La commémoration de la cinquième année de la chute de Blaise Compaoré a été ponctuée par plusieurs hommages et des leçons à tirer de cette mutation dans l’histoire politique récente du pays. Le Balai citoyen, principal mouvement de la société civile qui a été très actif contre la modification de la Constitution et l’instauration du Sénat qui ont abouti à la chute de Blaise Compaoré, a initié un panel sur cette insurrection le jeudi 31 octobre 2019. Radars Info Burkina y était.
« Les aspirations au changement et devoir de redevabilité des autorités : Bilan et perspectives. » Tel est le thème qui a fait l’objet de communications des Drs Luc Marius Ibriga, Abdoul Karim Saïdou et de Me Guy Hervé Kam. Un panel organisé par le Balai citoyen à l’occasion du 5e anniversaire de l’insurrection. Pendant plus de deux heures les panélistes ont passé en revue les facteurs qui ont causé ce soulèvement, les évènements pendant et après, les acquis et limites de la Transition ainsi que la gestion actuelle du pays.
S’agissant du bilan de l’insurrection populaire, le Dr Luc Marius Ibriga estime qu’il est positif. « Au Burkina Faso, on a tendance à tout peindre en noir et à mettre les choses dans une situation binaire. Le bilan de l’insurrection est positif, parce qu’il est l’une des prouesses du peuple burkinabè que d’autres peuples veulent et tentent d’imiter », a-t-il affirmé. Nous avons eu, poursuit-il, une insurrection humaniste. Sous d’autres cieux, on aurait compté des centaines de morts dans le camp d’en face.
Le Dr Ibriga a également mis en évidence ce qu’il a qualifié de piège tendu par Blaise Compaoré au peuple burkinabè pendant cette situation trouble. Selon lui, la démission du président Compaoré était calculée. « Blaise Compaoré a démissionné avec le président de l’Assemblée nationale en même temps. » Pour le Dr Ibriga, cette manière de partir avait pour objectif de créer un vide constitutionnel et institutionnel afin d’induire les insurgés en erreur. Car la suspension de la Constitution aurait exposé le pays aux sanctions de la communauté internationale.
« Nous sommes tombés dans ce piège, mais nous en sommes vite ressortis avec la charte de la Transition. Cette charte a coulé ceux qui espéraient un retour aux affaires de Blaise Compaoré. Car la démission de Blaise Compaoé était calculée. Ceux qui avaient été choisis étaient là pour travailler à la restauration avec le RSP», a-t-il argumenté.
Le Dr Abdoul Karim Saïdou, quant à lui, s’est appesanti sur le rôle joué par la jeunesse dans l’histoire politique du Burkina Faso. Tout en soulignant le caractère polysémique du terme « jeune », il a rappelé que la jeunesse a été active dans l’histoire politique du pays, et ce depuis les années 60, voire au-delà (soulèvement populaire, Révolution, insurrection, etc.). Malheureusement, dit-il, la jeunesse est très peu associée aux projets de développement.
Les échanges se sont poursuivis avec Me Guy Hervé Kam qui, lui, a répondu à certains détracteurs de l’insurrection qui la qualifient d’inachevée. Pour celui qui fut le premier porte-parole du mouvement le Balai citoyen, l’insurrection est bel et bien achevée. « L’insurrection est achevée », lance-t-il. Et de poursuivre en affirmant qu’en sortant, ils étaient contre la modification de l’article 37 de la Constitution. La démission du président Compaoré était la cerise sur le gâteau. « J’entends des gens dire que l’insurrection n’est pas achevée. L’insurrection est achevée, elle est finie », a-t-il soutenu.
Guy Hervé Kam est également revenu sur les grands acquis de cette insurrection. Selon lui, la transition a engrangé plusieurs acquis, notamment au profit de la justice. « Aujourd’hui s’il y a un problème avec la justice, oubliez le politique ; interrogeons les magistrats parce que la Transition a accordé un pouvoir à la justice qui n’existe nulle part ailleurs dans le monde », a-t-il lancé.
Cinq ans après l’insurrection populaire, le Balai citoyen et ses panélistes affirment leur fierté d’avoir joué un rôle de premier plan dans l’avènement d’une ère nouvelle. Tout en déplorant les insuffisances de la gestion actuelle du pays, ils espèrent toujours un changement qualitatif en s’appuyant sur les acquis de l’insurrection populaire.
Péma Néya