’organisme. Le corps produit des éléments de défense contre les agressions extérieures. Il arrive dans cette maladie que ces éléments de défense se retournent et attaquent certains constituants de notre organisme, d’où l’appellation auto-immune. Il s’agit d’une pathologie qui peut atteindre tous les organes et qui touche les personnes du sexe féminin dont l’âge moyen est compris entre 9 et 45 ans. Le lupus survient au cours de la vie de la jeune femme, mais il existe des cas de lupus néonatal (très rare).
RB : Quelles sont les manifestations de la maladie ?
FK : Elles sont nombreuses. Comme son nom l’indique, le lupus systémique atteint tous les organes du corps. Il peut s’agir de signes généraux au début comme la fièvre, la fatigue, de douleurs musculaires. Il peut y avoir des manifestations sur la peau et au niveau des muqueuses (revêtements internes) buccales, anales et génitales. Sur la peau, on peut observer des dermatoses pigmentées qui se présentent le plus souvent sur le visage (autour du nez et des paupières). On peut aussi observer une chute de cheveux qui peut être attribuée, à tort, à certains produits cosmétiques. Il peut y avoir des signes articulaires comme les douleurs articulaires de type inflammatoire et des gonflements qui surviennent au cours de la nuit en dehors de toute activité. Les manifestations rénales, cardio-vasculaires, respiratoires, hématologiques (pathologies du sang), neurologiques avec la diminution de certaines fonctions de la capacité de motrice, de la sensibilité de certaines parties du corps. Des manifestations psychiatriques peuvent subvenir, telles les modifications de comportement de l’individu et des troubles de l’humeur. Le lupus peut se manifester au niveau digestif par des troubles du transit, des douleurs, de la diarrhée. Cependant, les manifestations les plus fréquentes au début du lupus restent les douleurs articulaires, les pathologies au niveau de la peau et des muqueuses.
RB : Quels peuvent être les causes du lupus ?
FK : A ce jour, aucune cause n’est formellement identifiée, mais il y a des facteurs qui favorisent sa survenue ou son déclenchement.
RB : Quels sont les éléments déclencheurs de la maladie ?
FK : Les facteurs qui favorisent les manifestations de la maladie sont divers et diversifiés pendant la crise inaugurale et les poussées symptomatiques. Le plus fréquemment, ce sont les infections de tous ordres et de tous les foyers, mais aussi les épisodes de la vie génitale de la femme (grossesses) peuvent être des circonstances de déclenchement de la maladie ou de poussées symptomatiques en évolution. Il y a aussi certaines intempéries comme les expositions au soleil, aux rayons ultraviolets.
RB : Comment détecter un patient atteint du lupus ?
FK : Nous écoutons d’abord le patient avec sa plainte de façon spontanée, ou référé par un médecin qui ne s’occupe pas du lupus mais qui suspecte le lupus qui envoie le malade vers les milieux spécialisés. Ensuite approfondir l’interrogatoire à la recherche de signes qui vont mieux orienter le médecin. La maladie sera ainsi confirmée par les résultats d’un examen biologique qui consiste en la recherche d’anticorps (éléments de défense de l’organisme) caractéristique du lupus. Ce qui n’est pas exclusif car le diagnostic va tenir compte de critères de classification des signes cliniques et paracliniques. C’est alors à l’issue de toutes ces considérations que nous pourrons dire s’il s’agit ou non du lupus.
RB : Mais le patient souffre, vu ce long processus de diagnostic !
FK : Non, le diagnostic ne prend pas du temps du moment où le patient est en milieu spécialisé. Aussi, nous n’attendons pas le diagnostic pour soulager le malade. Nous administrons des soins au malade pour qu’il se sente bien le temps que le diagnostic soit correct avant de commencer le traitement qui convient. Le retard réside le plus souvent dans le parcours du malade avant d’atteindre les milieux spécialisés. Etant donné que le lupus débute par des signes généraux comme la fatigue, la fièvre et les douleurs musculaires, le patient passe plus de temps à penser à des maladies courantes comme le paludisme ou à certaines pathologies comme le VIH (beaucoup de nos patientes arrivent avec des examens de dépistage du VIH fait plusieurs fois). C’est la recherche de ces pathologies qui n’existent pas qui fait traîner le diagnostic.
RB : Ces examens biologiques sont-ils réalisés au Burkina ?
FK : Il n’y a pas longtemps, la plupart des examens spécifiques se réalisaient à l’extérieur, notamment en France. Nos laboratoires effectuaient des prélèvements qui étaient ensuite envoyés en Europe pour la recherche des anticorps spécifiques. Mais depuis un certain temps, un médecin immunologue qui essaie de promouvoir un laboratoire ici fait le dosage sur place. Ce qui permet de réduire non seulement le délai mais aussi les coûts. Malheureusement cette offre n’est pas encore disponible au public mais seulement au niveau du privé. Nous espérons que dans les jours à venir, les hôpitaux publics vont disponibiliser cette offre.
RB : Avez-vous déjà enregistré des cas sévères, voire des décès des suites du lupus ?
FK : Des décès oui, mais ils ne sont pas directement liés au lupus. Les décès sont dus aux pathologies courantes favorisées par la situation de faiblesse immunitaire créée par le lupus ; des cas sévères allant jusqu’à l’insuffisance rénale à cause du retard dans le diagnostic.
RB : Existe-t-il un traitement curatif au lupus ?
FK : Il n’y a pas de traitement curatif pour le moment, on ne guérit pas totalement de la maladie comme d’un paludisme dont on élimine le parasite. Mais nous avons des traitements qui permettent d’obtenir une rémission complète de la maladie, de sorte à améliorer la qualité de vie du patient lupique. Et l’objectif visé, c’est atteindre un niveau où le malade ne prend plus beaucoup de médicaments (posologie et nombre) avec une continuité du traitement. Une situation où le patient vit normalement, ne ressent plus de douleurs ni aucun signe d’atteinte d’organe.
RB : Quel conseil avez-vous à donner ?
FK : C’est de ne pas négliger certains signes. Parce qu’à force de traiter les maladies, on finit par être habitué à la fatigue, aux douleurs musculaires qu’on attribue généralement au paludisme. Il faut se faire consulter pour n’importe quel signe qu’on ne comprend pas pour éviter des situations de diagnostics retardés, donc des complications.
Elza Nongana (Stagiaire)