Le tribunal militaire de Ouagadougou, après la phase pénale, devait statuer ce 22 octobre sur le dédommagement et la réparation pour les préjudices subis par les victimes du putsch de septembre 2015. Mais aussitôt entamée, l’audience a été suspendue et renvoyée au 29 octobre, à la demande des avocats de la partie civile, qui souhaitent se concerter pour harmoniser leur défense.
Selon les propos de Me Prosper Farama, avocat de la partie civile, la demande de renvoi de ce matin fait suite à la requête d’une partie des parties civiles. Il faut noter que dans le dossier, il y a plusieurs parties civiles que sont l’Etat et les victimes civiles. « Nous, avocats des victimes, étions prêts pour cette phase, sauf que les avocats de l’Etat ont estimé qu’il était bon que toutes les parties civiles se concertent, étant entendu que nous pouvons avoir les mêmes intérêts. Une chose à laquelle nous n’avons pas jugé bon de nous opposer. Nous attendons donc de voir ce qui sortira de la concertation. Indépendamment de cela, les plaidoiries seront recadrées à l’audience », a affirmé l’auxiliaire de justice.
En ce qui concerne le déroulement de cette phase qui devrait connaître le dédommagement des parties civiles, Me Farama précise que chacune des parties civiles aura à présenter ses prétentions, à justifier le bien-fondé de sa constitution de partie civile et à formuler des réclamations pécuniaires sans oublier de les justifier. Cela va se faire par communication de pièces et, pour ceux qui le souhaitent, par l’appui de plaidoiries à l’audience.
A la question de savoir sur quelle base les accusés devraient apporter des réparations aux victimes, l’avocat répond que la condamnation civile n’est pas dépendante de la peine, mais de la responsabilité pénale retenue contre l’accusé. « En ce qui concerne par exemple nos clients, nous estimons que tous ceux qui ont été retenus coupables ou complices de l’attentat à la sûreté de l’Etat, des meurtres, coups et blessures volontaires auront à répondre de nos réclamations sur le préjudice moral que nos clients ont subi, parce que ceux-ci ont eu une souffrance morale et en droit, cela se dédommage. Pour ceux qui ont perdu du matériel, pour ceux qui ont été blessés ou ont perdu des parents, c’est l’essentiel de la motivation de nos réclamations. Donc nous allons demander que solidairement tous les accusés reconnus coupables soient condamnés à payer au même titre le montant de la condamnation, sans distinction du quantum de la peine », a-t-il argué. Et pour ce faire, les conseils des parties civiles entendent appeler l’Etat à garantir les condamnations qui vont être prononcées. Ils estiment que l’Etat est civilement responsable dans cette affaire du putsch de septembre 2015, car il lui incombe de garantir la sécurité et la sûreté des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire national, quelles que soient les circonstances, surtout quand cela vient d’éléments de la force publique comme le Régiment de sécurité présidentielle (RSP).
Si les accusés sont condamnés solidairement et l’Etat avec, afin de garantir les condamnations, les victimes ont le choix de saisir de façon indéfinie jusqu’à payement intégral des réparations pécuniaires, soit un des accusés, soit l’ensemble des accusés, soit l’Etat. Et dans ce cas de figure, l’Etat semble être le plus solvable de tous les acteurs cités plus haut. Il lui appartient donc, s’il le souhaite, de poursuivre les personnes pour qui il aura payé pour obtenir remboursement. « C’est l’action récursoire que le droit reconnaît à l’Etat ou à toute personne qui a payé pour le compte d’une autre », a ajouté Me Farama.
En rappel, le putsch manqué de septembre 2015 avait fait 14 morts et plus de 250 blessés.
Armelle Ouédraogo